Petit tableau de l’humeur des Français à travers le box office 2023 et les Césars attribués<!-- --> | Atlantico.fr
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Christopher Nolan a reçu hier un César d'honneur.
Christopher Nolan a reçu hier un César d'honneur.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Cinéma

La 49e cérémonie des César s'est tenue à l'Olympia, à Paris, vendredi soir.

Angélique Roche

Angélique Roche

Angélique Roche est professeure agrégée de Lettres Modernes, spécialisée dans l’étude du cinéma (enseignante et formatrice). 

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Atlantico : Les premières places du box offices 2023 sont occupées par des films assez légers. Qu'est-ce que cela dit de l'humeur des français ? 

Angélique Roche : Les films du box-office 2023 ont une légèreté révélatrice d’une volonté de divertissement, d’oubli du monde appesanti par la crise, les guerres, le terrorisme. La morosité ambiante nourrit les besoins cathartiques du rire ou du sourire dans la salle de cinéma. La sortie est une bouffée d’oxygène que l’on s’offre pour se changer les idées et non plus réfléchir. L’émotion doit être directe, immédiate et apporter la bonne adrénaline qui nous fera oublier les annonces pesantes des médias. Ne nous étonnons donc pas si on cherche à voir Indiana Jones, Astérix et Barbie. L’humeur des français est atteinte, le moral en berne, il faut donc fuir au cinéma et moins engager la réflexion et le débat dans une fiction complexe qui nous éloignerait de l’objectif premier : fuir pour oublier la cruauté du monde, l’âpreté du réel. Le public du samedi soir se lasserait-il d’une programmation répétitive autour des angoisses climatiques, de l’explosion des familles, des questions d’identité et de genre ? Face aux redites scénaristiques martelantes et angoissantes, la réponse est la légèreté qui ne fait pas de mal.

Est-ce que le palmarès des César est en adéquation avec l'opinion publique française ?

Le palmarès des Césars est en totale adéquation avec l’opinion publique française, à commencer par cette volonté de mettre la femme au premier plan et sous différentes facettes de revendication qui en feront les gagnantes de cette soirée ! Il s’agit de réparer une société brisée par les inégalités et de créer « une chaîne de femmes » susceptible de transmettre aux générations futures le droit à la parole, à la création, à la liberté. Le discours de Judith Godrèche, très applaudi, s’adresse aux enfants dans le silence et au chaperon rouge, aux jeunes femmes que le cinéma n’exploitera plus pour être l’alibi d’un trafic de filles. Des cris de vérité poignants qui révèlent selon l’actrice, un besoin d’humanité. Car c’est bien elle dont il est question à travers les films récompensés par l’académie : le règne animal questionne notre humanité à travers notre relation avec la nature qu’il faut rebâtir  mais replace en grand angle notre regard sur la différence dans cette nouvelle génération d’êtres hybrides qui accèdent à l’animalité et avec laquelle il faudra vivre sans stigmatisation. La métamorphose interroge l’être nouveau que notre regard façonne. Nous changeons aussi devant ces mutants du monde de demain ! Voilà de quoi nourrir une autre préoccupation actuelle : créer un humain meilleur, soucieux d’égalité et de bienveillance, qui accède à un avenir plein d’espoir. Les acteurs qui s’expriment rêvent d’un monde à la John Lennon que la belle Golshifteh Farahani chantonne, où justice, rejet des inégalités, feront de nous un seul être, uni, en quête de paix. Que de belles pensées devant des films qui abordent les violences familiales et conjugales, une terrible épidémie qui nous animalise alors même que le cinéma devient un outil de rapprochement mais aussi de guérison ! Les éléments de langage ont changé : le cinéma dénonce les abus et les préjugés pour réparer et créer un monde plus beau. Des chemins différents se rejoignent entend-t-on dans la soirée et on a envie d’y croire. Tous ces bons sentiments sont le reflet d’une société blessée  que le cinéma nourrit par ses expressions engagées et son regard politique, prévisible et démagogique à souhait !              

Qu'est-ce que vous avez pensé de la cérémonie des César ? 

Cette cérémonie a retrouvé cependant la tenue qu’elle avait perdue, meurtrie par un confinement qui l’avait mise à terre. Les voix se sont réunies pour clamer la nécessaire libération de la parole; ainsi le cinéma qui a permis tant d’emprise masculine toxique, devient un moyen de tuer le monstre qu’il a engendré. Le discours de présentation des catégories nominées s’orientait inévitablement dans la revendication sociétale pour défendre œuvre et pensée collectives quand au final les femmes prennent la main. On nous répète à l’envi que ce sont des femmes qui dirigent des actrices au nom de la parité dans la création. Le cinéma ne deviendrait-il pas un cinéma de femmes où Paul Mirabel serait la doublure de Virginie Efira ? Belle soirée en dépit d’un certain martèlement quand le César d’honneur est donné au grand Christopher Nolan quand le sourire de Jane B crève l’écran ! Cette 49e cérémonie était féministe prônant l’égalité des chances, la pensée critique et une certaine conception de la France. Le grand mot a été entendu quelque fois dans la soirée et ce fut rassurant. Nous sommes en France et à Paris à Paris qui est sur la terre dirait Prévert, où la guerre fait rage, il en sera question dans un engagement non caché autour du conflit israélo-palestinien, on évoque moins l’Ukraine cependant …. Mais on ironise dès le lever de rideau quand Valérie Lemercier présidente de cérémonie chante « Si j’étais président … » Le ton est donné mais le rêve humaniste de réconciliation des hommes et des femmes, des peuples et des cultures atteindra un universalisme quasi hors d’atteinte ! 

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