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Politisés, inféodés à la franc-maçonnerie et rongés par les ambitions : comment les syndicats policiers ont "vendu leur âme au diable"
©Reuters

Bonnes feuilles

Tel l'Empire romain, l'institution police va être détruite après avoir vu passer à sa tête bon nombre d'empereurs dont certains n'auraient pas mérité de porter le titre de César. Mais si l'empire a encore du mal à survivre, c'est bien sa garde prétorienne qui décline et qui ne peut fournir le service de qualité qui, pourtant, s'impose. Ave César ! Cette police qui va mourir te salue ! Extrait de "Police, grandeur et décadence" de Marc La Mola, aux Editions Michalon (2/2)

Marc La Mola

Marc La Mola

Marc La Mola a exercé pendant plus de vingt-cinq ans au sein de la BAC de Marseille. Il vit à Marseille et se consacre aujourd'hui à l'écriture.

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Dans un précédent ouvrage, j’ai déjà consacré un chapitre aux syndicats. Ma colère est telle que selon moi ils en méritent un second, notamment après les événements récents.

Dans ledit chapitre, je n’avais mentionné que ma brève participation à leurs actions et le sentiment que j’en avais retiré. Je vais ici analyser leurs stratégies politiques ainsi que la complicité de ces organisations dont les décisions ont précipité la police au fond d’un gouffre.

Je l’affirme ici : les propres syndicats policiers ont largement contribué à la chute de l’institution qu’ils auraient dû défendre. Plutôt que de la défendre, ils lui ont savonné la planche ! Faut-il commencer par les hommes ou par le système ?

Ce sont les hommes qui font les systèmes et celui que les syndicats de police ont mis en place s’accorde très bien avec les intérêts des dirigeants.

Il existe plusieurs corps selon les grades et les obédiences. Fussent-elles politiques, maçonniques ou simplement idéologiques, ce sont les tendances politiques qui façonnent les syndicats.

Je le déplore mais il en est ainsi : les syndicats sont politisés, inféodés à la franc-maçonnerie, rongés par les ambitions des leaders ayant oublié l’essence même du métier.

Pour en revenir aux différents corps qui constituent cette force d’État, il est intéressant de savoir qu’au sommet de la hiérarchie se trouvent les commissaires à syndicat unique, puis les officiers avec deux ou trois organisations, et enfin les gradés et gardiens de la paix qui, eux, se trouvent face à un choix pléthorique d’organisations.

Il n’en reste pas moins qu’au sein des effectifs syndiqués, seulement deux syndicats, à l’instar des partis politiques dirigeant notre pays, font régner l’ordre.

Le premier est l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes), classée à gauche et donc proche du Parti socialiste ; le second est l’Alliance police nationale, à droite et proche des Républicains.

Je n’ignore pas que toutes les organisations syndicales représentant des ouvriers, des employés et même des cadres ont des relations étroites avec les partis politiques avec qui ils négocient lors de conflits sociaux (excepté la CGT, dernier bastion de la lutte ouvrière). Mais au sein de la police, ces relations sont telles que du plus petit policier détaché au secrétaire général, l’ambition carriériste vaut davantage que la défense de l’institution.

Le syndicat que je connais le mieux est sans aucun doute Alliance police nationale. J’en étais adhérent avant d’y être détaché pour une mission de délégué en charge des services d’investigation sur Marseille. Cette brève expé- rience m’a permis de me rendre compte de leurs dérives. Je n’oublie pas pour autant l’UNSA Unité Police, restée ces trois dernières années plutôt silencieuse et passive malgré la multitude d’attaques que la police a subies.

Sans remonter à des temps immémoriaux, il est important de se rappeler les années Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Dirigeant la police comme l’on dirige une entreprise, il a très vite compris l’intérêt de se mettre les leaders syndicaux dans la poche. Après quelques ripolinages ridicules (changement d’uniforme ou d’arme…), il a mis en place ses stratégies mortifères après avoir amadoué les leaders d’Alliance police nationale, alors majoritaire.

Précisons ici que ce syndicat a un équivalent chez les officiers : Synergie Officiers. Ainsi, Jean-Claude Delage, leader d’Alliance police nationale, s’est vu nommé au Conseil économique social et environnemental. Il a obtenu, sans aucun examen, le grade sommital de son corps d’appartenance et s’est vu décerner la Légion d’honneur.

Il est encore important de connaître cet homme – pas si différent des autres leaders syndicaux – pour comprendre comment on fait taire un syndicat majoritaire.

Si l’on considère que M.Delage a été recruté au niveau BEPC, tout comme moi, et que l’on note sa progression rapide jusqu’au sommet d’une instance syndicale, il est aisé de comprendre qu’un « petit » gardien de la paix élevé si haut se sente pousser des ailes lorsqu’il est reçu par un directeur, un préfet ou un ministre. Faut-il qu’ils souffrent tant d’un complexe d’infériorité pour se fourvoyer dans de tels postes ? Il est humain d’être fier de soi lorsque son propre parcours est honorable, mais n’est-il pas difficile de s’envoler lorsque l’on est flatté sous les ors de la République, lorsque l’on vous fait des promesses et que l’on vous assure d’une belle carrière ?

Comment, lorsque l’on vient du bas de la hiérarchie et que l’on a à peine servi quelques mois dans un service actif, ne pas être obnubilé par les ministères et les palabres des dirigeants ? Oui, des policiers restés peu de temps dans de véritables services de police peuvent se retrouver à des postes clefs. Des policiers qui finalement n’en sont pas, puisqu’ils n’ont presque pas exercé ce métier.

Pour des responsables politiques, il est si facile de manipuler ces gens-là !

Quelques mots bien placés, quelques tapes sur l’épaule : il ne leur en faut pas plus pour leur fait avaler des réformes mortelles pour l’institution entière.

Ce que j’affirme ici n’est rien d’autre que le constat de mon passage au sein d’Alliance police nationale. Je n’invente rien. J’en veux pour preuve que M. Delage a été candidat Les Républicains aux élections municipales dans le 6° secteur de la ville de Marseille. Bien évidemment, il fut battu ! Je revois cet élu de la ville de Marseille rencontré au hasard d’une braderie dans mon quartier. Il m’avait interpellé en se targuant de la présence de Jean-Claude Delage sur la liste du 6° secteur. Je revois encore sa mine déconfite lorsque je lui avais révélé le vrai cursus de son poulain au sein de la police nationale. De référence en matière de sécurité, il n’en était évidemment pas une.

Il me faut revenir sur ce que je nomme la complicité des syndicats avec les pouvoirs en place. Si vous pouviez sonder la majorité des policiers, vous constateriez qu’aucun n’est dupe mais que beaucoup adhèrent pour des raisons personnelles afin d’obtenir ce qu’ils souhaitent. Car dans la police, il faut le savoir, n’obtiennent satisfaction que ceux qui sont syndiqués, et évidemment dans l’une des deux organisations majoritaires. Un grade, une mutation, la prime au mérite…

Dans toutes ces promotions, les syndicats font la pluie et le beau temps. C’est bien là le problème : l’influence des syndicats s’étend dans ce seul domaine. Ils ont perdu toute prise sur les conditions de travail, les effectifs, le matériel et la défense du corporatisme. La définition même du syndicalisme n’est plus le mot d’ordre de ces organisations. Elles sont uniquement occupées à faire et défaire les carrières de simples flics, qui ont eux aussi avalé cette couleuvre indigeste.

Se sont-ils laissé berner, ont-ils échangé la lutte contre la gestion de leur carrière ? Comme je l’ai déjà dit, la police n’est qu’une microsociété et ses membres ne sont que des citoyens lambda portant un uniforme. Pourquoi auraient-ils échappé à ce qu’est devenue la société, pourquoi ne seraient-ils pas, cupides comme peuvent l’être bon nombre de citoyens ? Même si la police ne leur convient plus, ils y retourneront pour appliquer des textes qui ne leur conviennent pas, ils iront pour assurer leur carrière et recevoir cette prime minable de six cents euros par an.

Pourtant, à la fin de l’année dernière, ils se sont soulevés pour protester contre leurs conditions de travail et le manque de reconnaissance et de la hiérarchie et de la société. Ils ont refusé de le faire avec le soutien des organisations syndicales, comme s’ils avaient pris enfin conscience qu’elles étaient inutiles voire contraires à leur mouvement. Ont-ils oublié qu’ils furent leurs complices durant plus d’une décennie ? Ils se sont cherché un représentant, un porte-parole. Ils m’ont même sollicité. J’ai décliné leur proposition.

Où étaient-ils alors que, médiatisé, je clamais haut et fort qu’il fallait cesser cette politique ? Où étaient-ils lorsque je prenais des coups ?

Les syndicats ont vendu leur âme au diable… Les flics aussi !

Extrait de "Police, grandeur et décadence" de Marc La Mola, aux Editions Michalon

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