Pourquoi François Hollande tord effrontément les chiffres lorsqu’il veut nous faire croire que le Pacte de sécurité sera responsable du non respect du Pacte de stabilité <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande va renforcer les mesures sécuritaires.
François Hollande va renforcer les mesures sécuritaires.
©Reuters

La bonne excuse

La mise en place des mesures sécuritaires, étalées dans le temps, ne justifie pas d'arrêter le rééquilibrage du budget français. Mais c'est bien ce qu'a annoncé François Hollande dans son discours devant le Congrès.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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"Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité". Par ces mots, François Hollande cherche à mettre en avant un changement de priorité de la part de l’exécutif. Désormais, le respect des règles du pacte de stabilité, c’est-à-dire les fameux 3% de déficit, ne viendront plus contraindre l’impérieuse nécessité d’augmenter certains budgets de l’Etat, ici, dans une dimension sécuritaire.

Dans sa grande mansuétude, la commissaire européen aux affaires économiques et monétaires Pierre Moscovici ne peut que s’incliner en déclarant "Une chose est claire dans les circonstances actuelles, c’est le fait que dans ce moment terrible, la protection des citoyens, la sécurité des citoyens en France et en Europe est la priorité". Le message est passé. C’est un François Hollande conquérant qui vient rabrouer les ambitions rigoristes de la Commission européenne, mais pourtant.

Pourtant, parce que quelques grains de sable viennent encrasser cette belle mécanique de communication. En effet, selon les annonces faites par le chef de l’Etat, ce sont 5 000 policiers et gendarmes supplémentaires qui seront embauchés, 2 500 personnes au ministère de la Justice, 1 000 douaniers, et la remise en question de la suppression de 9 200 postes du ministère de la défense, qui sont en jeu. Soit un total de 17 700 postes, soit 0.3% des effectifs de la fonction publique. Si l’intention est louable et l’action nécessaire, le dérapage budgétaire n’est pas encore en cause.

En effet, alors que le coût moyen d’un fonctionnaire s’évalue à plus ou moins 50 000 euros annuels, et que la mise en place de ces mesures doit s’étaler entre 2016 et 2019, le total des montants alloués atteint 860 millions d’euros, mais uniquement lorsque l’ensemble de ces mesures auront produit leurs effets, soit en 2019. Mais pour les années 2016 et 2017, le coût total se rapproche plus des 300 à 400 millions d’euros, soit 0.01% du PIB, ou 0.02% du budget de l’Etat. Pour prendre la mesure la plus "sérieuse", celle du déficit, il suffit de comparer le trou budgétaire de 2014, soit 84.1 milliards d’euros, et se rendre compte que cette proposition présidentielle ne représente que 0.5% du total. Vraiment pas de quoi exciter un commissaire européen. Même en cherchant à exagérer le trait et en imaginant une dépense annuelle de 1 milliard d’euro par année, soit moins d’un millième du budget de la France, le geste semble bien hors de propos avec une remise en question du pacte de stabilité.

Ceci pour deux raisons. D’une part, parce qu’une simple révision des prévisions de croissance à hauteur de 0.1% de PIB suffirait à neutraliser l’ensemble de ces dépenses. Assez clairement, François Hollande surjoue son esprit de bravade vis-à-vis des institutions européennes, un jeu auquel participe volontiers Pierre Moscovici afin de renforcer la consistance supposée des mesures en question.

D’autre part, si la France est bien une championne des dépenses publiques, celles-ci dépassant les 57% du PIB, le pays n’est en rien un mastodonte sécuritaire.

Dépenses publiques de sécurité. France et Moyenne européenne des 28. En % de PIB. Données 2013. Eurostat

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Ainsi, et malgré la hausse consentie par le Président sur les effectifs, le budget consacré à la sécurité restera inférieur à la moyenne européenne. A l’inverse, il peut être noté que le budget français de la défense, soit 1.8%  est supérieur à la moyenne européenne, soit 1.4% (ou 1.1% pour l’Allemagne). Mais la décision du chef de l’Etat, de ne pas supprimer de nouveaux postes au sein de l’armée, ne correspond pas à une augmentation des dépenses, elle correspond à une simple stabilisation dans le temps des effectifs.

A titre de comparaison, le tournant sécuritaire américain, post 11 septembre, aussi bien tourné vers l’intérieur que l’extérieur, a coûté plus de 1100 milliards d’euros (selon TheEconomist) entre 2002 et 2011, soit 0.85% du PIB par année. Soit 18 fois la fourchette haute des mesures proposée par le Président.

Le pacte de sécurité proposé par François Hollande repose bien plus sur un effet d’annonce politique, renforcé par l’hypothétique menace planant sur le pacte de stabilité, que sur un changement réel de priorité.

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