Pourquoi GoPro peut se faire du souci après le brevet déposé cette semaine par Apple : 5 précédents dans l’histoire de la marque à la pomme<!-- --> | Atlantico.fr
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Apple laisse rarement de la place aux concurrents
Apple laisse rarement de la place aux concurrents
©Reuters

Pomme sacrée

Il suffit d'une révélation concernant le dépôt d'un brevet par Apple sur le marché des caméras embarquées pour faire vaciller le cours en bourse du géant du secteur, GoPro. Pourquoi la marque américaine fait-elle si peur ? Retour sur ses principaux coups d'éclat qui ont volé la vedette à d'autres.

Gilles  Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la Rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek,  l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCHtv  la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux Loisirs.

Il est le co-auteur avec Marc Geoffroy d’iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

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Apple est réputée pour protéger farouchement sa propriété intellectuelle, mais il faut dire qu’elle a été suffisamment échaudée pour cela : tout récemment au moment du procès avec Samsung à propos du design de l’iPhone et de l’iPad, mais également au milieu des années 90 quand Microsoft a profité d’un contrat de licence mal ficelé pour sortir Windows 95, qui a totalement « banalisé »  le système d'exploitation du Macintosh  et son interface qui, il faut bien le dire, n’avaient pas beaucoup évolué depuis les débuts.

Or la valeur ajoutée des produits Apple, c’est avant tout une facilité et un confort d’utilisation, et en tout cas quelque chose de difficile à breveter si ce n’est par le biais du design. De plus, c’est davantage par le biais de l’intégration de composants en rupture avec ce qui précède, en travaillant sur ce qu’on appelle le « look and feel » de ces produits qu’Apple va se différencier, par une espèce de « polissage » de l’interface utilisateur, dont ses clients ne peuvent plus se passer et que les autres trouvent totalement surfaite. Non que Apple ne développe pas un certain nombre de technologies ou d’approches de son côté, mais là où Sony est présent et cherche sur une multitude de fronts technologiques, cette derbière a été obligée de revoir ses ambitions.

De plus, Apple a fait le choix stratégique de rester très concentré sur un certain nombre de fondamentaux, quitte à acheter sur étagères les technologies dont elle pense avoir besoin, ou même les start-up qui les développent. Sans compter que ce qui la différencie  du reste de l’industrie c’est non seulement l’intégration du logiciel et du matériel sur laquelle tous ses concurrents se sont jusqu’à présent cassé les dents (à l’exception peut-être de Microsoft), mais de plus en plus également l’intégration de services, avec un pont entre l’informatique traditionnelle d’une part, et celle ultra nomade d’autre part,  dont les objets connectés sont la dernière réincarnation, qu’il s’agisse de voitures, de maisons, de santé ou de sports et loisirs.

Tout le monde est focalisé sur les brevets  d'Apple,  avec l’idée que tout ce qui a été breveté ou dont les brevets ont été attribués à la firme de Cupertino feront l’objet d’une utilisation « disrupive », c’est-à-dire donnera lieu à la commercialisation d’un produit à la fois en rupture radicale par rapport à ce qui l’a précédé, et aux effets dévastateurs sur les acteurs traditionnels du secteur en question. Certes, on ne prête qu’aux riches, mais la réalité est beaucoup plus complexe ne serait-ce que parce que la firme à la pomme n’utilise pas tout ce qu’elle brevette et celle de même le droit d’utilisation de certaines parties de sa propriété intellectuelle. Et même dans le cas où Apple a pu avoir une influence significative sur le reste de l’industrie, on peut prendre un certain nombre d’exemples qui montrent que cette réalité est beaucoup plus nuancée que ne veut bien le faire croire la nervosité actuelle autour des brevets achetés à Kodak, qui plus est en « pool » avec Google.

1 – La souris et l’interface utilisateur graphique

Tout le monde a plus ou moins entendu parler de l’histoire de Steve Jobs visitant le laboratoire PARC de Xerox, et de son coup de foudre pour la souris : au fil des déformations l’histoire s’est transformée en « Apple n’a rien inventé et Steve Jobs a piqué la souris à Xerox ». En réalité, les ingénieurs du laboratoire PARC qui travaillaient à Palo Alto dans une espèce de « start-up » avant la lettre financée par Xerox pour bénéficier d’abattements fiscaux, avaient développé quelque chose de beaucoup plus rudimentaires que ce que l’on a pu voir ensuite sur le Lisa, et retravaillé sur le Macintosh : le démonstrateur développé par Xerox était en effet beaucoup plus rudimentaire, avec par exemple une souris à 3 boutons. L’essentiel du travail, et qui a duré plusieurs années, a été de mettre au point – à partir du brevet d’exploitation exclusive acheté par Apple a Xerox – la métaphore du bureau électronique (le Finder en anglais), et que Microsoft n’a pas réussi à copier totalement même avec Windows 95 et ses successeurs, en utilisant un accord de licence imprudemment cédé par Apple à la fin des années 80.

Mais il y a également 2 technologies brevetées par Xerox et issus du PARC qui avaient été présentées à Steve Jobs en même temps que la souris et l’interface graphique, et qu’il va également utiliser, une fois qu’il aura quitté Apple et fondé NeXT:

2 - Le protocole Ethernet, qui est désormais devenu la norme en matière de connexion haut débit pour Internet, et qui a fait un détour par NeXT, la société fondée par Jobs une fois qu’il a quitté Apple. C’est sur une NeXT station qu'a effectivement été créée la première version du protocole http et le premier serveur Web par  Tim Berners Lee. Le système d’exploitation de NeXT a ensuite servi de fondement au système d’exploitation actuel du Mac, à partir de 2001 mais dès 1998, le premier iMac conçu pour se connecter d’un clic à Internet était doté de cette prise Ethernet, et Mac OS  puis OS X savaient comment l’exploiter. Parallèlement, l’ensemble des infrastructures Internet se sont appuyés également sur ce protocole également adopté par Sun et par l’ensemble des systèmes Unix, mais jusqu’au développement du très haut débit, le Mac a été la seule machine grand public à être dotée en standard de ce port Ethernet qui en a fait l’avant-garde des outils de développement de sites.

3 - La programmation orientée objet, ce concept qui permet de construire des « briques logicielles » de plus en plus complexes, sans avoir à ressaisir chaque fois le code : il suffit d’appeler les objets au fur et à mesure des besoins au cours de la programmation. La plupart des systèmes d’exploitation récents fonctionnent de la sorte,  mais c'est singulièrement NextStep qui va en faire la démonstration de son efficacité à partir de 1989. C’est l’une des grandes forces de l’interface de programmation de Mac OS X, et ultérieurement de iOS, mais la programmation orientée objet est quelque chose que l’on retrouve également sur l’ensemble des programmes basés sur Unix.

4 - Les brevets des « gestestures » de l’iPhone ont été initialement déposés par John Elias et Wayne Westerman, pour leur société FfigerWorks qui a d’abord développé un clavier au tout début des années 2000. La société a été achetée en 2005, et ses brevets  ensuite réattribués à Apple en 2007. Mais cela n’a pas empêché Microsoft  de travailler de son côté sur des concepts similaires, sur des surfaces beaucoup plus importantes et de façon collaborative, avec  Pixel Sense,  ce qui a donné la première version de Surface qui au départ était destinée en tant que table à des hôtels, des casinos ou des groupes de travail.

5 – Un autre exemple totalement différent et par exemple le protocole de communication firmware, qui a été adopté en tant que standard industriel sous le nom de IEEE 1394 High Speed Serial Bus. Généralisé sur les Mac à partir de la fin des années 90, grâce à un accord avec Sony il a permis au Mac de devenir un maillon important de la chaîne de production du montage audiovisuel. La redevance que demandait Apple aux constructeurs de périphériques qui désiraient l’utiliser à limité sa diffusion aux seuls professionnels de l’image et aux utilisateurs de Mac. Mais il a pourtant eu un rôle considérable dans la mesure où ces grâce à lui que l’iPod et l’iTunes Music Store ont pu s’imposer commes les garants de la viabilité d’un système vertueux de distribution de la musique dématérialisée auprès du grand public et des professionnels. Fin 2001 et jusqu’à la généralisation de l’USB 2, qui lui était gratuit, il permettait de remplir les 5 Go de stockage du premier iPod en moins de 30 minutes, quand il fallait ordinairement 3 heures pour en faire autant avec la première version de l’USB.

Les brevets réattribués à Apple ne sont ainsi pas forcément le signe que la marque à la pomme tient absolument à développer une caméra sportive concurrente de celle de GoPro, qui se trouve d’ailleurs à présent en concurrence avec des acteurs très expérimentés sur son créneau puisque Sony ou Canon ont par exemple proposé quelque chose d’équivalent déjà depuis l’année dernière, et Sony commercialise d’ailleurs sa propre caméra munie d’une tel télécommande. Seul l’avenir peut dire si Apple avait réellement une idée derrière la tête en achetant ces brevets, et si elle ne comptait pas tout simplement en tirer des royalties en les mettant à disposition d’autres marques, sur des secteurs où elle n’a aucune intention de s’implanter.

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