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Plein emploi, croissance, modèle social préservé…: les promesses d’Emmanuel Macron sont-elles tenables ?
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Verdict

Le Président (bientôt) en campagne va devoir regarder dans le rétroviseur pour mener à bien son nouveau chemin électoral.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Emmanuel Macron s’est exprimé ce lundi. Une partie de son allocution était dédiée à la question économique. Y a-t-il des choses à retenir de sa prise de parole ? 

Don Diego de la Vega : Non. Ça a été le vide total. C’est un peu normal puisque le sujet principal était sanitaire. Il s’agissait pour lui de continuer à affirmer son côté réformateur et de repousser les forces de la « réaction » loin de lui. Mais, il incarne un réformateur bien étrange, qui repousse « mañana », à demain, en raison de la crise sanitaire et de la présidentielle qui approche. Il n’avait ni le temps législatif, ni le capital politique, ni l’accord de la CFDT, pour faire faire quoi que ce soit. Sur la réforme des retraites, il ne sait pas ce qu’il fait. Il a d’abord voulu un modèle suédois de retraite à point pour ensuite se diriger vers quelque chose de plus forfaitaire et juppéiste. Désormais, on ne sait pas ce qu’ils veulent ou s’ils ont les moyens d’agir. 

Sur la réforme des retraites, on est très loin de l’objectif initial. Ça ne sera qu’un rabot budgétaire, pas une vraie réforme. La fin des régimes spéciaux ne touchera que les nouveaux entrants. En plus, il veut simplifier le système mais réintroduire la notion de pénibilité. Or faire ça revient à remettre en place un système complexe. Tout le monde va pouvoir dire que son métier est difficile. Cela va donc dépendre des rapports de force. 

La question de l’assurance chômage est dans le pipeline depuis un moment. Donc ce n’est pas une annonce, même pas une confirmation. Mais est-ce une réforme ou du rabot ? À mon sens ce n’est pas une réforme. 

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Tout ce qu’a évoqué Macron ce sont des expédients. Il n’y a rien de structurel. Il distribue de l’argent public, attend de l’argent européen, pare au plus pressé et gère un agenda politique pour tenir jusqu’en mai 2022. Mais la notion de réforme, ce n’est pas ça. Réformer c’est trouver des alliés, monter des alliances, négocier et engager des choses qui ne sont pas populaires sur plusieurs années. C’est-à-dire l’inverse de ce qui a été fait depuis 4 ans. Où est la réforme du marché du travail ? Celle des finances publiques ? de l’état providence ? Il y a des tas de chantiers qui dépendaient de la France et rien n’a été fait. Il y a eu du rabotage d’allocation chômage, ce sera visiblement pareil sur les retraites. Et pour faire passer ces quelques rabotages, on a 150 milliards de dépenses nouvelle. Nous ne sommes gagnants sur aucun tableau. En revanche, il y en avait pour tout le monde : les sarkozystes, les juppéistes, les hollandistes. 

Le Président présente sur un piédestal le modèle social à la française qui aurait agi comme un bouclier protecteur durant la crise. Au regard des autres pays, le quoi qu’il en coûte, le modèle social nous a-t-il réellement bien protégé ? Y-a-t-il autre chose ? 

Emmanuel Macron a été élu pour réformer le modèle social à la française. Elu, il passe son temps à le louer. Cela dénote un problème politique. Si vous pensez que le modèle à la française - dépenser un maximum pour des résultats médiocres, - c’est le summum, il faut être logique et encore plus dépenser. Macron lui considère que le modèle est excellent mais en même temps qu’il faut le réformer. Il fait le contraire du programme sur lequel il a été élu. C’est un principe d’irréalité, il est plein de contradictions. 

Est-ce que ce modèle nous a protégé ? Il est sûr qu’avoir un tiers de sa population dans la fonction publique, agent publique ou dépendant de subventions publiques, cela aide à avoir une économie moins cyclique. Une économie plus servicielle et soviétisée est forcément moins cyclique. Pour autant, quand on regarde les chiffres, en 2020, la France a le quasi record du recul du PIB. On a enregistré un recul de 8,4 %. On nous parle d’un rebond de 6%. Les spécialistes estimaient plutôt 5% avant l’émergence du variant. On a donc trouvé un ou deux points de croissance par magie. Dont acte. Mais ce n’est que de la reconstitution de croissance, pas de la croissance.  

Difficile de savoir ce qui est dû au modèle français dans cela. Ce qui a fonctionné c’est l’injection budgétaire maximale. Et nous la paierons dans la décennie. La BCE a refusé toute possibilité d’annuler les dettes. Donc il faudra des restrictions et des impôts. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu une défense absolue de l’emploi. 

Alors qu’au premier trimestre 2020, le taux de chômage en France Métropolitaine s’établissait à 7,6 %, celui du premier trimestre 2021 s’établi à 8,1 % de la population active. Les chiffres restent alors stables malgré la crise sanitaire que nous avons connue. Avons-nous réellement bien résisté ? La défense absolue de l’emploi était-elle nécessaire ? Retrouvons-nous le chemin du plein emploi ?

La défense absolue de l’emploi a du sens si on pense que c’est un choc très temporaire et qu’il ne sert à rien de mettre les gens au chômage pour les réembaucher 9 mois plus tard. Mais cela suppose que la crise sanitaire soit résolue assez rapidement. Sinon, cela signifie payer des gens à ne pas faire grand-chose pendant plusieurs années de suite. Là, ce n’est plus le Kurzarbeit allemand (le temps partiel utilisé en 2008-2009 en Allemagne avec une rémunération partielle assortie d’une décote). Si cela doit durer plusieurs années, on est en droit de se demander si ce n’est pas lié à l’agenda politique. Virus ou pas, un certain nombre de corrections devront probablement être faites mi 2022. Le Kurzarbeit se base sur l’idée que le choc est transitoire, or il l’est de moins en moins. Le président lui-même a prévenu que le virus allait mordre sur 2022.  

Il est ridicule de croire que nous sommes sur le chemin du plein emploi. Nous avons un sous-emploi massif. La promesse du plein emploi a été faite plusieurs fois et cela a toujours amené à de terribles choses. Sous Jospin, on nous a dit que grâce au 35 h et à la croissance venu d’Amérique on atteindrait le plein emploi, il en a été de même sous Sarkozy puis sous Hollande. Ils l’ont tous promis. 

Autre point, Emmanuel Macron a évoqué une étude de la banque de France qui expliquait que les chefs d’entreprises déclaraient avoir du mal à recruter. Il justifie cet avenir de plein emploi par des besoins immenses qui ont du mal à être pourvus. C’est un mismatch entre offre et demande d’emploi, ce que modélise la courbe de Beveridge. Il s’agit en fait de la version sophistiquée de : je traverse la rue et je vous en trouve du travail. Sauf que quand l’on demande à un chef d’entreprise s’il a envie d’embaucher et s’il a du mal à le faire, il répond oui par réflexe. Mais ce n’est pas un discours macro. L’écrasante majorité du sous-emploi n’est pas liée à ça. Le discours devrait être : nous sommes en récession, il y a un problème de demande agrégée, une pression déflationniste japonisante. S’il voyait la réalité de terrain, le président se rendrait compte que les entrepreneurs sont incapables de savoir ce que sera la demande dans six mois. Or on n’embauche pas dans ces conditions.

Dernier point, le plan de relance pilier de l’avenir économique de la France pour Macron, se déploie-t-il parfaitement ?

Il y a toujours cette dérive de l’investissement public. On a le sentiment qu’on va tout résoudre par de l’investissement public, mobilisé pour toutes les bonnes causes schumpétériennes dans une tradition néo-colbertiste avec un peu de vert puisque c’est désormais indispensable. Il y a donc plein de bons sentiments et une autosatisfaction béate sur le plan de relance en cours alors que ça fait un an et demi qu’on parle de l’argent européen sans le voir. Dans le même temps on a toujours un problème de maitrise de la dépense publique, de fléchage et de qualité de cette dernière. Ce dont on a besoin actuellement, ce sont des lits d’hôpitaux, nous n’avons pas plus depuis 16 mois, plutôt qu’un nouveau programme sur l’hydrogène. 

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