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Pétrole : réduction de la production et hausse soutenue de la demande, jusqu’où le prix du baril peut-il monter ?
©Reuters

Questions d'approvisionnement

Les prix du pétrole connaissent une forte hausse depuis le mois de juin. Le prince héritier d'Arabie Saoudite entend cependant réduire la production d'hydrocarbures. Les demandes de pétrole restent assez stables pour l'Occident.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Après une hausse de près de 30% depuis le mois de juin dernier, le prix du pétrole s'affiche désormais à 59$. De plus, dans une interview donnée à Bloomberg, Mohammed ben Salman, prince héritier de l'Arabie saoudite a pu indiquer son intention de participer à la réduction de production pour l'année 2018 prévue dans le cadre de l'OPEP. Autre facteur favorable, la banque Goldman Sachs indique que "les marchés des matières premières font face à la plus forte demande depuis plus d'une décennie". En quoi l'ensemble de ces facteurs pourrait-il être à même de soutenir les cours ?  

Stephan Silvestre : La tendance haussière actuelle s’explique par une diminution des stocks mondiaux de pétrole durant l’année, qui est la conséquence des quotas de production décidés conjointement par l’OPEP (l’Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe) et la Russie. Après deux années de cours plus bas que l’Arabie Saoudite n’avait pas souhaité, celle-ci s’efforce désespérément d’en reprendre le contrôle dans la perspective de l’introduction en bourse d’une partie du capital du géant Saudi Aramco, dont elle espère tirer un maximum pour renflouer ses comptes publics. La demande est en effet soutenue en ce moment sur les matières premières, en particulier sur les métaux et plusieurs matières premières agricoles. En revanche, sur le pétrole, elle est plutôt stable, autour de 99 millions de barils par jour. Plus précisément, elle reste haussière en Asie, mais baissière en Occident.

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Quelles sont les limites de cette hausse ? Quels sont les facteurs qui pourraient permettre de fixer un "plafond" à la hausse actuelle des cours ?

Le premier se trouve du côté de l’offre, aux États-Unis. Les investissements en production de pétrole de schiste ont été très soutenus depuis fin 2016 et la production ne cesse de croître. La perspective d’un baril à 60$ (le WTI n’est encore qu’à 52$ aux États-Unis) ne va pas manquer d’attiser l’appétit du secteur pétrolier, qui sait maintenant produire bien en-dessous de ce cours. Beaucoup de producteurs, éreintés par les cours bas, n’attendaient que cette occasion pour se refaire. Il est donc peu probables que les cours s’envolent au-delà de 60$ pour le WTI (quelques dollars de plus pour le Brent) en 2018. Par ailleurs, la demande pourrait se tasser plus rapidement que prévu en Asie, surtout en Chine. La récente annonce de Pékin sur le développement des véhicules électriques à marche forcée a donné un signal fort au marché. Le gouvernement chinois est conscient qu’il ne pourra pas laisser circuler dans ses villes 200 millions de nouvelles voitures thermiques au cours des dix prochaines années et qu’il va lui falloir inverser la tendance. Et si le marché chinois bascule massivement à l’électrique, les autres marchés lui emboîteront le pas. Autant dire que le pari saoudien est loin d’être gagné.

Sur le moyen ou le long terme, les fondamentaux du marché du pétrole pourraient-ils conduire à battre des records, ou est-ce que les prix connus il y a maintenant 10 ans semblent hors d'atteinte ? Quels sont les pays producteurs les plus "défavorisés" par un cours ne pouvant dépasser les seuils connus actuellement ?

Avec le pétrole, comme avec les autres matières premières, on n’est jamais à l’abri d’un emballement. Cependant, un pic à 100$, voire 120$ comme en 2008, est irréaliste. À cette époque, le marché misait sur la surchauffe de l’économie chinoise (la croissance chinoise avait été de 14% en 2007) et le gouvernement chinois avait lui-même nourri la spéculation en achetant massivement du pétrole pour le stocker. Le seuil de 80$ est même extrêmement improbable pour les raisons que je viens d’évoquer. C’est une mauvaise nouvelle pour les plus gros producteurs (Arabie Saoudite et Russie), mais c’est une encore plus mauvaise nouvelle pour de nombreux émergeants qui n’ont que cette ressource pour alimenter leurs finances publiques indigentes : le Venezuela, l’Irak, le Nigeria, l’Angola ou l’Algérie. C’est aussi le cas de l’Iran, qui bénéficie d’une économie un peu plus diversifiée, mais qui a toujours construit ses budgets sur des cours surestimés. Ces pays ont intérêt à trouver rapidement des solutions pour diversifier leurs économies. 

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