Pour le monde des affaires, le G20 sert au moins à identifier les problèmes, alors que l'ONU n'en est pas capable<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Au G20, il n'y a ni vote, ni directive, mais la discussion et les opinions publiques obligent les pays à avancer.
Au G20, il n'y a ni vote, ni directive, mais la discussion et les opinions publiques obligent les pays à avancer.
©PIB / AFP

Atlantico Business

Pour beaucoup d'observateurs, la réunion du G20 à New Delhi n'aura servi à rien. Pour le monde des affaires, ce G20 a clairement identifié les problèmes qu'il faudrait résoudre, ce que l'ONU, paralysée par les fragmentations partisanes, est incapable de faire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Si la majorité des observateurs politiques et des spécialistes de la géopolitique considèrent que ce G20 de New Delhi n'a servi strictement à rien, une grande majorité des patrons de multinationales, environ 300, qui ont suivi ces travaux, considèrent, au contraire, que pour la première fois, ce G20 a sans doute porté une volonté de réformer l'organisation du monde, ce que ne fait plus depuis longtemps l'Organisation des Nations Unies, dont les Assemblées annuelles sont noyées dans les querelles intestines régionales, sur fond d'idéologies désuètes, sans rapport avec les besoins profonds de la planète.

Pour le monde des affaires, le premier mérite de ce G20 aura été de définir assez clairement l'état du monde, ses enjeux (notamment sur le climat) et ses fragmentations politiques qui sont complètement décalées par rapport aux réalités des populations. Ce G20 a notamment mis en lumière trois séries de réalités.

1ère réalité, le monde est plus uni qu'il n'y paraît. Alors que les pays des Brics chauffes à blanc par la Russie était sur le mode déclaration de guerre à l’Occident, ils sont venus a New Delhi plus en partenaires qu’en adversaires. Tout le monde a noté que ce G20 s'est déroulé quelques semaines après les réunions des BRICS élargie aux pays africains, qui voulaient afficher un contrepouvoir aux pays développés. Alors que l'ambiance était empreinte d'hostilités à l'encontre des valeurs occidentales, les pays leaders des BRICS ont néanmoins tenu à participer à ce G20. Preuve que la rupture n'est pas si marquée. Les réunions parallèles à la plénière ont administré la preuve que les BRICS avaient besoin des pays développés et de leur modèle de développement fondé sur le marché, la concurrence et les valeurs de liberté quand elles s'appliquent à l'économie. L'attitude est très pragmatique et rassure évidemment les Occidentaux.

2e réalité, les dirigeants de Russie se sont exclus du cercle de la raison mondiale exprimée par les pays du G20. Vladimir Poutine, qui était invité, n'a pas fait le voyage, incapable d'affronter les autres chefs d'État du monde. Il a laissé son ministre des affaires étrangères assister aux travaux, ce que les membres du G20 ont accepté pour bien montrer qu'il n'était pas question de punir le peuple russe, mais de signifier aux dirigeants que leur attitude était insupportable. Du côté chinois, le président Xi Jinping a clairement expliqué qu'il devait rester à Pékin pour des raisons de politique interne. En fait, lui non plus ne voulait pas affronter le jugement occidental sur ses problèmes d'organisation interne.

La réalité, c'est que le G20, dont l'ambition initiale est de promouvoir la paix par la multiplication des échanges économiques, a bien insisté cette année que le nouveau monde ne pouvait fonctionner que dans le respect des règles du droit international, ce que ne font ni la Russie ni la Chine. L'Inde, en revanche, a bien insisté sur son appartenance à ce groupe de pays liés par un faisceau de règles que New Delhi est bien décidé à respecter. Pour des raisons juridiques, financières et morales, les pays membres du G20 manifestent la décision de ne faire des affaires qu'avec des partenaires loyaux. C'est un point que les membres de l'ONU ont très souvent oublié de rappeler, y compris au Conseil de sécurité, bien sûr, puisque la Russie et la Chine en font partie. 

3e réalité : il existe un vrai clivage mondial sur les moyens de lutter contre le réchauffement climatique. Ce clivage ne sépare pas les pays entre ceux qui croient à la détérioration de l'environnement et ceux qui n'y croient pas. Le clivage réel existe entre les producteurs d'énergie fossile et ceux qui veulent arrêter ces productions et développer des sources d'énergies naturelles et renouvelables comme la biodiversité, le solaire ou l'éolien.

Le clivage est donc purement économique dans la mesure où c'est l'Arabie saoudite, premier producteur de pétrole dans le monde, qui fait campagne contre l'abandon des énergies fossiles, avec à ses côtés la Russie et la Chine. La Russie vend son pétrole et son gaz et ignore le reste. La Chine a un problème qu'elle ne cache pas : elle doit, avant de verdir son modèle, se donner les moyens d'une croissance très forte. La promesse de Xi Jinping n'est pas d'assurer la transition écologique, mais de devenir la première puissance économique du monde. Pour les chefs d'entreprises occidentaux, tant que ces pays (Russie, Chine et Arabie saoudite) n'auront pas compris qu'ils sont responsables de 85% des émissions de gaz à effet de serre, c’est eux  occidentaux qui doivent faire "le boulot", et ce travail de verdissement des modes de fonctionner va coûter d'autant plus cher qu'une partie de l'humanité ne se donne pas les moyens d'en sortir.

Conclusion : La reconnaissance publique de ces réalités est un progrès, parce que pour les chefs d'entreprise, c'est un moyen de travailler ensemble à l'amélioration de la situation. Ce que les institutions internationales sont incapables d’impôser , les marches peuvent suggérer le changement et l’installer. Au G20, il n'y a ni vote, ni directive, mais la discussion et les opinions publiques obligent les pays à avancer.

Arrivés aux Nations unies, voire au Conseil de sécurité de l'ONU, il sera de plus en plus difficile aux dirigeants russes et chinois de nier les problèmes. Ils ont besoin de l'Occident, pour leurs technologies notamment et pour l'accès aux marchés de grande consommation américains et européens. Mais les Occidentaux aussi ont besoin des émergents.

Ces intérêts réciproques, à partir du moment où ils sont identifiés et reconnus, valent bien un effort de pragmatisme pour fabriquer des compromis. La Russie comme la Chine ne pourront pas rester isolées jusqu'à la fin du monde. L'Arabie saoudite finira aussi par comprendre que son destin n'est pas d'asphyxier l'ensemble du monde avec du CO2, mais d'investir pour faire évoluer son modèle. Ce que le prince héritier, Mohamed Ben Salman (MBS), commence semble-t-il à faire malgré ses erreurs et son arrogance.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !