Pas l’ombre d’une feuille de papier à cigarette entre eux et leur “mentor” ? : Gabriel Attal et Jordan Bardella tracent discrètement leur sillon idéologique<!-- --> | Atlantico.fr
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Jordan Bardella et Gabriel Attal, le 2 février 2023.
Jordan Bardella et Gabriel Attal, le 2 février 2023.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Chacun son couloir ?

Pour l’opinion publique, Gabriel Attal n’est pas fautif des politiques gouvernementales antérieures et Jordan Bardella n’a pas à supporter la charge de s’appeler Le Pen ramenant à ce qu’était le père ou aux échecs passés de la fille.

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès est président de Cap, enseignant à Sciences-Po Paris et auteur de "Chaos, essai sur les imaginaires des peuples", entretiens avec Arnaud Benedetti.

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Atlantico : Jordan Bardella et Gabriel Attal sont de jeunes politiques en haut de tableau des personnalités préférées des Français. Pourquoi ? Quelles sont leurs ressemblances et différences ?

Stéphane Rozès : Le fait d’être jeune, vous l’avez mentionné. La société française traverse une crise profonde. C’est la plus pessimiste parmi les pays développés de l’OCDE. Alors qu’elle tient ensemble en construisant son futur, elle voit son avenir se dérober. Alors qu’elle construit son avenir au travers de de la politique, elle rejette la classe politique. Pro-européenne, la nation voit son modèle remis en cause par la globalisation néolibérale et les gouvernances de l’Union européenne qui la relaient. Les responsabilités des jeunes Attal et Bardella sont la promesse que la France ne serait pas morte. En outre, cette nouvelle génération n’est pas comptable des illusions et fautes politiques des générations antérieures depuis trois décennies. Pour l’opinion publique, Gabriel Attal n’est pas fautif des politiques gouvernementales antérieures et Jordan Bardella n’a pas à supporter la charge de s’appeler Le Pen ramenant à ce qu’était le père ou aux échecs passés de la fille.

Attal vient de la bourgeoisie et est passé du PS au macronisme. Bardella vient d’un milieu populaire, n’a pas varié en termes de formation politique, mais il a épousé la mutation républicaine, sociale et nationale du RN opérée par Marine Le Pen. Attal a en charge la responsabilité gouvernementale, Bardella a le ministère de la parole.

L’un et l’autre ne cessent de répéter qu’il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes entre eux et leur mentor Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Comment Gabriel Attal se distingue-t-il d'Emmanuel Macron depuis son arrivée à Matignon ?

Les petites différences qui ont commencé à pointer entre eux ont des raisons institutionnelles et générationnelles. Gabriel Attal a été rue de Grenelle plus ferme en matière républicaine et de laïcité que le Président et a fortiori son prédécesseur wokiste. A Matignon, il a une parole plus libre et réaliste sur l’état de la France et ce qui devrait être fait notamment en matière agricole. Il est par la force des choses moins tenu par ce qui a été fait dans un passé récent sous la responsabilité présidentielle depuis plus de six ans. En outre chef de la majorité il va devoir rendre des comptes devant les citoyens. Ce n'est plus le cas du Président qui doit arriver à bon port jusqu’à la présidentielle et devra rendre des comptes devant l’Histoire et éventuellement la Commission européenne s’il voulait en prendre la présidence.  

Jordan Bardella a lancé officiellement la campagne du Rassemblement national dimanche avec un rassemblement à Marseille. N’y a-t-il pas des différences qui commencent à pointer ?

Elles seraient alors idéologiques. A Marseille, on a entendu pointer une petite musique identitariste semblant vouloir récupérer un électorat de Marion Maréchal et Eric Zemmour. Or la dynamique ascendante du RN de Marine Le Pen tient à sa ligne qui fait de souveraineté de la nation la condition de la République et de la préservation des rapports sociaux. Cette orientation est plus conforme au point d’équilibre actuel de l’imaginaire français. Ce dernier connait une crise non identitaire et civilisationnelle venant d’un éloignement du passé mais d’une panne d’avenir de nature politique découlant du contournement de la souveraineté de la nation résultant du contournement de la souveraineté de la nation contournée par l’Union européenne relayée par le sommet de l’ Etat. Regarder le passé apparait pour l’opinion publqiue comme une incapacité de construire l’avenir.

Comment Gabriel Attal et Jordan Bardella parviennent-ils à tracer discrètement leurs sillons idéologiques ? La course pour 2027 est-elle déjà lancée ?

Indépendamment des moments électoraux, ils incarnent des projets différents dans le sillage de leurs mentors, on l’a évoqué, mais avec des formes renouvelées. Sociologiquement, Attal incarne au travers de son socle de popularité la France rentière, des personnes âgées, amis également des catégorie urbaines et diplômées. Bardella incarne plus les jeunes, les petits patrons, les ouvriers et employés classes intermédiaires, les classes moyennes fragilisées.  

Attal et plus consensuel à Matignon et préféré en termes de popularité à Bardella. Ce dernier est préféré à l’hôte de Matignon dans la perspective de la présidentielle et il peut compter sur un électorat plus mobilisé. Au total, Attal et Bardella sont des héritiers aux popularités de nature différentes amenés à s’émanciper peu à peu. 

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