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Participation aux législatives 2022 : voilà pourquoi on peut espérer que l’abstention soit moins forte qu’en 2017
©LOIC VENANCE / AFP

Vers une baisse de l'abstention ?

Pendant toute la campagne présidentielle, Bruno Cautrès nous a accompagnés de son éclairage, sur un thème central, l'engagement. Cette semaine, à quelques semaines d'un nouveau grand rendez-vous pour les Français, il revient sur les facteurs qui pourraient faire se déplacer les Français dans les urnes pour les élections législatives

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Ladernière vague de l’Observatoire de la politique nationale, réalisée du 18 au 19 mai par BVA pour RTL et Orange, montre que le nouveau couple exécutif ne bénéficie que d’une popularité en demi-teinte, à peine installé :pas de « lune de miel » ou « d’état de grâce », que ce soit pour Emmanuel Macron (42% d’opinions positives) ou Elisabeth Borne (50%). Pour l’un comme pour l’autre on est loin, voire assezloin, des niveaux de popularité habituellement constatés en début de mandat : en mai 2017 Emmanuel Macron obtenait 62% de bonnes opinions tandis qu’Edouard Philippe et Jean Castex débutaient leurs fonctions avec 59% et 56% respectivement.

Siprès de 4 personnes interrogées sur 10 considèrent que la nomination à Matignon d’une femme première ministre est un atout(un choix particulièrement salué par les sympathisants des partis de la majorité présidentielle), cet important symbole n’a pas créé un climat d’engouement ou de sympathie appuyée en sa faveur. L’analyse détaillée des verbatims des réponses données par les personnes interrogées à une question ouverte sur Elisabeth Borne montre que les sympathisants du RN et ceux de la FI en particulier ne laissent pas à la nouvelle Première ministre le temps de prendre ses marques.

Les opinions sur la Première ministre sont déjà assez négatives aux deux extrémités du spectre politique :« sa nomination ne présage rien de bon en matière de la politique sociale, elle souligne une continuité de la politique ultra-libérale entamée lors du 1er quinquennat »nous déclare un homme d’une quarantaine d’année, sympathisant LFI et électeur de Jean-Luc Mélenchon ;« je ne l'apprécie pas trop, ce sera une marionnette en plus de Macron »ajoute une électrice de Marine Le Pen, sans emploi et femme d’ouvrier, habitante des Hauts de France. L’opinion à propos de la nouvelle Première ministre n’estvéritablement laudative que parmi les sympathisants des partis de la majorité, notamment de Renaissance (l’ex République en Marche), ou parmi les séniors (les retraités notamment). Le répertoire desmots utiliséspour exprimer une opinion positive à propos d’Elisabeth Borne met en exergue la« compétence », le « sérieux », la « volonté »de la Première ministre : « volontaire, pugnace et humaniste » nous dit un sympathisant de la majorité, « une personne intelligente et qui a une formation solide » nous dit un autre.

En dehors des opinions positives ou négatives à son égard, l’opinion vis-à-vis d’Elisabeth Borne est assez indécise pour le moment. Dans de nombreux segments de la population,l’image d’Elisabeth Borne est dominée par un sentiment d’inconnu :« je ne la connais pas »,« je ne la connais pas assez »est l’une des expressions les plus récurrentes dans l’enquête BVA. Les données de l’enquête montrent clairement quede nombreux Français attendent de la Première ministre qu’elle leur montre qui elle estet qui elle est comme Première ministre. Cette question va s’avérer d’autant plus importante quela Première ministre va rapidement affronter le dossier de la réforme des retraites, véritable banc d’essai pour la « nouvelle méthode » de gouvernement dont le chef de l’Etat a parlé pendant sa campagne. L’enquête de BVA nous indique quel’opinion des Français est toujours assez réservée et clivée sur cette réforme : 53% des personnes interrogées considèrent « qu’il ne faut pas mettre en œuvre cette réforme » et seuls 24% « qu’il est urgent » de le faire.

Toutes ces données nous montrent une chose essentielle :l’élection présidentielle n’a pas permis de redonner un élan positif au pays,tout se passe comme si les grandes questions et les grandes peurs françaises étaient toujours bien là. C’est précisémentce que nous avons souhaité mesurer, en reprenant des indicateurs mesurant les affects et les émotions des Français aux lendemains de la présidentielle et à la veille des législatives.En mesurant des affects positifs et négatifs sur des échelles de mesure graduées de 0 à 10,les affects négatifs continuent de dominer l’opinion des Français : c’est l’inquiétude qui arrive en première (moyenne de 6.81/10), puis la colère toujours là (6.08), l’amertume (5.81) et la peur (5.76). Les affects positifs sont relégués derrière : l’espoir et la fierté (5 et 5.02), l’enthousiasme (4.7). Rien de surprenant à ce que l’échelle BVA qui mesure le moral des Français se situe à 6/10, un niveau relativement bas. La sociologie de ces affects et de ces émotions restetrès stable par rapport à ce que nous avions observé avant la présidentielle : la colère des électeurs de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, l’inquiétude et la peur des électeurs qui sont socialement en situation fragile, l’espoir et l’enthousiasme des électeurs d’Emmanuel Macron.

Dans ce climat d’une France toujours un peu morose et inquiète, oùles colères politiques sont toujours là, il faut espérer que les Françaises et les Français participeront aux élections législatives : rien ne serait pire qu’une faible participation, après une élection présidentielle dominée par la guerre en Ukraine et les inquiétudes toujours présentes.Il y a cinq ans l’abstention avait été majoritaire aux deux tours des élections législatives, un sacré échec démocratique ! Rappelons qu’il s’agit ni plus ni moins, aux élections législatives, que d’élire le législateur… L’intérêt pour ces élections est là (sur une échelle de 0 à 10, la moyenne est à 7 dans l’enquête BVA et elle monte à 8.5 chez les sympathisants de la FI), des propositions commencent à émerger (sur la SMIC, le pouvoir d’achat, les retraites par exemple), la nouvelle Première ministre (elle-même candidate, dans le Calvados) dispose à présent de son équipe, Jean-Luc Mélenchon appelle à « l’élire Premier ministre », breftous les ingrédients sont réunis pour que la participation soit plus forte qu’en 2017. Vous me trouverez sans doute bien optimiste…

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