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Panorama des primaires "citoyennes" :  qui sont leurs initiateurs, comment fonctionnent-elles, qui y participe ? Et au fait, pour quel résultat prévisible à l’arrivée ?
©Reuters

A chacun la sienne !

Avec une crise de confiance historique entre les Français et les partis traditionnels, plusieurs initiatives "issues de la société civile" ou "citoyennes" voient le jour pour renouveler le paysage politique en vue de 2017. Pourtant, les Français restent attachés à la figure du leader charismatique qui draine parti et militants.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico. Lundi 11 avril, 6 mouvements parmi lesquels Bleu Blanc Zèbre, Nous Citoyens ou encore Génération citoyens se sont regroupés pour organiser une élection primaire pour désigner un candidat hors-parti en vue de la présidentielle de 2017 (voir ici). D'autres initiatives de type "primaires citoyennes" ont déjà été lancées comme Primaire de gauche ou encore Notre primaire. Si certaines permettent à n'importe qui de se présenter, d'autres préfèrent partir d'un programme. Quelle diversité peut-on constater dans ces primaires hors-partis ? Qui sont leurs initiateurs, observent-on des modes de fonctionnement différents ? Et qui sont leurs participants ?

Brunos Cautrès. Les six mouvements en question (Génération citoyens de Jean-Marie Cavada, Nous citoyens de Nicolas Doucerain, Le Pacte civique de Jean-Baptiste de Foucauld, Cap 21-Le Rassemblement citoyen de Corinne Lepage, Bleu Blanc Zèbre d’Alexandre Jardin, La Transition de Claude Posternak) connaissent de vraies différences sur le fond et dans la forme et dans le même temps partagent une même vision de la politique partisane qui aurait capté et détruit la créativité de la « société civile ». Prenons deux exemples. BBZ (Bleu Blanc Zebre d’Alexandre Jardin) repose sur un appel qui ne constitue pas du tout un programme politique au sens classique du terme. Sur son site, on trouve ainsi les objectifs généraux du mouvement : « Bleu Blanc Zèbre (BBZ) est un mouvement citoyen regroupant 200 opérateurs de la société civile tels que des associations, fondations, acteurs des services publics, mairies, mutuelles ou entreprises, réalisant une action efficiente permettant de résoudre un problème de la société en impliquant les citoyens dans sa résolution (…) Les Zèbres sont des Faizeux ! Nous ne sommes pas un think-tank mais un Do-Tank ». Le message est que les partis politiques ont étouffé l’initiative et la créativité de la « société civile » qui pourtant est porteuse des solutions pratiques aux problèmes du pays. Prenons à présent Cap 21 de Corine Le Page. Ce mouvement (l’appellation Cap 21 signifie Citoyenneté, action, participation pour le XXIe siècle, on retrouve là les fondamentaux de tous ces mouvements et leur message principal selon lequel il faut agir à la base et avec les citoyens) a été initialement crée comme un club de réflexion politique et une association portant en justice des problèmes liés à l’environnement. Le mouvement se transforme progressivement en quelque chose de plus politique au sens plus traditionnel (de fait Cap 21 disparaît en décembre 2014 et se fond dans le Rassemblement citoyen - Cap21), participants aux élections à presque tous les niveaux. Par ailleurs Corine Le Page a directement participé au pouvoir comme Ministre de l'Environnement de 1995 à 1997 et a également directement participé à la vie partisane par exemple comme vice-présidente du Modem ou encore députée européenne. 

Qu'elles soient de droite ou de gauche, ou qu'elles se définissent comme apolitiques, observe-t-on des caractéristiques communes ? Quel diagnostic font-elles de la vie politique actuelle par exemple, au-delà des idées ou des solutions proposées ?

C’est effectivement l’idée selon laquelle les citoyens posent les bonnes questions et ont les bonnes réponses qui réunit ces mouvements. C’est aussi l’idée selon laquelle les partis politiques traditionnels ont réalisé un rapt sur la démocratie : en captant le rôle de pourvoyeurs de candidats aux élections, ils auraient ainsi mis en cage la parole des citoyens. Le diagnostic est que cette captation de l’essence même de la démocratie représentative aurait réduit la créativité et l’inventivité de la « société civile ». Le positionnement idéologique est dès lors assez faible même si l’on voit paraître des différences. Ainsi, dans l’interview qu’il a donné au Point pour évoquer le sens de la primaire que ces six mouvements veulent organiser ensemble, Jean-Marie Cavada utilise une rhétorique qui est celle de sa famille politique (les centristes de droite) : il parle d’une France « suradministrée », trop jacobine et centralisatrice. Cela est proche de certaines des idées de Corine Le Page ; mais cela n’est pas forcément partagé par plusieurs des autres mouvements qui sont davantage, si ce n’est exclusivement, concerné par la primaire pour 2017 et la présence d’un candidat de la « société civile ».

Plusieurs sondages et rapports indiquent que la défiance des Français vis-à-vis des partis politiques traditionnels est historiquement élevée. Quelles sont les chances pour ces initiatives de récupérer ces électeurs déçus ?

La dernière livraison du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF (décembre 2015) montre que seuls 12% des français interrogés déclarent avoir confiance dans les partis politiques. Ce chiffre est très bas. Pour autant, je ne suis pas persuadé que la démarche des six mouvements de la « société civile » intéressera beaucoup les français. Les préoccupations des français sont avant tout économiques et sécuritaires. Si la démarche des six mouvements viendra bien en écho de la forte défiance des français vis-à-vis des acteurs traditionnels de la vie politique, elle n’a pas de forte chance d’incarner leurs attentes profondes : une vie meilleure, moins de chômage pour les jeunes, moins d’inégalités. Pour que le message de ces mouvements et de leur éventuel candidat à la présidentiel intéresse vraiment les français, il faudrait compléter leur diagnostic sur le rôle de la « société civile » d’un vrai corpus idéologique au sens fort du terme. Cela ne veut pas dire se ranger nécessairement sur l’axe gauche-droite, mais cela veut dire se situer dans l’espace des clivages sociaux. Nos sociétés ne sont pas spontanément justes et produisent des inégalités. Faire des propositions fortes en matière de représentation politique et proposer des solutions audacieuses pour « oxygéner » notre vie politique et l’alimenter de l’initiative citoyenne est une dimension très importante et sans doute de plus en plus urgente telle la crise démocratique de notre pays est grave. Mais énoncer l’objectif politique au service duquel tout ceci est mis en œuvre est non moins essentiel. S’il est bien vrai que le marasme démocratique et la crise de confiance des Français dans la politique sont graves et importants, encore faut-il proposer des directions d’action, hiérarchiser les problèmes et faire des choix de politiques publiques. 

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