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Mais pourquoi l'auteur de la tuerie d'Aurora fascine-t-il autant ?
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Batman côté sombre

La fusillade meurtrière lors de la diffusion du film Batman à Aurora, aux États-Unis a fait 12 morts et 58 blessés. Malgré l'atrocité du crime, des groupes Facebook prolifèrent sur le net pour rendre hommage au tueur.

Stéphane Bourgoin

Stéphane Bourgoin

Stéphane Bourgoin est un écrivain spécialisé dans la criminologie et l'étude des tueurs en série. 

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Atlantico : Des groupes de fans, auto-baptisés "les holmies", se sont formés sur les réseaux sociaux pour rendre hommage à James Holmes qui a abattu 12 personnes lors de la projection du film Batman à Aurora, aux Etats-Unis. Comment peut-on expliquer une telle fascination pour l'auteur d'un acte aussi abjecte ?

Stéphane Bourgoin : Ce phénomène n’est pas propre à James Holmes. Cela est déjà arrivé lors de l’arrestation de Luka Magnotta. On a vu naître de nombreuses pages Facebook, des blogs d’admiration. Il s'agit d'un processus essentiellement féminin. Lorsque l’on regarde par exemple, le blog des holmies, on s'aperçoit que ce sont les jeunes femmes qui écrivent le plus de messages de soutien. 

Les stars qu’elles admirent leur étant inaccessibles, elles vont essayer d’approcher ces autres types de "vedettes" qui leur semblent plus proches. Les femmes, en règle générale, sont plus attirées par ce qui touche à la criminalité. Canal Satellite avait d’ailleurs fait une étude qui montrait que 75 % des personnes qui regardent la chaîne « planète justice » sont des femmes. A titre personnel, je constate également que mon lectorat est essentiellement féminin.

Vous dites que ce phénomène est "essentiellement féminin", qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ?

Les femmes sont davantage victimes des criminels en règle générale. Elles s’intéressent plus à la psychologie que les hommes. 90% des élèves en psycho sont des femmes. Par ailleurs : 

  • les femmes pensent pouvoir comprendre l’humain qui se cache derrière « la figure du monstre »,
  • les tueurs en série disposent d’une image hyper-sexuelle. La fiction participe à développer cette figure notamment quand on regarde par exemple Hannibal Lecter présenté comme un homme de goût.

Mais comment expliquer la fascination qu'ils peuvent susciter chez certains ?

La fascination pour le mal ou la figure du mal est une constante. Alfred Hitchcock disait : «  Pour avoir un bon film policier il faut avant tout un très bon méchant ». Ce n'est pas une nouveauté, ni un phénomène purement américain : Landru, dans l’attente de son exécution, a reçu plus de 4000 demandes en mariage. 

Reste que la « starisation » des meurtriers est très anglo-saxonne. On trouve énormément de blogs en anglais, qu’on appelle le murderabilia, où vous pouvez acheter des ongles, des peintures ou des gribouillages de Charles Manson

Autrefois, lorsqu’il n’y avait pas encore de livres, vous pouviez voir sur les marchés, des marchands ambulants qui vendaient des représentations feuilles de tueurs ou de ses victimes, avec en dernière page la complainte du criminel (celle de Jean-Baptiste Troppmann qui avait tué 8 personnes à Pantin au XIX siècle, par exemple). Les gens s’arrachaient ces feuilles.

A la même époque, vous aviez aussi des journaux comme le « Petit journal » ancêtre de « Détective » ou « L’œil de la police ».  Ce phénomène n’est donc pas nouveau et a atteint parfois des dimensions inimaginables. Par exemple, en pleine affaire Landru, a eu lieu une élection présidentielle : Landru a reçu plusieurs dizaines de milliers de bulletins de votes!

Autre exemple, en France, on a arrêté les exécutions publiques en 1939. Lors de l’exécution d’Eugène Weidmann, il y a eu une grande bagarre, une hystérie générale de la part des femmes. Elles souhaitaient se précipiter vers la guillotine pour tremper leurs mouchoirs dans le sang du décapité car cela était censé apporter bonheur et fertilité.  

Internet et les nouveaux médias n’ont-ils pas accentué ce type de culte pour les criminels ?

Si, de manière évidente. James Holmes par exemple est un tueur d’imitation. Il appartient à la catégorie des tueurs de masse. Ces tueries ont toujours eu lieu mais, depuis la fusillade de Columbine en 1999, s’est instauré un code. Les tueurs se suicident ou se laissent abattre par les forces de l’ordre (NDLR : ce ne fut pas le cas de James Holmes). Ils sont presque toujours habillés de noir ou d’un uniforme qui leur donnent une forme d’autorité. Les blogs de soutiens et les pages Facebook à l’attention des tueurs se multiplient.

Enfin, il ne faut pas négliger que ces tueurs rêvent d’accéder à la notoriété. C’est ce que permettent les médias et Internet. Voilà pourquoi, selon moi, le seul moyen d’enrayer ce phénomène est d’arrêter de publier des images et de mettre en avant ces individus à la télé ou dans d’autres médias.

Enfin, le cinéma peut rendre sympathique le serial killer. Si on regarde la série Dexter ou encore Hannibal Lecter on voit bien le cinéma à tendance à rendre affectueux l’image du tueur qui devient le héros. 

Au final, pourquoi le mal fascine-t-il plus que le bien ?

Je compare cela à l’actualité télévisé. Les médias ne font pas leur une en s'intéressant aux trains qui arrivent à l’heure. A partir de là, forcément, on fait l’actualité autour de ce qui va mal.

Les faits divers passionnent car ils rassurent. En fait, ils nous donnent une lecture immédiate de l’état actuel d’une société à un moment donné.


Propos recueillis par Charles Rassaert

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