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Pendant que  François Hollande nous explique que “ça va mieux”, les chiffres de l’INSEE dévoilent les vraies faiblesses du système français…
©Reuters

L'édito de Jean-Marc Sylvestre

Quand l’Insee dit "l'horizon s'éclaircit pour la France", l'Insee ne dit pas que ça aurait pu aller tellement mieux. Quel gâchis ! Quel temps perdu ! Les candidats à la présidentielle devraient apprendre par cœur ce document.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les candidats à la présidentielle devraient apprendre par cœur la dernière note de conjoncture de l'Insee parce qu'elle véhicule, en creux, tout ce qui ne va pas et qu'on a raté, et nous dit ce qu'il faudrait faire pour se désembourber.

L'horizon s 'éclaircit, oui ! Sur la croissance, sur le chômage et sur le pouvoir d'achat. Donc ça va mieux et le président de la République ne va pas manquer de le faire rabâcher par son entourage. Cela dit, c'est Winston Churchill qui disait "je n'ai confiance que dans la statistique que j'ai moi-même trafiquée"Alors l'Insee ne trafique rien, mais le président de la République ne regarde que la partie visible de l'iceberg. La réalité est affligeante.

Elle est affligeante parce que contrairement à ce que beaucoup d'économistes pensent, le diagnostic qui avait été fait au départ par François Hollande n'était pas erroné. Mais les leçons qu'il en a tirées et la politique qu'il a mise en œuvre ont été désastreuses.

En bref, François Hollande a, dès le départ de son quinquennat, pensé que l'économie développe des cycles plus ou moins longs, ce qui veut dire qu'après une dépression, celle de 2009-2010, l'économie française connaîtrait une phase de remise en ordre et une reprise. Il pensait que le cycle reproduirait le scénario de 1990-96. Il avait raison, sauf que pour des facteurs politiques et idéologiques stupides, il a littéralement étouffé l'activité. Rigueur, austérité, sur-fiscalité, chasse aux riches... Quand il s'est réveillé deux ans plus tard et qu'il a reconnu que la France avait un déficit d'offre, il a réagi de façon presque clandestine et n'a pas laissé à Manuel Valls la liberté d'aller au bout d'une logique libérale.

Résultat : l'Insee nous dit aujourd'hui que l'économie française respire encore, mais elle n'est plus dans la course. Plus intéressant, on comprend très clairement ce qu'il faudrait faire pour revenir dans le jeu.

1) La croissance s'accélère... Oui, mais pas assez. L'Insee prévoit une accélération de la croissance en France en 2016 à 1,6% après avoir réalisé 1,2% en 2015. Alors ça va mieux, dit la gouvernance, mais c'est ridicule comme performance, l'écart ne sera donc que de 0,4%.

De qui se moque-t-on ? 0,4%, c'est en gros la marge d'erreur de la statistique. Et 0,4% quand on a bénéficié depuis 2 ans des avantages extérieurs les plus extraordinaires depuis 20 ans, avec des taux d'intérêt proches de zéro, un euro qui a baissé, des tonnes de liquidités déversées dans le système par la BCE et pour couronner le tout, un prix du pétrole qui s'est effondré, ce qui a représenté une restitution de 50 milliards d'euros pour les agents économiques. Mais qu'a-t- on fait de cette manne ? Où est-elle ? En théorie, cette conjoncture hyper favorable aurait dû nous propulser en croissance à plus de 3%, et avec 3% de croissance tous nos problèmes étaient réglés. Alors pourquoi ?

Tout simplement parce que l'appareil de production français n'a pas été capable de capter la demande venue de l'extérieur en 2015 et, plus grave, n'a pas été capable de répondre à la demande interne en 2016. Le résultat, c'est que cette demande n'a pu se réaliser qu'avec des importations de produits étrangers. La balance commerciale a creusé son déficit. Les produits étrangers ont été considérés comme de meilleure qualité et moins chers.

La vraie question qu'il eut fallu se poser à ce moment-là est la suivante : pourquoi l'appareil de production est-il incapable de répondre à cette demande ?

- Question de prix ? Oui

- Question de qualité ? Oui

- Question d'originalité ? Oui

- Question d'organisation ? Oui

- Question d'environnement administratif et fiscal décourageant ? Oui

Tant que la majorité socialiste et tant que la culture dominante en France n'admettra pas que les acteurs du jeu de la croissance sont avant tout les chefs d'entreprise et qu'ils ont besoin de liberté, le pays ne pourra pas se relever.

2) Le taux de chômage va baisser de 0,4% d'ici 2016. Pour les amis du pouvoir, c'est formidable, ils vont donc nous répéter que la courbe s'est inversée, que le président avait raison de croire dans sa théorie du cycle, etc. Sans doute, et ça n'est pas nouveau. Mieux, on s'aperçoit que les jeunes diplômés trouvent aujourd'hui plus vite des jobs qui leur correspondent qu'il y a deux ans. Le flux d'expatriés jeunes, des bacs +5, va peut-être se ralentir. Bien, tant mieux.

Sauf qu'en montrant ces chiffres, l'Insee indique aussi en creux que le taux de chômage français reste à 10% en moyenne avec des pointes à 30% chez les jeunes. En clair, ça marche un peu mieux chez les seniors, ça marche réellement mieux chez les jeunes très formés, mais ça continue de se détériorer chez les jeunes qui n'ont pas de formation.

Ça prouve bien que notre appareil de formation ne fonctionne pas. Il coûte de plus en plus cher. La ministre de l'Education nationale a beau nous annoncer des progressions d'effectifs et des primes de toute sorte, le système n'est pas plus efficace qu'avant. Il ne produit pas des jeunes qui soient employables. Il y a quand même un problème gravissime.

On ne peut pas déverser des tonnes de milliards (100 milliard d'euros par an de plus qu'en Allemagne) dans une administration qui fabrique des chômeurs. Ce n'est pas un problème politique ou idéologique, c'est surtout un problème d'organisation et de management. Si l'Education nationale était une entreprise, elle serait obligée de se préoccuper de ses clients, de ses méthodes et de la compétence de ses personnels.

3) Il faudrait produire français. Bien sûr. Le made in France, c'est la grande idée, une telle logique propagée par des gens aussi divers qu'Arnaud Montebourg ou Florian Philippot du FN ne tient pas la route une seconde s'il n'y a pas un modèle économique et un écosystème fiscal et administratif correspondant. Le monde entier achète des voitures allemandes, non pas parce qu'elles sont moins chères, mais parce qu'elles sont considérées par le client comme les meilleures.

Peut-on obliger les consommateurs à acheter français ? Le patron du système, c'est le client, n'en déplaise à Jean-Luc Mélenchon ou Florian Philippot. Alors on peut toujours fermer les frontières ou mettre en prison les consommateurs qui trahiraient l'industrie nationale. Ce qui est étonnant et que personne ne veut voir, c'est que nous avons une balance commerciale déficitaire, ce qui veut dire que la croissance de la demande profite surtout aux importations... Mais en revanche, ce que personne ne relève, c'est que nous avons une balance des paiements positives.

Or, la balance des paiements c'est la balance commerciale (import / export de produits) à laquelle on ajoute l'import/export des services. C'est-à-dire le produit des activités de tourisme et de l'industrie financière à l'étranger. L'industrie financière que François Hollande voulait tuer (notre ennemi), c'est l'industrie qui rapporte le plus de devises à la collectivité. AXA, BNP, Crédit agricole, Société Générale, sont dans leur domaine des champions en matière d'exportations et d'emplois.

L'industrie qui crée le plus d'emplois et qui est championne du monde dans sa catégorie, c'est l'industrie du tourisme. La France est le pays qui accueille le plus grand nombre de visiteurs par an... Mais ça n'est pas chez nous que le visiteur reste le plus longtemps et dépense le plus d'argent. Cherchez l'erreur !

La France comble ses touristes avec la Tour Effel et le château de Versailles, avec l'Opéra ou les Folies bergères, le Club-Med ou Center-Parcs, mais la France réussit cet exploit de décourager le même touriste de rester parce que nos rues sont périodiquement jonchée d'ordures, parce que les magasins sont fermés le dimanche, parce qu'il y a des manifestations ou des grèves un jour sur deux, et parce que les 2/3 des Français sont encore réfractaires aux langues étrangères.

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