Peines de probation : retour sur une lente dérive que la création de nouveaux postes d'agents de suivi ne pourra pas enrayer<!-- --> | Atlantico.fr
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"Christiane Taubira a renoncé à résoudre les problèmes de la surpopulation carcérale et de l’inexécution des peines par la construction indispensable d’au moins 20 000 nouvelles places de prison."
"Christiane Taubira a renoncé à résoudre les problèmes de la surpopulation carcérale et de l’inexécution des peines par la construction indispensable d’au moins 20 000 nouvelles places de prison."
©Reuters

Prison à la maison

Alors que la réforme pénale a été présentée en Conseil des ministres mercredi 9 octobre, le Premier ministre a annoncé sur Europe 1 la création de 1000 postes supplémentaires. Sans formation adéquate, l'augmentation du nombre d'agents de suivi ne suffira pourtant pas à diminuer le risque de récidive.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : Jean-Marc Ayrault a annoncé la création de 1000 postes supplémentaires pour la réforme pénale, avec l'objectif d'atteindre 40 dossiers par conseiller de probation et d'insertion. Ces moyens supplémentaires alloués vont-ils dans la bonne direction ?

Alexandre Giuglaris : C’est une bonne mesure car si l’on veut effectivement améliorer le suivi des personnes condamnées en milieu ouvert, il est incontestable qu’il faut augmenter le nombre d’agents chargés de ce suivi. L’étude d’impact de la loi pénitentiaire de 2009, cette loi était d’ailleurs assez proche de l’actuelle dans l’esprit, prévoyait un nombre d’embauches très important qui n’a pas été conduit. Il s’agit d’un point essentiel car si l’on veut que cette mesure soit un minimum crédible il faut des personnels pour réellement suivre avec fermeté les personnes sous probation.

Mais là aussi, il y a un biais que cette réforme ne va certainement pas résoudre, au contraire. C’est celle du recrutement et de la formation des agents de probation. Il faut que ceux-ci conçoivent leur métier, non pas comme celui d’un accompagnateur social mais avant tout comme celui d’un agent chargé de contrôler les actes des personnes condamnées et de s’assurer du suivi des obligations. Avec des agents non formés à la criminologie et pour certains ayant une vision angélique et laxiste de la criminalité et de leurs auteurs, la récidive ne risque pas de se réduire.  

Le développement des peines de probation constitue-t-il une vraie politique pénale ou simplement une réponse à l'engorgement des prisons ?

Ce n’est tout d’abord pas une nouveauté puisque la probation existe depuis plusieurs décennies, notamment avec le système de sursis avec mise à épreuve. Je crains que l’on ne mette en avant cette disposition que pour en occulter d’autres, bien plus dangereuses, comme la suppression des peines plancher ou la mise en place d’un système de libération quasi automatique à la moitié de la peine de prison.

Par ailleurs, vous avez raison, le principal défaut de cette réforme est que Christiane Taubira a renoncé à résoudre les problèmes de la surpopulation carcérale et de l’inexécution des peines par la construction indispensable d’au moins 20 000 nouvelles places de prison. Dès lors, il ne lui restait qu’une option, diminuer le nombre de détenus, ce à quoi ce projet dangereux s’emploie, au mépris du fait que les précédentes libérations massives de détenus se sont toutes accompagnées d’une augmentation très forte de la criminalité. La peine de probation et les dispositions laxistes à l’égard des récidivistes ne se comprennent qu’à l’aune de cette volonté de ne pas construire les places dont nous avons besoin.

A une certaine époque, les peines de probation servaient à punir de petites infractions. Peut-on parler de dérive de ce système ?

Il y a incontestablement un problème avec cette peine de probation, elle couvre un champ beaucoup trop large.Tous les délits pouvant être condamnés jusqu’à 5 ans de prison pourront dorénavant être sanctionnés d’une peine de probation. Mais il faut savoir que derrière ces termes techniques se cachent des condamnations pour agression sexuelle, violence conjugale ou sur mineur, vol avec violence. Tous ces délits sont très graves. L’Institut pour la Justice avait demandé à la garde des Sceaux, aux côtés de très nombreuses associations notamment de victimes, que les violences aux personnes soient exclues du champ de la probation. Nous n’avons pas été entendus par le gouvernement et c’est tout à fait regrettable car sur des questions de cette nature, un consensus, enfin un vrai, est nécessaire.

Dans certains cas, les peines de probation peuvent-elles se révéler efficaces ? Lesquels ?

Bien sûr. Il faudrait plutôt demander à des magistrats ou aux forces de sécurité. La probation devrait en priorité s’adresser aux mineurs primo-délinquants avant qu’ils n’entrent dans une éventuelle carrière criminelle. De même, on peut penser que les thérapies visant à soigner les addictions comme l’alcoolisme sont utiles. Mais là encore, il faut que le contrôle des obligations soit très strict. Sinon, cette mesure sera non seulement inefficace mais même facteur de récidive et d’impunité. S’il n’y a aucun suivi sérieux et de sanctions fortes en cas de non-respect des obligations, ce qui est déjà malheureusement souvent le cas avec les peines de sursis mises à l’épreuve ; cette loi aura définitivement ruiné la crédibilité de la justice, déjà largement mise à mal.

Propos recueillis parAlexandre Devecchio

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