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Plus urgent que le vote de l'interdiction du voile en sorties scolaires, le combat contre un anti-racisme dévoyé
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Culpabilisation à grande échelle

Le SNES-FSU Créteil a indiqué dans un communiqué que Jean-Michel Blanquer alimenterait un "climat raciste" au sein de l'Education nationale. Le ministre avait récemment évoqué le sujet du voile. Certaines structures tentent-elles d'imposer un antiracisme dévoyé dans l'Education nationale ?

Renée Fregosi

Renée Fregosi

Renée Fregosi est maître de conférences et directeur de recherches en science politique à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine (Université paris 3 Sorbonne-Nouvelle).

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Barbara Lefebvre

Barbara Lefebvre

Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste. Auteur de C’est ça la France (Albin Michel). Elle a publié en 2018 Génération « j’ai le droit » (Albin Michel), était co-auteur en 2002 de l’ouvrage Les territoires perdus de la République (Pluriel)

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Atlantico.fr : Le SNES-FSU Créteil a publié un communiqué dans le lequel le syndicat d'enseignants du second degré indique que Jean-Michel Blanquer alimenterait un "climat raciste" dans l'Education Nationale. En quoi ces déclarations vous semblent emblématiques de la volonté de certaines structures, d'imposer un antiracisme dévoyé dans l'Education nationale ? 

Renée Fregosi : Ces déclarations sont l'exemple même d'une logique victimaire, une logique qui inverse les facteurs : les agresseurs se présentent comme les victimes. Cette logique est mise en oeuvre depuis des décennies par de nombreux mouvements et mouvances qui convergent et parfois se recoupent. Ensemble ou individuellement, ils attaquent et portent atteinte à la démocratie, la laïcité et la République. 

De tous ces mouvements, le plus puissant est celui qui est animé par les militants de l'islam politique. Une offensive islamiste qui cherche à mettre en place un communautarisme français tel qu'il existe déjà dans d'autres pays européens. Un communautarisme fondé sur la séparation des sexes et qui à l'encontre même de l'esprit républicain et de la logique démocratique selon laquelle les conflits doivent être gérés pacifiquement via l'échange, le débat et manière démocratique à travers le vote. 

Ainsi, il y effectivement aujourd'hui, dans la société française, des groupes qui tout en étant minoritaires cherchent à imposer leur vision à la majorité de la population. Pour se faire, ils ont recours à des méthodes qui ne sont pas démocratiques : violence physique, violence verbale, violence écologique.... En alliant tout ceci avec une certaine force de persuasion et des techniques d'infiltration, ils tentent d'imposer au plus grand nombre une façon de vivre qui ne convient qu'à une minorité. Concrètement, la question du voile est, par exemple, un point emblématique de l'offensive islamiste. Les islamistes l'imposent à tous ceux qui sont de culture musulmane ou qui se revendiquent comme étant musulmans. Une forme d'autoritarisme qui leur permet de créer une communauté musulmane à l'intérieur de la communauté nationale française. Tout ceux qui sont censés appartenir à l'islam doivent alors se séparer du reste du corps social. Or, si cela contrevient à la conception démocratique et républicaine française, la naissance d'une communauté, nous force à reconnaître l'idéologique comme étant légitime. En outre, c'est lorsque que l'on résiste à cette offensive que ceux qui la mènent nous attaquent en dénonçant notre "agressivité" ou notre "racisme". 

Cette logique victimaire est le point de rencontre, la vulgate idéologique entre les islamistes d'une part, et les dé-coloniaux et anti-racistes d'autre part. Cette logique fait de nous la cible de leur offensive politico-idéologico-guerrière.

Barbara Lefebvre : Communiqué dont on observera qu’il répond aux codes de l’écriture inclusive afin que « chacun•e » sache à qui on a affaire avec nos syndicalistes progressistes de l’Education nationale. Le SNES a depuis longtemps choisi son camp, celui du multiculturalisme diversitaire accordant attention et soutien aux intérêts particuliers de groupes minoritaires davantage qu’à l’intérêt général.Le SNES a en effet activement participé à la destruction des savoirs et favorisé le nivèlement par la médiocrité : pour eux les savoirs – dont la grammaire, la littérature classique, les langues anciennes - sont des outils de discrimination culturelle. Ils préfèrent valoriser « les compétences » !Mais quel est le poids du SNES en termes d’influence ? Même si les salariés de la fonction publique sont deux fois plus syndiqués que dans le privé (11% de syndiqués en France toutes catégories confondues) et que dans la fonction publique les enseignants apparaissent comme les plus syndiqués (24%), il n’en reste pas moins que 76% des enseignants ne se laissent pas enfermer dans le rapport utilitaire instauré par cette forme de syndicalisme enseignant(appui et favoritisme pour les mutations, mutuelles et coopératives nourrissant le corporatisme). En outre, le SNES déteste le ministre Blanquer car il s’est attaqué au pédagogisme dont ce syndicat est la tête de pont. Pour le SNES toutes les occasions sont bonnes pour s’en prendre à lui. La réalité du terrain quand il s’agit de violences sur fond d’identitarisme religieux ne les intéresse pas car elle contredit trop violement leur idéologie. 

Lorsqu’en 2002 nous avons publié « les territoires perdus de la République », le SNES –comme les autres syndicats à l’époque - n’a fait aucune reprise de nos témoignages pas même quand les ministres Ferry et Darcos s’en sont saisis pour dénoncer la montée de l’antisémitisme islamique observée dans les établissements scolaires.Le SNES préférait publier, à cette période, dans sa feuille de chou des tribunes propalestiniennes justifiant à demi-mot l’explosion antijuive dans les quartiers de banlieues par la politique israélienne ! Jusqu’à ce jour, le SNES ne s’est jamais exprimé clairement sur ces sujets sinon pour les minimiser et ils ont quelques animateurs du déni (François Durpaire, Laurence de Cock, Benoit Falaise etc.) pour ce faire à l’aide d’études aux biais orientés pour démontrer que ce que nous décrivions n’étaient au mieux que des effets de loupe déformants, au pire des incitations à la haine contre les musulmans.Notre livre racontait à travers des cas concrets cette désintégration que les Français ont vue se matérialiser avec les émeutes de 2005 puis les attentats djihadistes commis en majorité par des personnes ayant été scolarisées intégralement en France, de Merah à Harpon en passant par les Kouachi et Coulibaly ! Ils n’ont pas supporté que nous dénoncionscette violence nourrie d’un discours anti-occidental et anti-France qu’ils considéraient comme de justes expressions de la souffrance sociale des « jeunes issus de l’immigration » ! 

L’école de la République est en échec pour intégrer tous ses enfants parce que, depuis les années 1980, elle ne transmet plus des savoirs qui permettent une intégration à un patrimoine historique et culturel commun. Le « droit à la différence » vanté et institutionnalisé par la gauche SOS Racisme et validé par la droite désintéressée par la question scolaire prévaut largement sur ce socle culturel commun qui permet de faire nation. Ces enseignants représentés par l’idéologie du SNES ont trahi l’idéal républicain, ils veulent les avantages de la fonction publique à la française mais rêvent d’une société à l’américaine où chacun restera enfermé volontairement dans son ghetto communautaire.Ils passent leur temps à classer les Français pour les enfermer dans des catégories ethnoculturelles, leurs représentations sociales sont complètement américanisées.Ces profs du SNES sont des adeptes d’un « chacun chez soi » plutôt colonial !Pour ces gens-là,le communautarisme est l’expression d’une liberté individuelle et collective et ils n’ont aucun problème intellectuellement parlant avec les identitaires islamistes, quand ils sont, en revanche, obnubilés par l’influence des identitaires partisans de la théorie fumeuse du Grand remplacement ! Pour eux la prolifération des voiles depuis trente ans dans les quartiers est quasiment un signe d’émancipation des femmes, mais les manifestations anti-PMA révèlent la fascisation de la société française…

N'est-ce pas symptomatique des dérives de l'antiracisme, qui posent particulièrement problème dans la lutte contre l'islamisme ? 

Renée Fregosi : Non, pas particulièrement mais s'en est une composante. On assiste ici à une alliance objective (de fait) et volontaire (qui se fait sciemment) entre deux groupes distincts, les islamistes d'un côté et les anti-raciste, dé-coloniaux de l'autre. Cette alliance est, certes, stratégique mais elle est aussi logique. Tout en oeuvrant pour le communautarisme, ces mouvements appellent à l'exclusions des blancs, descendants des coloniaux, à celle des non-musulmans, etc. 

Ce genre d'idéologies se retrouve à tous les niveaux de complexité, c'est-à-dire sous une forme simpliste destinée au tout venant et sous une forme très intellectuelle. Or, c'est cette dernière que l'on rencontre régulièrement dans les universités françaises.

Barbara Lefebvre : A travers nos récits de terrain, nous racontions dès 2002 rien moins que l’emprise sociale des islamistes sur nombre de nos élèves de culture musulmane. Cette emprise se révélait à travers la contestation des enseignements, les revendications d’accommodements durant le Ramadan ou concernant l’alimentation dans les cantines, le prosélytisme entre élèves notamment pour inciter les filles à couvrir leur chevelure et à porter des vêtements conformes à la norme islamiste (la loi de 2004 n’était pas encore votée), la manifestation d’un antisémitisme violent, d’un sexisme et d’une homophobie décomplexés. Nous avons raconté tout cela en 2002, et cela a été confirmé par le rapport de l’inspecteur Obin en 2003 et par bien d’autres livres ensuite. Ces élèves sont des enfants qui importent dans les établissements scolaires le discours qu’ils entendent dans leurs foyers, à la mosquée ou dans le quartier. Le ministre a d’ailleurs souligné que cela touche de plus en plus les écoles primaires où les enfants sont des éponges à propagande. 

Une collègue institutrice m’a raconté dernièrement les conversations dans la cour entre élèves de moins de dix ans qui faisaient pression sur une fillette dont la mère ne portait pas le voile : « ta mère ce n’est pas une vraie musulmane » disaient-ils à leur camarade en pleurs ! Cette collègue s’en est confiée à sa directrice qui a haussé les épaules « c’est comme ça ici ; qu’est-ce que tu veux faire ! ». Acclimatation à l’intolérable, banalisation de la violence idéologique…Mais je doute que si ces enfants avaient proféré des propos racistes anti-arabes ou homophobes, la direction aurait été si négligente. Une autre collègue en charge d’une classe de maternelle m’a raconté : « à la réunion de rentrée, après la présentation de mes projets éducatifs pour mes élèves de petite section, la seule question d’une des mères présentes a été ‘’est-ce qu’il y a du porc à la cantine ?’’. 

Le SNES a toujours pratiqué le déni sur ses questions, il était hostile au vote d’une loi contre les signes religieux ostentatoires, dubitatif lorsque le ministre Peillon a imposé l’affichage de sa charte de la laïcité, et a toujours soutenu les mères accompagnatrices de sorties scolaires portant un hijab (voile islamique) ou un jilbab (voile et robe ample en général de couleur sombre). La personne qui a été interpellée au Conseil régional de Bourgogne était vêtue d’un jilbab noir à l’iranienne qui n’est rien d’autre qu’un costume politico-religieux. Le SNES se préoccupe-t-il du prosélytisme ainsi exercé sur les élèves de cette classe dont les parents n’ont peut-être pas envie que leur enfant soit soumis à une telle vision de la femme française ? Le SNES préfère comme l’ancienne ministre Vallaud-Belkacem parler de « mamans voilées » pour déplacer vers le registre émotionnel une question éminemment politique. C’est pourquoi Jean-Michel Blanquer a eu raison de rappeler qu’il s’agissait à travers le voilement d’un projet de société qui n’était « pas souhaitable ». J’ajoute qu’il n’est pas souhaitable car il est incompatible avec nos principes, notre histoire, nos us et coutumes. 7 Français sur 10 sont d’accord avec Jean-Michel Blanquer, on voit donc à quel niveau d’influence se situe le SNES !

On évoque souvent l'Université comme étant un lieu particulièrement perméable à des discours indigénistes ou décoloniaux. Qu'en est-il dans l'ensemble de l'Education nationale ?

Renée Fregosi : L'université -américaine, plus que française- a produit ces théories. On retrouve ces discours en Amérique Latine et bien entendu également en France ainsi que dans les pays qui ont été des puissances coloniales. En France, les groupes défendant le dé-colonialisme et l'anti-racisme sont influents et puissants. Ils occupent des postes importants, siègent au conseil d'administration des universités...

Pour ce qui est du reste de l'Education Nationale, je dirai que c'est davantage le politiquement correct qui est mis en avant. Par exemple, au collège ou au lycée on en vient à excuser les dérives les plus violentes par le paradigme déficitaire. On part du principe méprisant et presque colonialiste, que les populations issues de l'immigration ne peuvent pas directement avoir accès à une éducation de qualité. 

Barbara Lefebvre : Le SNES n’a pas encore osé les ateliers de formation interdits aux non racisés (aux Blancs), mais ils n’ont exprimé aucune réprobation envers Sud Education pour en avoir organisé avec des militants des Indigènes de la République il y a quelques mois encore.

Au fond il n’y a rien d’étonnant au réflexe pavlovien du SNES consistant à crier à la « stigmatisation » ou à « l’amalgame » entre islam et islamisme, ils ont hérité ce mécanisme de leur fond idéologique gauchiste : les problèmes qu’on a sous les yeux n’en sont pas car ils dissimulent en fait un système de domination. Hier c’était la domination de classes, aujourd’hui c’est la domination d’une culture majoritaire (la « race blanche » et « sa fragilité » selon les décoloniaux) contre les cultures minoritaires. Bref, démontrer et dénoncer l’emprise islamiste depuis plus de trente ans consisterait pour eux à ignorer que les musulmans ne sont que des victimes du système. Le SNES a complètement intégré le discours décolonial et indigéniste.L’UNEF et la Fidl aussi ont basculé dans l’idéologie décoloniale et le racialisme. C’est dans leurs rangs que se trouvent les futurs profs syndiqués SNES de demain, il n’y a donc aucune raison d’être rassurés sur l’avenir. 

L’Education nationale est une maison dont les fondements ont été ébranlés dans les années 1980, la loi Jospin qui mit l’enfant au centre du système en lieu et place des savoirs a été emblématique de cette volonté de transformer l’école en lieu de vie où, au nom d’une conception dévoyée de la liberté, des individus mineursdoivent être respectés dans leurs particularismes (ethniques, culturels, religieux). L’école d’aujourd’hui valide qu’un enfant appartient par sa naissance à l’ethnie, la religion, la classe sociale ou l’idéologie politique de ses ascendants ! On se croirait sous l’Ancien Régime.Moi je pense que lorsqu’il entre dans l’école, l’enfant entre dans une  autre identité, celle de l’élève, sorte de prélude à son identité de citoyen. La seconde n’est pas contradictoire ou destructrice de la première, mais elle revêt un caractère de primauté : quand je suis à l’école, en classe, dans la cour de récréation, dans les couloirs, je suis un élève, un membre de la communauté scolaire ; je ne suis pas l’enfant de mes parents, le membre de « ma communauté » ; demain, quand je serais adulte, mon identité citoyenne prévaudra parfois sur mes identités particulières dans l’espace public ou dans mon activité professionnelle. 

Il est des circonstances dans nos vies où l’intérêt commun prévaut sur nos intérêts particuliers. Si on ne l’apprend pas dès l’école pourquoi espérez-vous que la société de demain ne soit pas atrocement individualiste et communautariste ? Pour certains enfants, c’est une liberté extraordinaire permise par l’école laïque républicaine que de ne pas être réduit à « une identité héritée par ses ascendants » et accéder à des savoirs culturels communs qui ne nous enferment pas dans des schémas de repli identitaristes. A l’école publique, on n’a pas à être identifié et traité selon sa couleur de peau, sa prétendue appartenance religieuse, comme les adeptes de la discrimination positive le demandent. J’ai connu beaucoup d’élèves qui chérissaient cette liberté offerte par l’école publique de ne pas être assignés identitairement ; c’est pour eux aussi – surtout dans les écoles insérées dans des quartiers communautaristes – que l’école doit être protectrice par la neutralité laïque.  C’est cette émancipation là que nous devonsdéfendre car elle est violemment attaquée depuis trente ans et nourrit l’esprit de sécession. Le SNES préfère apparemment jouer le jeu de ceux qui refusentque l’école libère l’élève des assignations de naissance, et qui agissent à l’intérieur de l’école pour exercer des pressions sur les élèves. Les mères voilées, parfois réunies dans des collectifs, toujours sur le pont pour accompagner avec le sourire les sorties scolaires, sont une des illustrations de cette pression. L’éradication du porc dans certains cantines scolaires en est un autre signe. Le laxisme institutionnel qui consiste à laisser faire au nom de « la liberté de chacun » est une trahison démocratique. 

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