Panique bancaire sur SVB : tout ce qu’il faut savoir pour comprendre à quel point une nouvelle crise financière nous menace ou non <!-- --> | Atlantico.fr
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La Silicon Valley Bank est une banque sectorielle, spécialisée dans les acteurs tech, ceux de la Silicon Valley.
La Silicon Valley Bank est une banque sectorielle, spécialisée dans les acteurs tech, ceux de la Silicon Valley.
©NOAH BERGER / AFP

Et pendant que la France se noie dans ses poubelles

Alors que la Fed a dû intervenir en urgence pour éviter une contagion suite aux retraits massifs de fonds à la Silicon Valley Bank, la facture des hausses de taux d’intérêt pratiqués par les banques centrales face à l’inflation est arrivée.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Comment comprendre ce qui s’est passé avec la Silicon Valley Bank ? 

Don Diego De La Vega : La Silicon Valley Bank est une banque sectorielle, spécialisée dans les acteurs tech, ceux de la Silicon Valley. Ces acteurs ont eu des hauts et des bas. A un moment, les dépôts ont considérablement monté, ce qui faisait que la banque s’est retrouvée avec beaucoup plus d’argent que d’idées à financer. La SVB a donc acheté des obligations, à des taux 1,5%, et les a mises en HTM (hold to maturity). Problème, il y a eu un retournement, en partie dû à la hausse de taux de la Fed, qui a fait mal, notamment, aux entreprises de tech. Elles ne gagnent pas encore suffisamment d’argent pour être indépendantes des évolutions monétaires. La SVB a décidé de faire une levée de fonds, qui ne s’est pas bien passée, les forçant à vendre des titres. Le problème est que ces titres ont été achetés à taux 1,5 %, or ils sont aujourd’hui à 4,5 %. Elle a donc dû se débarrasser d’un obligataire de qualité qui n’a pas du tout  le même prix qu’il y a deux ans. Cela a provoqué un effet ciseau entre la pente des taux et la vente d’obligations sécurisées, qui fait que les gens commencent à retirer leur argent parce que la levée de fonds s’est mal passée. Il y a une forme de prophétie autoréalisatrice que les choses vont mal se passer. Le problème c’est qu’aujourd’hui, les mouvements de bank run vont très vite car ils passent par les réseaux sociaux et des acteurs qui vont vite. Le mouvement s’est accéléré quand Peter Thiel lui-même a recommandé à ses clients de quitter la SVB le plus vite possible. Les banques traditionnelles sont aller séduire les meilleurs clients et tout cela s’est emballé. 

Comme l’avait dit la Reine Elizabeth II à propos de la crise de 2008, comment se fait-il que personne ne l’ait vu venir ? A moins que certains ne l’aient vu venir…

Cela fait des mois qu’on savait qu’il y allait avoir un accident à cause de la politique des taux de la Fed. La SVB est la 16e banque du pays, mais il y avait déjà eu des craquements ailleurs, notamment chez Blackstone, etc. Mais il n’y a pas que SVB qui va être impacté par la hausse des taux rapides de la Fed. C’est peut-être le plus fragile qui a explosé, mais il y a maintenant une suspicion généralisée.

Quant aux autorités de régulations, le premier élément d’explication est leur incompétence. Ensuite, il y a tout ce qu’elles n’ont pas envie de voir. La soi-disant muraille de Chine qui existe entre les autorités de régulation et la Fed n’existe pas. Globalement, les autorités de régulation n’anticipent rien. La question désormais est celle de leur réactivité.

La panique qui s’est emparée des déposants à la SVB était-elle justifiée ? 

Je ne pense pas que ce soit la bonne question. Mais il faut se rappeler Margin Call. Le personnage de Jérémy Irons le dit bien ,quand on sort les premiers, on ne parle pas de panique. Le mot panique donne l’idée d’un comportement irrationnel, ce n’est pas toujours le cas. Les premiers à être parti seront considérés comme très rationnels. Ce sont les plus inertes ou les plus confiants qui se retrouvent les cocus de l’affaire.  La vraie panique, c’est celle des gens de la Fed qui ont eu peur de se voir reprocher la montée de l’inflation. Ils ont monté les taux pour se dédouaner. Peut être qu’au tout début cela pouvait être une bonne idée, mais c’est allé beaucoup trop loin. On leur a signalé, après le passage des 3%, qu’ils allaient trop loin. Ils sont montés jusqu’à 6%. Et ils parlaient de l’idée d’un terminal rate. Même Adam Posen a parlé d’un terminal rate à 6,5% sur les taux courts. Il faut espérer que ce qui se passe avec la SVB remette les choses en place à la Fed. Même si une grosse propagande essaie de justifier de continuer à augmenter les taux.

Certains ont aussi vu dans ce qu’il s’est passé le résultat d’une trop grande création monétaire. Les politiques monétaires menées ces dernières années ont-elles été dangereuses ?

La masse monétaire est actuellement en recul. M1 (qui correspond aux billets, pièces et dépôts à vue) est en territoire négatif pour la première fois depuis 25 ans en zone euro. Mais se baser uniquement sur la masse monétaire donne une histoire incomplète. Car un jump dans l’offre de monnaie ne veut pas dire qu’elle est excessive pour autant, il faut connaître la demande de monnaie. Et on a du mal à la connaître. Mais on sait qu’elle a monté avec le Covid. Ce qui compte pour l’inflation, c’est que la masse monétaire augmente plus que la demande de monnaie et finisse par impacter les anticipations d’inflation. Mais ce n’est pas du tout ce que l’on a observé. Pourtant le resserrement monétaire a eu lieu dès janvier 2021, la pente de la courbe des taux nous a montré que nous n’étions pas du tout dans une logique inflationniste. Et si le CPI et d’autres indicateurs ont augmenté, c’est en raison de multiples chocs d'offres sur lesquels les banques centrales ne peuvent rien. ce que la marché sanctionne là, ce sont les six derniers mois de décisions des banques centrales.

Quelle a été la réaction des autorités américaines ? S’agit-il de la meilleure réaction qu’elles pouvaient avoir ?

Ils ont gagné en réactivité, depuis Lehman Brothers, mais pas sûr qu’ils aient gagné en compétence. Ils sécurisent actuellement tous les dépôts de SVB, mais il est un peu tôt pour dire quelle est la réponse exacte. Biden a fait un flip flop mais il a souvent tendance à jeter de l’huile sur le feu. Janet Yellen, au Trésor, est plutôt raisonnable. Mais la crainte, c’est l’action de la Fed, et le risque qu’elle essaie de passer en force dans dix jours, en essayant d’expliquer qu’il faut différencier les problèmes de stabilité financière de ceux de politique monétaire.  Il y a déjà un narratif qui essaie de faire croire que le problème était spécifique à SVB et à la baisse des taux il y a deux ans.

Quel est le risque de contagion, notamment pour l’Europe ?

Les principales banques sont en train de perdre en valorisation boursière. Ce n’est pas tant une contagion en termes de solvabilité et de liquidité mais une contagion en termes de secteur. Plusieurs secteurs ont surfé sur la hausse des taux en toute impunité, c’est plutôt une bonne chance qu’ils aient ce qu’ils méritent. Et puisque la BCE est toujours à la remorque de la Fed, cela devrait pouvoir calmer les ardeurs des faucons de la BCE. Ceci dit, je pensais que cela serait le cas lors de l’épisode anglais en octobre, mais les hausses de taux ne se sont pas arrêtées.

Le scénario à la 2008, personne n’y croit trop car il y a moins de leverage sur les institutions financières. Le problème, c'est que dans ce genre de contagion, ce sont les Européens qui vont être les dindons de la farce.

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