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Photomaniaques : mais pourquoi n’arrivons-nous pas à nous empêcher de prendre des clichés qui sont déjà dans nos smartphones ?
©Dibyangshu SARKAR / AFP

#BalanceTaPhoto

Chaque événement majeur, chaque monument a un point commun : il sera rempli de gens vissés à leur smartphone se concentrant sur la prise de photos. Un comportement pas si illogique que ça.

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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D'où provient cet instinct quasi-primaire de capturer et de conserver toute image de monument ou de paysage, alors que de semblables existent déjà sur internet, souvent bien meilleures ?

Nathalie Nadaud-Albertini : Il y a d'abord dans ce comportement une envie de dire dans certains événements : "j'y étais". Par exemple à la Coupe du Monde, on prend des photos pour montrer qu'on était sur les lieux d'un événement collectif fort, par un angle non-professionnel.

Lorsque l'on trouve des photos professionnelles, certes mieux réalisées, ce n'est pas la façon dont on va percevoir le bâtiment ou l'événement au niveau personnel. Notre photo montre un point de vue plus intime. C'est une façon d'ancrer sur un support un rapport singulier à cet événement, de matérialiser son point de vue. La qualité d'une photographie professionnelle peut donner un caractère quasi-neutre à l'image, elle ne représente ni vos affects ni vos émotions. A contrario lorsque vous la prenez vous-même, la photo vous rappelle ce moment que vous vivez parfois avec d'autres personnes. C'est donc une façon de fixer dans sa mémoire cet événement.

L'action-même de prendre en photo un monument souligne auprès des autres que c'est un événement vécu ensemble, ce qui créé du lien. C'est donc à la fois un rapport personnel au moment et au bâtiment mais c'est aussi un rapport aux personnes avec qui l'on est à cet instant.

Est-ce un comportement fondamentalement nouveau de prendre ces photos et de ne pas les regarder plus tard ? Le point le plus important est-il la prise de la photo en elle-même ou la conservation ?

Ça n'est effectivement pas nouveau et les deux points sont tout aussi importants. Pour que cela marche, nous n'avons pas besoin de la regarder. L'acte de prendre la photo symbolise sa fixation et l'acte de la conserver nous permet de savoir que la possibilité de la regarder existe. Ces deux actions suffisent.

Cette pratique est-elle directement reliée à notre époque des réseaux sociaux ?

Cela a toujours existé. Même avant l'apparition des smartphones, nous avions tous une connaissance qui avait la manie de prendre des photos en permanence : de sa maison, de sa vie quotidienne, des gens qu'il rencontre. Ce type de personne a toujours pris par exemple en photo les gens parce que pour lui c'était important, c'était de l'ordre de ce que j'expliquais auparavant.

Mais tout le monde n'avait pas la possibilité ni l'habitude de se promener en permanence avec un appareil photo. Les smartphones ont changé la donne et tout le monde possède en permanence un appareil photo sans besoin de posséder les compétences photographiques nécessaires auparavant.

Le besoin de fixer des événements, d'exprimer du lien, c'est quelque chose que l'on a tous. Mais il fallait autrefois faire la démarche d'acheter un appareil photo et de se promener avec. La technique permet désormais la généralisation d'un phénomène qui existait déjà avant. 

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