Pékin a-t-il honte de ses ressortissants en goguette à l’étranger ?<!-- --> | Atlantico.fr
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n Égypte un jeune homme de 15 ans a tagué un mur du temple de Louxor vieux de 3500 ans.
n Égypte un jeune homme de 15 ans a tagué un mur du temple de Louxor vieux de 3500 ans.
©Reuters

Ce plouc que je ne saurais voir

En Égypte, un jeune Chinois de quinze ans a endommagé une décoration du temple de Louxor en y apposant un graffiti. De plus en plus de professionnels du tourisme se plaignent du comportement de ces nouveaux touristes jugés sales, désagréables ou arrogants. Simple choc des cultures ?

Benjamin  Taunay

Benjamin Taunay

Benjamin Taunay est maître de conférences en géographie à l'Université d'Angers. Il est spécialiste des questions liées au tourisme dans la société chinoise contemporaine.

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Atlantico : En Égypte un jeune homme de 15 ans a tagué un mur du temple de Louxor vieux de 3500 ans. Une rumeur, largement reprise par plusieurs sites d'informations anglo-saxons, prétendait également qu'au Louvre, un panneau rappelait qu'il est interdit d'uriner ou de déféquer n'importe où (contacté à ce propos, le musée dément formellement). Grossièreté et hygiène douteuse sont-elles une spécificité plus marquée chez les touristes chinois, ou n'est-ce là qu'un cliché ?

Benjamin Taunay :Je pense que le cas de Louxor est exceptionnel, et on ne peut pas généraliser à partir de cela. A mon sens, ça n'a rien de chinois, on pourrait observer un cas similaire un peu partout. Je vois dans la polémique qui a été soulevé suite à cet acte la réactivation de la vieille peur du "péril jaune". Cela me fait penser à une caricature du début du XXe siècle qui montrait un Chinois égorgeant un étranger et où on appelait ça "barbarie", tandis que l'Européen égorgeant le Chinois était intitulé "civilisation". Quand on regarde la presse généraliste, la stratégie de développement chinoise est toujours vue comme une conquête, une main placée sur le monde.

Cependant, il est vrai que quand Hong-Kong a été rétrocédé à la Chine, dans le parc Disneyland, il y a avait des écriteaux "merci de ne pas s'allonger dans les pelouses" ou "merci de ne pas uriner partout". Ces panneaux ont disparu, mais c'était le regard que les Chinois inspiraient à ceux qui se pensaient les défenseurs du bon goût.

Ce qui est cependant vrai, c'est que de nombreux Chinois, même éduqués, se raclent bruyamment la gorge pour cracher dans la rue. L'autre élément c'est que quand vous allez par exemple dans un restaurant en Chine, c'est beaucoup plus bruyant. Il y a aussi chez les eux un certain côté ostentatoire (avec l'image classique du riche Chinois qui va dévaliser les magasins de l'aéroport) pour gagner de la considération sociale.

Existe-t-il vraiment un gouffre en terme d'éducation et de comportement entre la classe aisée chinoise – qui avait déjà accès au tourisme et qui ne posait pas de problèmes de ce type – et la nouvelle classe moyenne qui elle concentre les critiques des professionnels du tourisme ?

Pendant très longtemps en Chine, il était plus difficile d'obtenir un passeport qu'un visa. Les voyageurs étaient donc souvent des fonctionnaires de l'État-parti qui faisaient du tourisme sous couvert de voyages d'affaires. Il s'agissait donc de gens aisés et éduqués. On assiste maintenant à un développement en masse du tourisme chinois à l'étranger certes, mais je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de "classe moyenne" mais plutôt d'urbains aisés, qui sont aussi éduqués, ou à la rigueur de retraités qui vont en Europe faire le "voyage de leur vie" payé par leurs enfants ou petits-enfants. Il y a donc surtout, non pas un souci de classe, mais plutôt d'ouverture au monde d'un pays qui a été fermé aux influences étrangères tout au long du XXe siècle. Il y a donc nécessairement une question de temps d'adaptation.

Justement, est-ce que les Chinois vont rapidement lisser leur comportement sur les "standards" occidentaux, ou cela va-t-il prendre énormément de temps ?

Je pense qu'il y a quelque chose qui ne disparaîtra pas c'est le côté ostentatoire car voyager à l'étranger va rester encore pendant longtemps en Chine le fait d'une minorité. D'autant qu'en Chine, montrer que l'on fait du shopping, de manière très "visible" pour marquer une certaine réussite est quelque chose d'ancré dans la culture chinoise. Par contre, comme c'est une culture du réseau, au fur et à mesure que les gens vont aller à l'étranger et se parler les uns les autres entre Chinois, il va y avoir une prise en compte de référents qui ne sont pas les leurs (ne pas cracher par terre, faire un peu moins de bruit) et auxquels ils vont s'adapter petit à petit.

Ces comportements peuvent-ils donner l'image que les Chinois révèlent un fond de mépris pour le reste du monde, ou cela restera-t-il perçu comme de simples maladresses ?

Tant que la France et l'Europe n'auront pas regagné une croissance économique, et une vraie prospérité, on verra toujours d'un mauvais œil des gens qui arrivent et accèdent à une richesse très rapidement. Le problème n'est peut-être donc pas les Chinois mais ceux qui les regardent. On en revient toujours à la crainte d'un "péril jaune" venant d'un pays où de nouveaux millionnaires apparaissent chaque jour. 

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