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Pourquoi il n'y aura pas de démondialisation après les élections
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Attention ceci est un mirage

Arnaud Montebourg avait lancé l'idée, Jean-Luc Mélanchon et Marine le Pen ont repris le concept. Pourtant, selon Lionel Fontagné, "démondialiser" est techniquement impossible (Extrait 1/2).

Lionel Fontagné

Lionel Fontagné

Lionel Fontagné est professeur à l' Ecole d'économie de Paris et à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, conseiller scientifique au CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), consultant à la Banque de France et conseiller auprès du centre du commerce international.

 

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Doit-on s’attendre à une offensive en termes de démondialisation après les élections françaises ? En réalité, quelle que soit l’issue des scrutins, la réponse est négative pour des raisons techniques.

Premièrement, les entreprises françaises sont très mondialisées et le resteront. Les groupes français, qu’il s’agisse de l’industrie ou des services, réalisent déjà la moitié de leur activité hors du territoire national, et la moitié de leurs emplois est déjà localisée à l’étranger. Et, même si l’on ne dispose pas des chiffres précis, tout laisse à penser que plus de la moitié de leurs profits sont engrangés, eux aussi, à l’étranger. La moitié en France, c’est encore beaucoup, si l’on compare cela aux 5 % de l’activité et de la demande mondiales que représente le territoire français : autrement dit, les entreprises françaises réalisent la moitié de leur activité sur un territoire représentant un vingtième de l’économie mondiale. On doit donc s’attendre plutôt à ce que nos entreprises réorientent de façon croissante leur champ d’action vers le nouveau pôle de croissance de l’économie mondiale que constitue l’Asie. Ne nous y trompons pas pour autant. Développer des activités à l’étranger ne signifie pas en détruire en France. L’économie mondiale s’agrandit chaque année, ce qui laisse de la place, en fin de compte, pour plus d’activité. Le jeu n’est pas à somme nulle.

Deuxièmement, les processus productifs sont, eux-mêmes, très internationalisés et cela est difficilement réversible, sauf exception. Les Français n’aiment pas la mondialisation des chaînes de valeur, mais ils ont une addiction aux produits qui en sortent, comme le téléphone et la tablette de la marque californienne bien connue. Les produits que nous consommons sont le résultat d’étapes de fabrication successives, localisées dans des pays différents. L’important pour les entreprises est d’avoir des idées et de les réaliser en combinant les compétences des différentes localisations. L’important pour un territoire et pour l’emploi est d’avoir beaucoup d’entreprises ayant beaucoup d’idées.

Troisièmement, l’ouverture à l’international de l’économie française passe, d’abord et en grande partie, par le Marché unique européen, où se trouvent beaucoup de nos concurrents et de nos clients. À moins de sortir de l’Union européenne, pas de marge de manœuvre de ce côté.

Enfin, les droits de douane ne sont pas décidés par le gouvernement français, quel qu’il soit. Il s’agit d’une prérogative européenne. Il conviendra donc de convaincre nos partenaires européens si nous voulons renforcer le protectionnisme. Et nous n’avons aucune chance d’y arriver, dans la mesure où la perception de la mondialisation est très différente dans le nord et le sud de l’Europe. On voit mal, de surcroît, notre partenaire allemand s’engager dans une voie qui lui fermerait les marchés étrangers, précieux pour sa croissance, par simple effet de rétorsion.

L’approche européenne est autre : elle vise à inciter les pays exportateurs, plutôt qu’à les pénaliser. La révision du système de préférences généralisées (le menu des préférences douanières pour les pays en développement exportant vers l’Europe) en juillet 2011 vise ainsi à renforcer« les incitations à la protection des droits fondamentaux de l’homme et du travailleur et au respect des normes environnementales». Concrètement, les pays respectant ces droits auront des droits de douane réduits à l’entrée sur le marché européen.

À supposer que l’Union européenne soit convaincue, il faudrait qu’elle renonce à ses engagements au sein de l’OMC, si elle souhaitait procéder à une augmentation généralisée de ses droits de douane à l’égard des pays à bas salaires ou à normes environnementales plus souples. Autant utiliser le capital d’influence français à Bruxelles pour d’autres causes.

Aucun gouvernement, de droite ni de gauche, n’enclencher a donc de processus de démondialisation. Cela ne signifie pas que le gouvernement ne devra rien faire. Le clivage droite-gauche ne passe pas par le thème de la démondialisation : celle-ci étant techniquement difficile, voire impossible à mettre en œuvre, le clivage se trouve dans les politiques qui devront être menées pour réconcilier les Français avec la mondialisation.

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Extrait de Droite contre gauche, Fayard (25 janvier 2012)

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