Logement : l'économie administrée n'a jamais fonctionné, c'est l'incitation qui doit primer pour sortir de la crise<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy propose d'augmenter de 30% la capacité des constructions.
Nicolas Sarkozy propose d'augmenter de 30% la capacité des constructions.
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Le tour des propriétaires

Nicolas Sarkozy a annoncé une augmentation de 30% des capacités de construction de nouveaux logements. Une mesure incitative qui doit permettre de motiver les investisseurs à construire plus. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat du logement, explique la réforme.

Benoist Apparu

Benoist Apparu

Benoist Apparu est un homme politique (UMP). Il est actuellement député de la Marne et maire de la ville de Châlons-en-Champagne. Il a été ministre délégué chargé du logement de février à mai 2012

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a fait de nouvelles annonces en matière de politique de logement ce dimanche. Il propose notamment d'augmenter de 30% la capacité des constructions. Peut-on être certain que cette mesure permettra d'augmenter le nombre de nouveaux logements ?

Benoist Apparu : Il n’y a pas de chiffrage précis sur le nombre de logements qui vont être créés. Globalement, il y a actuellement 400 000 logements construits par an. C'est dans la catégorie du logement collectif, soit environ la moitié, qu'il pourrait y avoir une augmentation : ceux qui le désirent, car ça restera un choix, pourront accroître la capacité de leurs constructions de 30%. Ils ne le feront pas tous mais nous estimons qu'il y aura 40 à 50 000 logements construits en plus des 400 000 actuels.

Par ailleurs, pour l'autre moitié, les maisons individuelles, cette mesure, sans permettre d'augmenter le nombre de logements, permettra d'augmenter la taille des constructions. Cela entraînera une augmentation d'activité dans le secteur du bâtiment, ce qui est positif.

Ces mesures vont dans le sens du Grenelle qui prévoyait pour les collectivités de pouvoir augmenter de 20% les capacités des constructions par rapport à leur plan local d'urbanisme lorsqu'il s'agissait de logements délaissés. En passant à 30%, nous augmentons donc encore cette marge mais surtout, nous inversons le rapport de force : les promoteurs pourront prendre cette décision sans délibération de la collectivité. Cette dernière pourra simplement s'y opposer en délibérant dans le sens contraire.

La progression continuera également en matière de développement durable puisque ce sera une obligation à partir du 1er janvier prochain. Tous les bâtiments devront respecter la réglementation thermique 2012 : tous les permis de construire déposés pour des logements doivent respecter le label BBC-effinergie.

Peut-on assurer que ces mesures vont entraîner une baisse des prix, comme l'assure Nicolas Sarkozy, du neuf d’une part et du locatif d’autre part ?

On ne peut jamais en être certain. Simplement, pour faire baisser les prix, il n'y a que deux solutions. La première, c'est un blocage des prix. Même le Parti socialiste ne le propose pas puisqu'ils ne fixent de limitation que sur les loyers. La seconde, c'est d'appliquer tout simplement la loi de l’économie de marché : il y a de l’offre et il y a de la demande. En Ile de France, les prix explosent parce qu’il y a beaucoup trop de demande alors que dans les petites provinces, c’est l'effet inverse, du fait d’une offre trop importante.

La seule façon de réguler les prix, c’est donc de produire plus là où c’est nécessaire pour entraîner une maîtrise de l’augmentation des prix, voire une stabilité. Les mesures que nous lançons vont y contribuer. Certainement pas à hauteur de 30%, soyons lucides, mais une augmentation de l’offre ne peut avoir qu’un impact positif.

Pour les loyers, le système est le même, il faut prendre en compte l’offre et la demande. Plus il y a d’offre sur le parc locatif et plus les loyers vont stagner. Cependant, avant de dire que les loyers ont fortement augmenté, vérifions les chiffres. Il y a, selon les instituts de veille des loyers Olap et Clameur, 1,9% d’augmentation en moyenne par an depuis cinq ans en Ile de France. C’est à peu près l’inflation : on ne peut donc pas parler d’explosion des loyers.

L’idée d’une économie administrée n’a jamais fonctionné. La raison est simple : dans une relation contractuelle entre un locataire et un propriétaire, les deux partis doivent y trouver leur intérêt. Il est normal que moralement, on s’intéresse beaucoup plus au locataire car c’est lui qui a des difficultés à se loger. Mais il faut aussi regarder le comportement du propriétaire : si vous lui dites que son loyer doit être baissé, il risque tout simplement de vouloir vendre son logement pour investir ailleurs. Cela entrainerait une baisse du nombre de logements disponibles à la location et certainement pas une baisse des loyers, au contraire.

Nous avons des exemples : dans les années 1990-2000, il y a eu le scandale des « ventes à la découpe ». En Ile de France, les institutionnels, banques, assureurs, grandes foncières, étaient propriétaires de 24% du marché locatif. Ils sont passés à 3% aujourd’hui. La rentabilité locative du logement était  de 3,5% alors que celle du locatif d’entreprise était de 5,5%. Ils ont tout vendu pour investir ailleurs.

Les investisseurs sont-ils prêts à s’engager dans cette nouvelle politique du logement ?

Nous les avons tous consultés. Les réponses sont évidemment ambivalentes. Certains y voient là exactement le modèle qu’ils souhaitent développer et sont très satisfaits. D’autres, plus habitués au fonctionnement traditionnel en matière de logement, sont plus déstabilisés. Depuis 30 ans, le marché de la promotion immobilière est basé sur des produits d’investissement locatif grâce à des lois Scellier, de Robien, Besson,Borloo, Méhaignerie … Nous sommes en train de leur dire que nous allons changer le modèle économique : supprimer ces fonctionnements pour passer à un modèle basé sur la constructibilité. Cela froisse tous les repères de la profession et l’oblige à penser ses investissements autrement. Certains vont regretter le passé et d’autres vont comprendre que l’argent public se faisant rare, il faut innover.

Nicolas Sarkozy a également évoqué la mise à disposition d’une partie du foncier de l’Etat. François Hollande parle lui de le faire gratuitement. Qu’est-ce qui différencie ces deux propositions ?

Le Président de la République a été un peu rapide sur sa proposition de libérer du foncier de l’Etat. Le Premier ministre a précisé en chiffrant sur la période 2012-2016 à quelques 100 000 logements construits sur du foncier public. 50 000 en Ile de France et 50 000 dans le reste du pays.

Le premier plan, sur 2008-2012, nous a permis de construire 55 000 nouveaux logements. Cette nouvelle programmation doit permettre de continuer cet effort. Rien qu’en Ile de France, 394 terrains sont concernés pour 880 hectares. Ces terrains seront soit vendus aux collectivités et aux promoteurs, soit loués via des baux de très longue durée en échange d’un loyer payé à l’Etat.

On peut difficilement chiffrer le retour sur investissement de cette nouvelle programmation. Tout varie, d’une opération à l’autre. Par contre on sait que la première programmation sur 2008-2012 a rapporté à l’Etat 1,15 milliards d’euros. Autrement dit, lorsque François Hollande annonce à la télévision qu’il va mettre ce foncier à disposition gratuitement, il se prive d’une recette importante qui n’est pas budgétée dans les 20 milliards de dépenses nouvelles qu’il prévoit.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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