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Pour Chirac, il était "intelligent mais mou"... pourtant c'est bien François Fillon qui a su forger les fondements de ce qui deviendra l'UMP
©AFP

Bonnes feuilles

L’histoire semblait écrite et François Fillon battu à la primaire de la droite et du centre. Et puis, en l’espace de trois semaines, l’oublié des sondages effectue une percée fulgurante. Le 27 novembre 2016, l’homme que personne n’attendait se qualifie pour l’élection présidentielle, envoyant ses rivaux au tapis. Ce livre raconte ce retour au premier plan que personne ne croyait possible. Extrait de "François Fillon, coulisses d'une ascension" de Christine Kelly, aux Editions de l'Archipel (1/2).

Christine Kelly

Christine Kelly

Membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de 2009 à 2015, Christine Kelly préside la Villa Média (futur musée des médias). Journaliste à LCI pendant neuf ans, elle est l'auteur notamment de L'Affaire Flactif (Calmann-Levy, 2006) et d'Invitée surprise (éd. du Moment, 2015).

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Sur le rapprochement entre Jacques Chirac et François Fillon, les critiques et les incompréhensions sont allées bon train. Par quel miracle celui qui avait évolué en marge de la chiraquie pouvait-il soudain se retrouver proche du locataire de l’Élysée ? Des parlementaires RPR crient à l’opportunisme de François Fillon. Après avoir marché main dans la main avec son mentor Philippe Séguin, dont il s’était éloigné en 1995 pour défendre la candidature d’Édouard Balladur à la présidentielle, puis après avoir brigué la présidence du RPR contre le candidat pressenti par l’Élysée, voilà qu’en 2002 il soutient maintenant Jacques Chirac pour la présidentielle. Questionné sur ce revirement, le politique pragmatique constate, tout simplement : « Seul Jacques Chirac pouvait gagner cette présidentielle. » Fort de la leçon de Philippe Séguin et de Charles Pasqua durant l’hiver 1990, Fillon a compris le jeu des alliances pour conquérir le pouvoir. Elles sont une nécessité.

Il est préférable de les contracter avec ceux qui ont des chances de gagner. Aujourd’hui, il présente ses différends de l’époque avec Chirac comme des « malentendus que le chef de l’État avait pris lui-même le soin de dissiper, en souhaitant me rencontrer. J’ai constaté au cours des discussions que nous étions largement en phase sur l’analyse de la société et sur les évolutions politiques à mener ». Lorsqu’on qualifie son mari de « girouette », Pénélope Fillon vole à son secours : « Il a toujours suivi ses propres idées et s’est allié avec ceux qui correspondaient à ses idées à un moment précis.

L’obsession de François Fillon est de parvenir à sceller une solide union des partis de droite afin de frapper fort face à la gauche. D’autres voix que la sienne commencent également à se faire entendre au sein de la droite pour envisager un rapprochement, voire une fusion. Lorsque Fillon est reçu par Jérôme Monod à l’Élysée en 2000, c’est pour remettre les compteurs à zéro mais aussi débattre de la stratégie du RPR.

Jérôme Monod vient d’être rappelé par Jacques Chirac, il a déjà travaillé pour lui en 1976 à la transformation de l’UDR en un parti capable de le porter à l’Élysée : le RPR. L’ancien patron de la puissante Lyonnaise des Eaux signe son retour en politique, un quart de siècle plus tard. Considéré comme l’éminence grise du président, il est l’interlocuteur idéal pour François Fillon. Plusieurs tentatives de rapprochement avec Chirac avaient eu lieu dans le passé, notamment à l’initiative de Bertrand Landrieu, ancien directeur de cabinet du président de la République. Sans succès. Jacques Chirac rechignait encore à recevoir le petit rebelle du gaullisme. Mais après la rencontre avec Fillon, Monod vantera ses qualités : « François Fillon pèse ses mots, sa pensée, il est prêt à s’investir dans le programme de la présidentielle, j’ai fait valoir auprès de Chirac son profi l d’ouverture face au libéralisme à tout prix. »

Au cours de leurs entretiens, le président propose à François Fillon, alors conseiller politique, le secrétariat général du RPR. Ce qui déclenche à l’époque l’hostilité ouverte de Michèle Alliot-Marie. Bien qu’il l’ait soutenue au deuxième tour de son élection à la présidence du parti, elle se méfi e de lui. Les tensions au sein des instances dirigeantes du RPR n’échappent à personne en ce début d’année 2000. Après l’accession d’Alliot-Marie à la tête du RPR, l’absence de Fillon est très remarquée lorsque la nouvelle présidente présente son équipe. Il est également oublié lors des voeux du RPR à la presse. Il explique, sans convaincre, que la tempête, la marée noire, les inondations et le vote du budget de la région des Pays de la Loire l’ont tenu éloigné de Paris. Il assure aussi qu’il faut laisser à la nouvelle présidente le soin de gérer les premières heures de son mandat. « En fait, je me suis rendu compte assez rapidement qu’elle se méfiait de moi, lâchera François Fillon en 2007. Ma présence dans l’instance dirigeante du parti l’inquiétait. Question de rivalité toute simple. »

Contrairement au voeu de Chirac, elle l’écarte du secrétariat général du RPR au profi t d’Adrien Gouteyron. Mais le sénateur n’a pas vraiment la carrure politique pour assumer la fonction, et quelques mois plus tard, le parti est à la recherche d’un nouveau secrétaire général. Jacques Chirac tente à nouveau d’imposer François Fillon. Peine perdue. Michèle Alliot-Marie recrute Serge Lepeltier, et Fillon reste conseiller politique. Ce qui ne tarde pas à frustrer ce dernier : « J’ai compris à ce moment qu’il y avait une vraie difficulté. J’ai préféré quitter l’état-major du RPR le jour même de la nomination de Serge Lepeltier. » François Fillon donne sa démission le 27 mars 2001, estimant qu’il mérite mieux que ce poste de « conseiller ». Il déclare « reprendre sa liberté ».

Il justifiera son attitude en prétextant qu’il n’y a pas de place pour deux stratégies à la tête du RPR. Il aurait voulu être « un secrétaire général qui ait les coudées franches pour mettre en place les conditions de la victoire aux législatives et pour développer une nouvelle offre politique », déclare-t-il. Au-delà des rivalités de personne, un dossier de fond sépare François Fillon et Michèle Alliot-Marie, celui de la création d’une structure unitaire de la droite, cette idée qui en revanche rassemble Fillon et Monod. Ils sont même plusieurs parlementaires à promouvoir un rassemblement des partis de droite au sein d’une association, Alternance 2002, que la présidente du RPR qualifie sans ambages de « montage artificiel et éphémère ». Dès sa création, Alternance 2002 se donne pour objectif de se transformer à terme en un grand parti de droite. L’idée directrice est d’accorder l’investiture aux candidats de droite aux législatives avant de devenir un véritable parti. Un nouveau parti ? Voilà bien ce qui gêne profondément le RPR tout comme Démocratie Libérale ou encore l’UDF. D’où la colère de Michèle Alliot-Marie mais également des autres responsables des partis, Alain Madelin et François Bayrou.

Malgré les réticences, la création d’une grande formation est en marche, future base de l’UMP. Philippe Séguin, même s’il n’a plus vraiment voix au chapitre, se déclare hostile au projet, tout comme Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Dans le camp des « pour », on retrouve Jean-Pierre Raffarin et Philippe Douste-Blazy. Dès l’année 2000, François Fillon entame avec ce dernier un tour de France pour défendre l’idée d’une fusion du RPR, de DL et de l’UDF. Selon François Fillon, son idée a été parallèlement récupérée par Jérôme Monod, lequel a encouragé d’autres parlementaires à monter Alternance 2002 en prenant soin de ne pas mettre Fillon en avant.

Les fondateurs de l’association revendiquent de leur côté la paternité de l’idée. Quoi qu’il en soit, ce groupe va naître en novembre 2000 d’un appel à l’union, publié dans Le Figaro par trois cent soixante-quatre députés et sénateurs de droite.

C’est deux mois plus tard, le 29 janvier 2001, qu’il est baptisé officiellement Alternance 2002. Qui retrouve-t-on à la tête de l’association ? « Hervé Gaymard, RPR, Dominique Bussereau, DL, et Renaud Dutreil, UDF, sont nommés à la tête de l’association par Jérôme Monod et Jacques Chirac qui font tout pour piloter l’idée d’union et la maîtriser », explique François Fillon. Il appartient, lui, au noyau des « membres fondateurs » qu’il rejoint après avoir quitté l’état-major du RPR de Michèle Alliot-Marie. « On se réunissait au Sénat, chez Christian Poncelet, et une fois que nous avons lancé notre projet, des seniors sont venus », aiment à rappeler les responsables de l’association. Après les municipales, les unionistes de la droite, comme on les appelle, se réunissent le 4 avril 2001 à la Mutualité pour pousser à la création d’un parti unique et trouver un nom définitif à la structure souhaitée par les chiraquiens. Alternance 2002 a vécu, bienvenue à l’Union en mouvement. François Fillon est invité à prononcer un discours à cette occasion et explique le but de l’UEM : « Nous ne sommes ni un parti ni une écurie présidentielle. […] Si nous sommes sortis du rang, […] c’est pour harmoniser, […] créer les conditions d’une nouvelle offre politique dont l’union est l’un des instruments. » Pour arriver à fédérer étatistes et libéraux, radicaux et démocrates-chrétiens, souverainistes et européistes, jacobins et girondins, il faudra se battre contre les réticences des appareils politiques. François Fillon va s’y employer, tout comme il va, sans ménager sa peine, s’impliquer en première ligne dans la campagne de Jacques Chirac, au même titre qu’Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Dominique Perben ou Philippe Douste-Blazy.

La petite équipe se réunit plusieurs fois par semaine autour de Jérôme Monod pour préparer le projet présidentiel de Jacques Chirac. La veille de Noël 2001, le conseiller du président charge François Fillon de rédiger la plate-forme de l’Union en mouvement. Pourquoi lui ? Parce qu’il apporte souvent des notes écrites et fait part de ses réflexions : « Nous n’étions pas nombreux à le faire, se plaît-il à souligner. Les hommes politiques parlent beaucoup, mais tous ne travaillent pas. » Avec ses deux collaborateurs, Igor Mitrofanoff et Jérôme Paolini, il s’enferme pendant huit jours chez lui dans la Sarthe et élabore les fondements de ce qui deviendra l’UMP, tout en s’appuyant sur le travail réalisé préalablement par les autres membres de l’équipe de l’Union en mouvement.

Il parvient ainsi à mettre en forme et en perspective le projet. Dans le même temps, il travaille étroitement aux côtés d’Alain Juppé avec lequel il a toujours entretenu de bonnes relations personnelles, et qui tient désormais un rôle central dans la préparation du programme de Jacques Chirac. Les deux hommes consulteront l’ensemble des partenaires sociaux, du Medef à la CFDT en passant par Force ouvrière. Jacques Chirac apprend à découvrir celui qu’il côtoie dorénavant, qu’il qualifie d’homme « intelligent mais mou ».

Extrait de "François Fillon, coulisses d'une ascension" de Christine Kelly, aux Editions de l'Archipel

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