Pour les milieux d’affaires, le programme économique du RN est inapplicable en l'état<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Jordan Bardella lors d'un rassemblement électoral à Reims.
Marine Le Pen et Jordan Bardella lors d'un rassemblement électoral à Reims.
©STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

Atlantico business

Du Medef à la Cgpme, la perspective d’une majorité électorale qui donnerait au RN de Marine Le Pen le pouvoir de gouverner inquiète sérieusement les marchés internationaux et les chefs d’entreprise. Ces derniers considèrent que les promesses du programme ne sont pas applicables et vont aggraver la situation.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Beaucoup de patrons, parmi les plus anciens, ont l’impression d’être revenus 43 ans en arrière, lorsque François Mitterrand s’approchait du pouvoir avec un programme économique inapplicable et surtout insoutenable. François Mitterrand est arrivé à l’Élysée et a effectivement appliqué son programme pour reconnaître, deux ans plus tard, qu’il menait la France à la catastrophe et qu’il lui fallait faire machine arrière. Le mal était fait.

Aujourd’hui, si beaucoup d’analystes reconnaissent que l’offre politique de l’extrême droite correspond à une demande d’une majorité de la population, encore plus d’analystes et d’économistes expliquent que le programme et les promesses définies par Marine Le Pen et Jordan Bardella sont très difficiles à appliquer sans entraîner des dysfonctionnements insupportables pour le modèle français. Ces promesses correspondent certainement à des besoins politiques, mais il faut aussi qu’elles soient cohérentes avec les conditions de la réalité, sinon ça ne passe pas,  casse.

En bref, le problème principal que soulève le programme du RN est qu’il n’est pas chiffré. Plus grave encore, il est très flou dans son inspiration idéologique et incohérent dans son fonctionnement. Sans vouloir caricaturer, le programme se compose essentiellement de dépenses publiques et sociales, et de mesures qui n’accroissent pas les recettes de financement. 

Pour le pouvoir d’achat, par exemple, Marine Le Pen a confirmé que le projet du RN était de jouer sur la TVA, notamment la TVA des produits de base, afin de diminuer les prix pour les consommateurs. C’est une possibilité, sauf qu’elle va coûter plus de 10 milliards de recettes en moins sans garantie de profiter au pouvoir d’achat, parce que l’expérience prouve que les entreprises intermédiaires récupèrent cette TVA pour améliorer leurs marges. Et on ne pourra pas mettre un contrôleur des prix derrière chaque chef d’entreprise pour surveiller son comportement.

Quand le RN propose des exonérations d’impôts directs pour les moins de 30 ans, quand il programme l’abandon de la réforme des retraites ou la réforme de l’assurance chômage, c’est évidemment très social, mais ce n’est pas chiffré. Or, toutes ces mesures aggravent le poids des dépenses publiques et sociales sans prévoir de contreparties en recettes fiscales et parafiscales, hormis quelques ajustements non chiffrés liés à une réduction des dépenses entraînées par l’immigration ou une réforme de l’État qui reste très théorique.

Alors ce prisme est paradoxal, parce que d’un autre côté, Marine Le Pen rappelle haut et fort dans une chronique aux Echos que la gestion de la dette et du déficit est prioritaire. Par ailleurs, les milieux d’affaires considèrent que « la politique d’offre » voulue par Emmanuel Macron a sans doute été très mal vendue et gérée, mais que c’est la seule qui puisse régénérer le tissu industriel et surtout la productivité et la compétitivité.

Or, la position du RN sur la politique économique est très floue. Elle se veut libérale mais surtout protectionniste, décentralisatrice mais centralisatrice, européenne mais c’est nouveau et pas franchement assumé, partisane de l’euro à condition de changer les statuts de la BCE alors que les autres pays adhérents ne le demandent pas, très sociale aussi à condition que cela ne débouche pas sur un État-providence alors que c’est déjà le cas. Bref, on ne sait pas exactement où la France peut se situer sur l’échiquier idéologique. Un seul exemple : la question du libre-échange et du protectionnisme. La promesse du RN est d’abandonner le libre-échange, de casser les grands traités qui ont été signés en proposant une réindustrialisation du pays. C’est évidemment possible sur le papier sauf que cela risque de coûter très cher, et que le mur des réalités s’imposera.

Promettre des hausses de pouvoir d’achat tout en rapatriant des industries paraît difficile sauf à infliger des hausses de prix et des risques de pénurie. Quand, par exemple, le RN promet d’abandonner l’Europe de l’électricité, il prive EDF d’exporter une part de sa production chez nos voisins, ce qui permet à EDF de récupérer des recettes et d’amortir plus facilement le financement du nucléaire. Quand le RN promet de casser les traités de libre-échange, on se demande comment les entreprises pourront exporter leurs propres produits sur des marchés avec lesquels on aura rompu les accords commerciaux. Sur chaque mesure envisagée, les dirigeants du RN risquent de se heurter à une réalité qui leur sera imposée.

Pour les milieux d’affaires, la seule solution qui restera à un gouvernement RN sera d’amender son programme, de le retarder ou même de l’oublier sous le poids des responsabilités. Marine Le Pen a déjà abdiqué de beaucoup de promesses souverainistes sur l’Europe, sur l’euro. Il faudra sans doute qu’elle révise son logiciel de politique économique. Cela dit, elle va à l’encontre de sérieuses difficultés avec son électorat qui est très large et très diversifié socialement. 

D’où la perspective d’une instabilité politique qui inquiète autant le monde des affaires que l’application d’un programme « inapplicable ».

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