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Pour en finir avec la bombe Kohler et la paranoïa des affaires Macron
©LUDOVIC MARIN / AFP

Paranoïa

Après l’affaire Benalla, Le Monde relaie des documents peu intéressants de Mediapart sur Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée. L’intéressé est soupçonné de conflits d’intérêts dans ses précédentes fonctions à Bercy. L’acharnement dont l’Élysée fait désormais l’objet, y compris sur des détails, pose question. Mais qui a intérêt à nourrir ce climat de paranoïa?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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L’an dernier, lorsqu’Alexis Kohler fut nommé secrétaire général, nous avions alerté dans ces colonnes sur sa proximité avec MSC. En son temps, l’information n’avait suscité aucun émoi, ni chez Mediapart ni au sein du Monde. Avec un sens de la déontologie exemplaire, Mediapart n’a d’ailleurs par la suite jamais fait référence à cette information et a prétendu avoir découvert l’eau tiède dans son coin. Chacun appréciera…

Que peut-on reprocher à Alexis Kohler?

De la campagne à laquelle se livre Mediapart (avec la complicité du Monde), on retiendra l’étrange discordance entre les leçons de morale assénées par Plenel et consors dans leurs colonnes sur la lutte contre les populismes, et le climat lui-même populiste de dénonciations d’affaires imaginaires qu’ils entretiennent par ailleurs.

Car les rapports familiaux entre Alexis Kohler et l’armateur italien MSC posent un seul vrai problème: le secrétaire général de l’Élysée influence-t-il ou non le règlement du dossier complexe de STX en faveur de sa famille et, corrélativement, pèse-t-il sur l’issue des négociations avec Fincantieri, concurrent italien de MSC? Ces dossiers-là sont sensibles, contemporains, stratégiques pour la politique industrielle de la France.

Sont-ils au coeur des accusations paranoïdes de Mediapart? Non. Les « révélations » portent seulement sur la participation d’Alexis Kohler, alors représentant de Bercy au conseil d’administration du port du Havre (avant 2012), à un vote concernant un partenariat entre le port et une filiale de MSC en France. Le fait que, à cette occasion, Alexis Kohler ne se soit pas « déporté » est effectivement une erreur. Mais est-elle d’importance? Une abstention d’Alexis Kohler aurait-elle remis en cause l’adoption de ce partenariat? Autrement dit, la participation d’Alexis Kohler était-elle de nature à changer l’issue finale de ce dossier?

Non, bien sûr. Le dossier était porté par le port du Havre, il correspondait à la stratégie de développement du port. La faute de Kohler dans ce dossier est vénielle… et surtout elle est très ancienne. Titrer en « une » sur ce sujet ne participe évidemment pas d’une volonté de délivrer une information claire aux lecteurs. Il s’agit plutôt de nous convaincre que nous sommes dirigés par une bande de menteurs et de pourris.

La propagation du « Tous pourris » relève de la liberté de la presse, que nous ne contestons pas. Mais il faudrait peut-être que Mediapart et Le Monde renoncent définitivement à nous donner des leçons de lutte contre le populisme, au vu de leur actuelle ligne éditoriale. Car on voit mal en quoi les accusations qui sont portées aujourd’hui contre le secrétaire général de l’Élysée seraient à la fois pertinentes et dignes d’intérêt, si ce n’est pour susciter la confusion dans les esprits sur la probité de l’équipe au pouvoir.

L’intérêt de MSC dans la stratégie industrielle française

Revenons au fond de l’affaire. Pour des raisons contestées dans nos colonnes, les crânes d’oeuf bercyens pensent que les chantiers navals français n’ont pas la taille critique pour survivre sur les marchés internationaux. Ils se sont donc mis en tête un slogan qui n’a pas beaucoup de sens, mais qui a le mérite de dispenser de réfléchir: il faut un Airbus du chantier naval européen. Donc, il faut céder les joyaux français à un ensemble dont nous sommes persuadés qu’il constituera une catastrophe industrielle à l’horizon des dix ans à venir.

Car, il en ira des chantiers navals comme d’Alstom, comme de Péchiney: la course au gigantisme menée par des énarques et des polytechniciens qui s’imaginent tout savoir et être capables de conduire une entreprise se termine toujours par un « game over » pour nos fleurons. La fatuité de nos élites est le principal boulet tiré par ce pays.

Or une alliance avec MSC dans cet ensemble est probablement la seule stratégie intelligente que nous puissions mener face aux appétits de son concurrent italien, lié à la Chine, appelé Fincantieri. Dans le dossier STX, la mise sur pied d’un consortium autour de MSC constituait une solution salutaire, probablement empêchée en son temps, déjà, par les conflits d’intérêt entre Alexis Kohler et MSC.

Et c’est bien le drame de la situation. Le fait qu’Alexis Kohler soit familialement lié à MSC et que la presse subventionnée entretienne autour de cette alliance un climat de dénonciation malsain, est beaucoup plus, pour nos chantiers navals, un handicap qu’une protection. Nous aurions besoin, pour coiffer la pensée Barbie Cyrillus de Bruno Le Maire, qui a beaucoup de qualités littéraires mais malheureusement une intelligence plus que limitée de l’entreprise, d’un esprit supérieur capable d’oser une alliance entre nos chantiers navals et MSC. Parce qu’Alexis Kohler est lié à MSC, cette audace n’est malheureusement pas possible.

On attendrait d’un journal prétentieux et bouffi d’orgueil comme Le Monde, une mise en perspective du dossier Kohler avec les problématiques industrielles du pays. Malheureusement, les quelques 15 millions de subventions publiques que ce journal engrange chaque année lui servent plus à torpiller un gouvernement qui s’apprête à réformer les aides publiques qu’à informer le public.

Arrêtons ce climat populiste

Entre l’affaire Benalla et la pseudo-affaire Kohler, on voit bien le glissement qui se produit dans une certaine presse auto-proclamée respectable. Il ne s’agit plus d’informer sur le débat politique, il s’agit de l’orienter dans un sens permettant de disqualifier par avance tout projet de réforme. Pour y parvenir, la ficelle est ancienne: on jette le discrédit, on généralise la suspicion, à partir de faits grossis, déformés ou tirés de leur contexte dont on ne rappelle jamais ni la complexité ni l’importance.

Or, une chose est sûre: des choix d’importance attendent les chantiers navals français. Des choix d’importance attendent les Français eux-mêmes, car on ne tardera pas à voir qu’une croissance plus faible que prévu oblige à des arbitrages impopulaires. L’ambiance populiste installée par la presse subventionnée augure mal de la pertinence des choix qui seront opérés en bout de course. Car sans une forte légitimité, Macron aura du mal à imposer les réformes nécessaires.

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