Pénurie de médecins : les délais pour obtenir des rendez-vous médicaux s’allongent encore<!-- --> | Atlantico.fr
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Jeune femme s'entretenant avec un médecin avant de recevoir une dose de vaccin Pfizer en Corse, mai 2021.
Jeune femme s'entretenant avec un médecin avant de recevoir une dose de vaccin Pfizer en Corse, mai 2021.
©Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP

Pénurie de médecins

Depuis quelques mois, il est de plus en plus compliqué de trouver un médecin généraliste ou spécialiste. Un problème qui ne concerne pas seulement les territoires ruraux. Comment expliquer ce phénomène ?

Yvon Le Flohic

Yvon Le Flohic

Yvon Le Flohic est médecin généraliste en secteur 1 il est élu aux URPS (Union Régionale des Professions de Santé) de Bretagne, et ancien président de l'Association des Gardes et de la Maison de Garde de Saint Brieuc.

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Depuis quelques mois, de nombreux patients témoignent leur difficulté à trouver un médecin généraliste ou de décrocher un rendez-vous chez un spécialiste. Que pose-t-il problème actuellement ? Connaissons-nous une pénurie de médecins ? 

Yvon le Flohic: Cela dépend des territoires mais il y a des pénuries. Il y a des endroits ou pour trouver un dentiste, un gynéco, un dermato, un médecin généraliste , c’est devenu quasiment impossible. La première raison est que les jeunes ne s’installent pas. Les statistiques montrent qu’un à deux jeunes sur dix diplômés qui s’installent. Alors qu ‘en fin d’études ils souhaitent majoritairement s’installer. Les autres font des remplacements, prennent des emplois salariés, partent à l’étranger. A mon sens, les jeunes, pas seulement les médecins, n’ont pas envie de suivre le modèle du XXe siècle et de s’installer pour devenir des notables de province. L’arbitrage entre travail et vie personnelle n’est plus le même qu’il y a 20 ans. Les conjoints ne joueront plus le rôle de supplétif (secrétaire, comptable…) Et le travail est devenu plus « maltraitant » qu’il y a 20 ans. En médecine libérale, il y a des charges importantes et il faut travailler dur pour bien gagner sa vie. De plus, les contraintes administratives se multiplient, avec des demandes toujours plus délirantes. Des contrôles qui peuvent sembler justifier mais partent de travers (délits statistiques) . En raison du Covid, une aide avait été proposée pour les médecins ayant perdu de l’activité pendant les confinements (Dispositif d'Indemnisation de Perte d'Activité des médecins libéraux) mais ils ont revu le calcul de leur aide près d’un an plus tard, ce qui a forcé à rendre des trop perçus. Il y a un non-respect de la médecine de ville. Il est visible également dans le fait que les propositions de nous soulager ne portent que sur l ‘activité médicale, pas sur l'activité administrative.

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Les villes moyennes sont-elles particulièrement touchées ?

Le problème est général. J’en ai encore vu un exemple à Nanterre et Paris est également en voie de désertification massive. Le nombre de départs, comparé au nombre d’arrivées, est dramatique. Donc c’est vraiment un problème global. 

La crise sanitaire a-t-elle aggravé le problème ? 

Cela fait des années que nous soulignons le problème et que les seules réponses que nous avons c’est de faire faire notre travail par d’autres. Il faut essayer de comprendre pourquoi les jeunes ne s’installent pas. On peut toujours dire qu’on supprime le numerus clausus, mais ça ne règlera pas le problème des médecins qui ne s’installent pas. 

Comment pouvons-nous remédier à ce problème ? Cela pourrait-il se faire rapidement ?

C’est probable que la situation s’aggrave, surtout si on fait fuir ceux qui sont encore là. Les projections montrent que le problème va s’aggraver. Mais il y a deux problèmes, celui de ceux qui ne s’installent pas, et pourraient encore moins s’installer et celui de ceux qui peuvent partir à l’étranger ou quitter le métier, cela risque d’arriver, avec un effet domino.

Le problème est que si la situation perdurant, les problématiques se reportent sur l’hôpital. Mais celui-ci ne pourra pas faire face. Les hôpitaux ne peuvent pas voir autant de patients que les médecins de ville car ils ont aussi à s’occuper des lits d’hôpitaux, des prescriptions, etc. En nombre de consultations par semaine, l’hôpital ne peut pas assurer autant en volume que la médecine de ville. Ce n’est d’ailleurs pas leur boulot. 

Il est possible qu’il soit trop tard pour réagir. Certaines collectivités se lancent dans le salariat de la médecine, mais cela couterait cher à la collectivité de l’étendre. Il faudrait bien sûr améliorer l’attractivité de la médecine de ville, diminuer le temps administratif et libérer du temps médical. Lorsqu’on fait de la délégation, c’est du travail médical, pas de l’administratif. 

La télémédecine est envisagée comme une solution, mais c’est un mode d exercice qui empêche la pratique clinique (examen clinique) et peut rompre le lien auquel les patients sont attachés ; elle a des intérêts pour certaines problématiques mais ne peut résoudre celle de la désertification. De plus il faut bien quelqu ‘un “au bout du tuyau” et là encore , méfions de ne pas créer des activités de niche qui désincitent l'installation. 

Il y a également un travail à effectuer sur ce gap entre désir d'installation en fin d’études et réalité concrète ; les étudiants sont très mal préparés et informés concernant l'installation, et la gestion d’une activité libérale.

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