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Pourquoi “Comancheria” va vous consoler d'un été nul pour les films
©Affiche de film

THE DAILY BEAST

Après un été cinématographique très décevant, ce nouveau film sur des frères braqueurs de banque dans l’ouest du Texas est superbe et Jeff Bridges est au sommet de son art.

Nick Shager

Nick Shager

Nick Shager est critique de cinéma et écrivain. Il s'intéresse à la Pop-culture et rédige, notamment, pour le Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Auteur Nick Schager

Reprenant le lyrisme des grands espaces de Badlands (La Balade Sauvage) le chef d’œuvre de Terrence Malick (son premier film, en 1973) et de son fils spirituel moderne, The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford (L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) d’Andrew Dominik en 2007, avec Hell or High Water (Comancheria qui sort le 7 septembre en France) David Mackenzie raconte l’histoire de deux frères qui braquent une banque à l’ouest du Texas et celle d‘un ranger peu pressé de prendre sa retraite, qui tente de les attraper. Ce début très classique, est rajeuni par le fait que les deux escrocs ne sont pas motivés par la cupidité, mais par l’espoir désespéré de sauver le ranch familial, et par une colère viscérale contre la banque qui veut le saisir. Leur motivation relie cette saga criminelle à l’actualité, alors que l’immobilité et le fatalisme de ce film en font un excellent antidote aux films décevants sortis cet été.

Ecrit par le scénariste de Sicario (film signé Denis Villeneuve en 2015) Taylor Sheridan (dont le script est en tête de la liste noire des meilleurs scénarios non produits par Hollywood en 2012), Comancheria n’a besoin que de quelques minutes d’action et dialogue pour mettre en scène les protagonistes et les malheureuses circonstances dans lesquelles ils vont évoluer.

Cela commence par un panoramique circulaire sur un parking à l’extérieur d’une banque (où un graffiti déplore "Trois campagnes en Irak, mais pas de pitié pour des gars comme nous") puis la caméra de Mackenzie se fixe sur les hommes armés, cagoulés et masqués qui obligent un caissier à vider les tiroirs remplis de cash, juste avant l’ouverture de l’établissement. Un vol réussi, sauf qu’il se termine par un adieu avec une balle de pistolet dans la tête du patron de la banque qui vient d’arriver. Cooler Toby (Chris Pine) n’apprécie pas cette violence inutile, mais alors que leur voiture file par l’arrière du bâtiment pendant que les sirènes de police retentissent, il bascule, lui aussi, dans l’euphorie de leur joli coup réussi.

Deux autres braquages suivent rapidement, dont un réalisé en solo par Tanner pendant que Toby termine son repas dans un restaurant, et que, reconnaissant envers la serveuse qui lui propose du travail, il lui laisse un pourboire gigantesque. Il y a aussi une visite à la ferme, où Tanner remarque que la maison est en mauvais état, et que le bétail est maigre, tout en jetant un œil sur le lit où sa mère a fini ses jours pendant qu’il était en prison. Ces premières scènes sont marquées par des dialogues qui font découvrir leur passé et leur personnalité. Comancheria brosse ses personnages de manière rapide et aiguë, comme il suggère leurs difficultés financières et ce qui les enfonce, via une série de plans, comme lorsque le duo passe, en voiture, devant des panneaux "Endettés" et "Désendettez-vous".

On découvre la méthode de Toby et Tanner : ils attaquent les succursales de la banque Texas Midlands, et blanchissent l’argent dans un casino tout proche, avant d’utiliser ces fonds afin de rembourser la Texas Midlands pour faire lever l’hypothèque sur leur ranch. En clair, ils déshabillent Pierre pour mieux le rhabiller, afin que Toby puisse léguer la propriété à ses fils. Et ils commettent des petits larcins pour éviter d’attirer l’attention de la police fédérale. Mais leur série d’attaques à main armée est lourde de mauvais présages, comme le penchant de Tanner pour la boisson, et sa décision d’emporter deux fusils d’assaut dans des sacs pour faire le travail.

Les ennuis prennent la forme de Marcus (Jeff Bridges) un Texas Ranger, et de son partenaire Alberto (Gil Birmingham), que le plus vieux des deux ne cesse de brocarder à cause de ses origines indiennes. Leurs rapports sont tendus, comme ceux de Toby et Tanner. Quand le duo se lance dans la poursuite, Comancheria montre que le chemin de ces deux tandems va finir par se croiser. L’histoire se dirige tranquillement vers un châtiment inéluctable au milieu de magnifiques paysages, dans un style qui rappelle Starred Up (Les poings contre les murs, du même Mackenzie, sorti en 2014).

Avec l’image obsédante des silhouettes de Toby et Tanner au crépuscule, Comancheria donne l’impression que les personnages vont devenir des fantômes. La réalisation de Mackenzie traduit tellement bien cette impression visuellement que l’on regrette que le scénario de Sheridan oblige les personnages à se lancer dans un discours comparant les Indiens privés de leurs terres, et les Blancs exploités par une banque texane, pour souligner le thème principal de cette histoire. Grâçe au jeu remarquable de Pine et Foster, la colère de Toby et Tanner contre l’injustice économique dont ils sont les victimes se lit dans leurs yeux, et se passerait bien que le film prenne des airs de Raisins de la colère.

Ceci ne diminue pas pour autant la puissance de Comancheria et sa fin remarquablement orchestrée qui montre que deux faits contradictoires peuvent être simultanément vrais. Plutôt que moraliser, Mackenzie laisse les deux regards sur cette histoire coexister. Et cela permet à Jeff Bridges d’assumer le rôle le plus coloré et le plus nuancé de sa carrière.

L’acteur parle avec un accent du Sud qui donne l’impression qu’il a la bouche pleine de beurre de cacahuète pendant qu’il retire son Stetson, et le met au bout de sa botte avec une grâce surnaturelle. Tandis que Marcus, le policier, incarne un cow-boy se cramponnant inutilement à un passé qui ne cesse de s’éloigner, et à un présent qui se dérobe sous ses pieds. Cela permet de donner de la profondeur à ce qui pourrait paraître caricatural, et tout se termine par une explosion de joie et de satisfaction alliée à une douleur désespérée, qui résume bien ce film qui est un vrai diamant.

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