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Pourquoi certaines personnes n'arrivent pas à rester seules même sur de courtes périodes
©Reuters

Bonnes feuilles

La solitude nous angoisse, et pourtant nous avons tous besoin d'être seuls pour nous ressourcer. C'est l'un des paradoxes de l'être humain. Winnicott est le premier psychanalyste à s'être penché sur cette question. Extrait de "La capacité d'être seul", publié chez La Petite Bibliothèque Payot (2/2).

Donald  W. Winnicott

Donald W. Winnicott

Donald W. Winnicott (1896-1971), pédiatre et psychanalyste anglais, s'est intéressé tout au long de sa vie et de son oeuvre au développement affectif de l'enfant et de l'adolescent.
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Peut-être pouvons-nous comprendre toute la portée de l’élaboration du concept de «capacité d’être seul» en partant de ce que la clinique révèle parfois et que nous pourrions nommer «l’incapacité d’être seul» de certains sujets.

Si c’est dans la situation de prématuration du petit d’homme que s’inscrit sa dépendance absolue à l’environnement, c’est aussi là que s’inscrivent les premières expériences de solitude, lorsque l’autre manque à l’appel pour mettre un terme à sa souffrance ou à ses pulsions qu’il ne peut soulager lui-même. C’est sans doute lorsque l’environnement n’est pas suffisamment adapté au tout-petit qu’il fait l’expérience traumatique, car prématurée, de l’éprouvé de solitude, non pas la solitude équivalente à «l’orgasme du moi» que mentionne Winnicott dans «La capacité d’être seul», mais une solitude synonyme de détresse.

Ultérieurement, toute expérience de séparation, de perte, d’éloignement, d’indifférence, de trahison, d’incompréhension ou d’infidélité pourra ramener de manière douloureuse et angoissante le sujet à sa condition d’êtreseul. Cependant, l’éprouvé de solitude peut tout aussi bien surgir au milieu des autres, dans une foule anonyme ou en présence de personnes familières. Le couple, tel qu’il s’est construit parfois, est de la sorte susceptible de livrer le sujet à son incapacité d’être seul auprès de l’autre.

Le vide et le sentiment d’inexistence liés à l’incapacité d’être seul sont en deçà du manque de l’autre. Manquer d’un autre, ce n’est pas nécessairement souffrir de la solitude. L’incapacité d’être seul peut alors générer chez certains des angoisses terrifiantes, proches de ce que Winnicott nomme «les agonies primitives» (ou «angoisses impensables »), c’est-à-dire les sensations archaïques de se morceler, de ne pas cesser de tomber, de ne pas avoir de relation avec son corps, de ne pas avoir d’orientation, d’être isolé complètement parce qu’il n’y a aucun moyen de communication. L’absence comme la présence de l’autre semblent produire sur ces sujets et en eux une sorte d’excès toxique qu’ils ne peuvent contenir et qui les déborde. Deux types de besoin s’imposent alors à eux: celui de la dépendance (où la solitude est exclue) et celui du repli (où l’isolement est un refuge).

Dès lors que la réactivation des éprouvés de solitude envahit l’existence, elle les contraint à utiliser des stratégies protectrices d’angoisses impensables en cherchant à restaurer un sentiment ou une sensation de continuité d’existence. Elles évitent ainsi un effondrement. Certains comportements (comme les addictions) sont des tentatives d’autoconservation du corps et de la psyché lorsque le sujet se sent menacé par les éprouvés de déréliction. Ils font parfois intervenir des techniques autosensuelles en organisant un repli protecteur et une sorte de traitement autocratique. Ils protègent le sujet de sa détresse, car les sensations de disparition, d’annihilation, d’éclatement, de liquéfaction ou de pertes de substances corporelles sont au coeur des éprouvés somato-psychiques de certains sujets dans l’incapacité d’être seuls.

Extrait de "La capacité d'être seul", de Donald W. Winnicott, publié chez ©Editions Payot & Rivages, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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