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Plutôt que des racines, il serait plus juste d’affirmer que l’Europe a une source chrétienne
©SEBASTIEN BOZON

Bonnes feuilles

Après "Génération j'ai le droit", "Une France soumise" et "Les territoires perdus de la République", Barbara Lefebvre analyse dans son nouvel ouvrage "C'est ça la France…" (ed. Albin Michel) les origines et les enjeux des hontes françaises et nous explique comment les conjurer. 1/2

Barbara Lefebvre

Barbara Lefebvre

Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste. Auteur de C’est ça la France (Albin Michel). Elle a publié en 2018 Génération « j’ai le droit » (Albin Michel), était co-auteur en 2002 de l’ouvrage Les territoires perdus de la République (Pluriel)

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Le débat sur les « racines chrétiennes de l’Europe » inscrites dans la Constitution européenne en dit long sur la récusation d’un héritage judéo-chrétien commun et d’une volonté de faire table rase du passé dans le contexte des « sociétés inclusives » postmodernes.  

L’agitation qu’a suscitée cette proposition entre 2003 et 2004 était en soi une réponse à la question. Ceux qu’on moqua en les appelant le « parti religieux » avaient beau proposer d’adjoindre aux « racines chrétiennes » l’apport du judaïsme, de l’islam, de la philosophie grecque, du droit romain et de l’humanisme des Lumières, in  fine, aucune référence à l’identité chrétienne n’apparaîtra dans le texte.

La France s’est montrée particulièrement active pour empêcher cette option, Michel Barnier, alors ministre des Affaires étrangères, affirma : « Cette Union n’est pas un club judéo-chrétien. » Fermez le ban. En mai 2016, le commissaire européen Pierre Moscovici déclare à la presse qu’il « ne [croit] pas aux racines chrétiennes de l’Europe ». Qu’il soit permis de s’étonner que la factualité historico-culturelle s’efface au profit d’une approche aussi irrationnelle que la croyance. Favorable ou pas à l’inscription de la dimension chrétienne de l’identité européenne dans un texte législatif majeur, la question centrale est : l’histoire de la chrétienté européenne est-elle un mythe ? Oui à écouter Pierre Moscovici. On postule donc que l’Europe politique se construira sur un terrain historique vierge, son identité ne se rattachant à rien de commun, sinon aux intérêts strictement économiques des uns et des autres, des uns contre les autres.

Si l’on peut convenir que le terme fondement ou source eût été plus approprié que celui de racine, il n’en reste pas moins que la religion chrétienne a produit sur notre continent un modèle de civilisation singulier. Durant une longue partie de son histoire, l’Europe occidentale qui a vu naître le projet de l’UE fut le siège de la chrétienté et le berceau du protestantisme, pourtant elle est aujourd’hui un des espaces les moins religieux au monde. S’il abrite encore de larges majorités de chrétiens baptisés, les études montrent un déclin significatif de la filiation chrétienne. Cela n’est certes pas égal sur tout le continent : la déchristianisation massive de l’Europe de l’Ouest, qui est aussi l’Europe accueillant le plus d’immigrés extra-européens, contraste avec la stabilité voire l’augmentation de l’affirmation d’une identité chrétienne en Europe orientale et centrale. Une vaste enquête publiée en octobre 2018 par le Pew Research Center a montré néanmoins que l’identité chrétienne demeure un marqueur identitaire même en Europe occidentale puisque la plupart des personnes interrogées se considèrent chrétiennes bien que ne pratiquant plus ou ayant pris clairement leurs distances avec l’Église.

La « sortie du religieux » qui caractériserait globalement l’Europe, selon les travaux de Marcel Gauchet, mérite peut-être d’être réinterrogée au regard des reconfigurations identitaires et culturelles continentales. Si sortir du religieux signifie ne plus placer la religion au cœur du pouvoir et de l’action politique, cela est vrai partout en Europe. Néanmoins, elle continue à structurer bien des imaginaires culturels individuels ou collectifs à travers l’Europe sécularisée. La France n’est d’ailleurs pas le pays le plus laïque d’Europe puisque, si 68 % des Français considèrent que la religion doit rester strictement séparée du politique, les scores sont beaucoup plus élevés en Estonie, Croatie, Pologne, Espagne, République tchèque ou Bosnie.

Faut-il y voir un recul de l’adhésion au modèle républicain laïque en France alors que partout en Europe, et singulièrement dans des pays fortement attachés à l’identité chrétienne, la séparation des Églises et de l’État est acquise ?

Dans ce cadre sécularisé où la séparation du temporel et du spirituel rencontre un franc consensus, on comprend que l’islam quand il a prétention à régir la vie des sociétés humaines dans toutes ses dimensions, depuis la sphère intime jusqu’à l’organisation de l’espace public, soit perçu comme incompatible avec la culture européenne, ainsi que le révèlent nombre d’enquêtes d’opinion. En France, 45% des chrétiens –  pratiquants ou non  – estiment l’islam incompatible avec la culture et les valeurs françaises,ce qui correspond à la moyenne nationale puisque selon un sondage Ifop-JDD de février 2018, 43% des Français sont de cet avis. On relèvera, enfin, dans un sondage réalisé par Opinionway pour Sciences Po et le Cevipof en janvier  2018, que 60% des Français interrogés considèrent que « l’islam est une menace pour la République ».

Extrait de "C'est ça la France…" de Barbara Lefebvre, publié aux éditions Albin Michel

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