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"Les jeunes d'aujourd'hui
sont plus résignés qu'indignés"
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Génération perdue (1/2)

Crise, chômage, accès à la propriété difficile : les jeunes d'aujourd'hui forment-ils une génération perdue ? Feuilleton en deux épisode sur la jeunesse du XXIe siècle (1/2).

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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La polémique autour de la « liste » d’Arnaud Montebourg et sa proposition d’interdire les investitures pour les députés âgés de 67 ans et plus n’est que l’ultime résurgence de ce que le Conseil d’Analyse Economique a appelé la "guerre des générations". 

Jeunes européens : une génération perdue

Alors que l’Europe prend la direction d’une « décennie perdue » selon les termes de George Soros, où sont ceux qui vont en subir les conséquences, la génération perdue ? Ils se taisent car ce qui caractérise actuellement notre jeunesse, c'est la résignation. Alors qu’une poignée d’indignés jouent le rôle de bouffons du roi, qui entend les résignés ?

Les jeunes désespèrent. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde, la crise ne les émeut pas vraiment, parce que la crise c’est leur réalité. Françoise Sagan avait raison, la jeunesse est bien la seule génération raisonnable. Raisonnable parce que flétrie, raisonnable parce qu’elle a été forcée à abdiquer ses rêves et ses espoirs.

Prenons les mythes fondateurs de la classe moyenne occidentale : études, ascension sociale, accès à la propriété, tous trois formaient les piliers d’un contrat civil basé sur la confiance en l’avenir, tous trois sont brisés. On nous rétorquera qu’il n’est pas bon de nous comparer aux générations des Trente glorieuses, trop chanceuses, alors imaginons ce qu’a vécu un jeune des années quatre vingt-dix.

Des emplois au rabais…

La voie royale des études semble bien encombrée depuis. Alors qu’au début des années 1990, 21% d’une classe d’âge déclarait avoir un diplôme de l’enseignement supérieur, ce chiffre est passé à 44% en 2009[1]. Progression salutaire mais qui n’a été suivie d’aucune des promesses qu’elle recelait.

En 2010, un jeune sur cinq (19%) de 25 à 29 ans ayant terminé ses études initiales et ne suivant pas une autre formation était chômeur ou inactif[2]. Quarante ans de chômage de masse auront donc réussi à le rendre anodin. Et quand il prend fin, il laisse place à des formes d’emplois précaires – stages, intérim -  donnant au CDI le doux parfum d’une maturité arrachée de haute lutte. Selon l’INSEE, le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 24 ans atteint 22,5 % quand celui de la population métropolitaine est de 13,5%. Le rapport statistique du Secours Catholique 2010 publié la semaine dernière dressait ce constat "les jeunes sont plus diplômés et plus qualifiés que les générations précédentes et pourtant "plus précaires".

Que les jeunes Français se rassurent, ils ne sont pas seuls. Le très sérieux journal britannique The Guardian a ainsi révélé au début du mois un rapport des parlementaires britanniques s’alarmant de la hausse des stages non payés au Royaume-Uni alors même qu’une loi de 1999 rend obligatoire la rémunération des stagiaires de 21 ans et plus. En Espagne on les appelle les mileuristas, ces diplômés trentenaires gagnant 1.000 euros par mois. En Allemagne 28% des moins de 35 ans n'ont jamais connu de contrats à durée indéterminée (CDI), alors même le nombre de chômeurs à 2,8 millions n’a jamais été aussi bas depuis 1990. Aucun raison donc d’accroître le taux de natalité le plus faible d’Europe. 

…pour des études payées au prix fort

Alors on dira que le système d’enseignement supérieur français n’est pas la hauteur, qu’il devrait avoir plus de ressources. Et c’est vrai. Il faut donc lui donner les moyens de ses ambitions et lui permettre de rivaliser avec ses concurrents mondiaux. C’est pour cela que le gouvernement réfléchit à augmenter les frais de scolarité. Après tout, les étudiants paieront. Son homologue anglais a bien doublé les frais d’inscription des universités l’année dernière. Pas de quoi s’inquiéter selon David Willetts, le ministre de l’enseignement supérieur "Tout le monde remboursera des crédits moindres, une fois entré dans la vie active". Et pourtant, de l’autre côté de l’Atlantique, il y a deux semaines, l’administration Obama n’a eu d’autre choix que d’annoncer un plan de secours pour garantir les prêts étudiants. Parce que l’endettement porté par les jeunes au titre du financement de leurs études y a augmenté de 511% en une décennie et qu’il représenterait désormais 1.000 milliards de dollars soit 8% du total de l’endettement privé des individus américains, parce que le chômage stage à 9% et que sans emploi, il paraît difficile de rembourser de telles sommes.

Les étudiants les plus qualifiés se croyaient encore protégés. Las, la dernière annonce de restructuration du groupe Peugeot montre que les emplois les plus qualifiés, ingénieur, recherche et développement, font désormais partie du wagon. Perspective de carrière se conjugue avec expatriation. Mais pour combien de temps ? Les pays en développement ont eux aussi une jeunesse qui étudie et ne saurait tarder à prendre ses propres responsabilités.

Le mirage de la propriété

Quant au logement, dernier pilier du contrat de génération, il n’a pu supporter la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier dans les années 2000. Selon Louis Chauvel, se basant sur des sources INSEE, de 1996 à 2009, le revenu disponible par ménage a augmenté de 34%, alors que dans le même temps les prix des logements s'envolaient de 130%. Les propriétaires d’appartement achetés après le krach de 1990 ont profité d’une plus value confortable tandis que le marché immobilier s’est complètement fermé aux primo-accédant dans les plus grandes villes. Pour preuve, seulement 11% des acheteurs de biens immobiliers avaient moins de 30 ans en 2011 contre 32% en 2007.

Cette rupture du contrat de génération est fruit d’un choix délibéré de la part de nos responsables politiques. Les jeunes, mauvais électeurs qu’ils sont, n’ont pas fini d’en payer le prix.



[1] http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Publications/08/2/EESR10_WEB_17-20_niveau_insertion_sup_167082.pdf

[2] http://www.emploi.gouv.fr/_pdf/dares2011_039.pdf

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