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Perspectives économiques 2015 : pourquoi le gouvernement a tué tout espoir de reprise
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Dans la boule de cristal d’Atlantico

Pour l'économiste Gilles Saint-Paul, même si une amélioration conjoncturelle n'est pas à exclure, les insuffisances de la politique du gouvernement en faveur des entreprises, et ses incohérences, empêcheront cette reprise d'aller très loin.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Le gouvernement a quelques raisons d’espérer que la conjoncture s’améliore en 2015. Les développements extérieurs sont favorables, avec notamment la reprise aux Etats-Unis, la baisse de l’Euro, et la chute des prix du pétrole. De plus, certaines mesures incitatives comme le CICE atteindront leur régime de croisière en 2015. Le gouvernement pourrait même espérer crier victoire car la fameuse "courbe du chômage" pourrait bien s’inverser à la fin de l’année.

Mais ce chemin vers le rétablissement est semé d’embûches. La politique budgétaire n’a pas été assainie, malgré deux ans de matraquage fiscal à l’encontre des classes moyennes. Le déficit restera élevé et le gouvernement pense, et il a sans doute raison, que la Commission de Bruxelles s’abstiendra d’imposer des sanctions, car ce serait crier au loup et cela risquerait de relancer la crise de la dette souveraine en zone Euro. La commission utilisera les réformettes de la loi Macron comme prétexte pour ne pas agir, ou du moins pour rester dans l’ambigüité. D’autant que les incertitudes politiques dans les pays voisins constituent un motif suffisant d’inquiétude.

Tant que les taux restent bas, la Commission est prise en otage et n’est pas en mesure d’imposer une discipline fiscale à la France, parce qu’en sortant les griffes elle risque de faire remonter les taux et de mettre en danger l’Euro. Mais le gouvernement français est lui-même l’otage de ces taux bas ; s’ils remontent de deux points, par exemple, cela enclencherait une dynamique explosive de la dette qui contraindrait le gouvernement à une sévère contraction fiscale s’il désirait l’éviter. Or les taux peuvent remonter pour plusieurs raisons. Les rendements américains sur la dette à long terme sont nettement plus élevés alors même que l’euro se déprécie par rapport au dollar. Les mouvements de capitaux vers les Etats-Unis pourraient donc forcer une remontée des taux. Il est également possible que les marchés reconsidèrent la solvabilité des Etats de la zone Euro. L’engagement de la BCE à racheter des titres joue un rôle important dans le maintien de taux bas, mais ce n’est pas la panacée. En effet, cette posture détruit toute discipline budgétaire chez les Etats membres ; cela signifie, à terme, une politique monétaire contrainte de monétiser des déficits toujours plus élevés, et donc que l’euro deviendra une monnaie faible. Ce qui réduit la rentabilité de titres libellés en euros, et donc implique que, pour compenser cela, les taux doivent remonter. Par ailleurs, on conçoit également que les Allemands ne s’accommoderont pas facilement d’une monnaie faible.

Pour conclure, si une amélioration conjoncturelle est possible, je doute qu’elle aille très loin. Les politiques d’offre ont été insuffisantes, et surtout incohérentes.  Certes, on s’attaque aux professions réglementées, au transport par autocar, et à l’ouverture des magasins le dimanche. Mais rien n’est fait pour assurer le financement des retraites, réduire la taille du secteur public en accroissant son efficacité, ou revenir sur des conventions collectives négociées par des syndicats qui ne représentent pratiquement personne. On conçoit que ces enjeux sont mille fois plus importants que les problèmes traités par la loi Macron. Et les mesures nouvelles qui grèvent la liberté et la compétitivité des entreprises ne manquent pas, comme l’interdiction du travail à mi-temps, qui serait inconcevable dans un pays libre, ou la mise en œuvre soviétique du compte pénibilité.

Dans cet environnement hostile, beaucoup d’entreprises font le dos rond et attendent des jours meilleurs, ce qui réduit l’efficacité des mesures positives telles que le CICE. Celui-ci préserve des emplois en améliorant la trésorerie des firmes en difficulté, mais il est peu probable qu’il en crée beaucoup de nouveaux. Au final, le gouvernement aura oscillé entre brejnevisme – le verrouillage d’un système qui est en train de craquer – et gorbatchevisme – la tentative de le réformer graduellement sans s’attaquer à ses vices fondamentaux.

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