Ovnis : pourquoi les anomalies dans le ciel ne mobilisent pas plus les scientifiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo prise avec une longue exposition montrant la trace de satellites Starlink.
Photo prise avec une longue exposition montrant la trace de satellites Starlink.
©Mariana SUAREZ / AFP

Bonnes feuilles

Luc Dini publie « Ovnis Lumière sur les dossiers déclassifiés du Pentagone » aux éditions Michel Lafon. Depuis juin 2020 et la déclassification des dossiers du Pentagone, la chasse aux ovnis est officielle. Chaque nouvelle publication, particulièrement celles émanant de la Nasa, suscite les rumeurs les plus folles. Extrait 2/2.

Luc Dini

Luc Dini

Luc Dini, ingénieur en constructions aéronautiques, est membre émérite de l'Association aéronautique et astronautique de France (3AF), dont il préside la commission Sigma 2, en coordination avec le Geipan (Groupe d'études et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, les Pan) et d'autres organismes à l'étranger.

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Pourquoi est-ce si difficile d’appréhender ces phénomènes aérospatiaux non identifiés ? Pourquoi avons-nous cette sensation que le problème nous dépasse, qu’il nous file entre les doigts ? Pourquoi ce réflexe de botter en touche, de pousser la poussière sous le tapis, de ranger la soucoupe dans le placard et de faire comme si tout cela n’existait pas ? Comme si rien n’avait été observé ? Pourquoi, en d’autres termes, persistons-nous à regarder ailleurs ? Pourquoi cette gêne qui s’installe dans les dîners en ville, quand le sujet des ovnis surgit autour de la table et suscite les regards embarrassés des convives ? Ces comportements, je les ai eus moi-même. Il a fallu que j’arrive à un âge mûr, que j’observe de mes yeux une lueur insolite, pour que je commence à mon tour à considérer ce sujet comme sérieux. Je ne jetterai donc pas la pierre aux esprits réfractaires. Je m’interroge simplement sur les raisons d’une telle résistance de l’esprit. Sans doute faut-il distinguer les milieux « officiels  », autorités, administrations et laboratoires scientifiques d’un côté, et le commun des mortels de l’autre, parmi lesquels certains ont pu faire l’expérience d’un Pan quand d’autres, n’en ayant jamais observé, ont finalement peu de raisons de s’y intéresser.

Ces questions n’ont rien d’anecdotique. Car elles déterminent l’absence consternante de moyens mis à disposition des scientifiques motivés pour étudier ces phénomènes et pour apporter des réponses aux ufologues. Alors que des milliards d’euros sont mis sur la table dans de grandes missions internationales pour récupérer un peu de poussière martienne et y chercher la présence d’éventuelles bactéries, en rassembler quelques milliers pour lancer la moindre étude sur ces anomalies dans notre ciel reste un chemin de croix. Pourquoi ?

Curieusement, les raisons de cette défiance et les moyens pour la dépasser restent très peu étudiés. Je ne peux à mon niveau que constater le discrédit systématique qui entoure le sujet et ceux qui s’y intéressent, du moins jusque très récemment. Les scientifiques, les militaires, les journalistes et une partie du grand public adoptent une même attitude sceptique, voire d’ironie goguenarde assez convenue, chaque fois que l’hypothèse est avancée que des engins intelligents, produits par des civilisations possiblement plus avancées, ont pu exister ou se manifester à nous. Prendre position sur l’éventualité qu’une forme de civilisation existe ailleurs dans l’univers est risqué, voire suicidaire, tant pour sa réputation que pour sa carrière. D’autant que les seuls scientifiques s’y étant risqués, ceux du programme Seti, ont mené des recherches et dépensé des crédits (relativement modestes) pendant plusieurs décennies sans obtenir le moindre résultat. Pourtant, le fameux paradoxe de Fermi n’a pas pris une ride. Les probabilités suggèrent que des extraterrestres devraient être depuis longtemps autour de nous. Où sont-ils ? Pourquoi ne les voyons-nous pas ? Mais, surtout, pourquoi ne les cherchons-nous pas ?

Une des raisons de ce désintérêt est sans doute que l’ovni est d’abord une affaire d’État avant d’être une question de société. Ce sont les États qui, pour l’instant, maîtrisent à la fois les moyens de recherche et de communication sur ces phénomènes qui expriment des caractéristiques de vitesse, de furtivité et d’autres effets embarrassants pour les systèmes de défense. Ce n’est pas pour rien que la politique américaine concernant les ovnis est passée en pleine guerre froide par plusieurs étapes : d’abord la reconnaissance et la recherche, sans explication claire (sans doute le sujet était-il trop gros pour être étudié en secret), puis la phase de debunking, de discrédit, dès lors que le gouvernement américain a craint les impacts négatifs d’une communication non maîtrisée. L’Usaf tourne alors en ridicule les témoins, normalise l’incrédulité, pour finalement enterrer le sujet avec le dossier Blue Book, puis le rapport Condon en 1969, qui place officiellement le monde savant du côté des sceptiques. Mais ne jetons pas la pierre aux Américains. Il en est allé de même en Russie, et plus largement en ex-URSS, où l’Académie des sciences concluait prudemment à des phénomènes exceptionnels d’origine naturelle, malgré les traces laissées au sol, les témoignages des pilotes et des marins, ou les recherches plus discrètes des propres services de la Défense et du renseignement soviétique. Au sein des deux blocs, on retrouve une même stratégie visant à discréditer le sujet en discréditant ceux qui l’abordent.

Ce fut le cas, par exemple, lors des multiples observations de phénomènes lumineux, le 13 mars 1997, aux États-Unis, au-dessus de l’Arizona et du Nevada. Les témoins furent aussitôt tournés en ridicule. Quelques années plus tard, le gouverneur de l’Arizona avouera pourtant publiquement avoir lui-même observé ces ovnis et regretté ce dénigrement. Aujourd’hui, le Congrès américain dénonce le stigmate dont sont victimes les pilotes qui témoignent de leurs observations, et à qui on a recommandé le silence. On parle peu cependant des quolibets que subissent les quelques scientifiques qui osent faire des recherches sur ce sujet. Leurs collègues ne sont guère tendres avec eux.

Les ufologues restent tout aussi peu étudiés, tant par les historiens que par les sociologues. Comme si cette communauté de passionnés, pourtant riche de milliers, voire de millions de personnes réparties sur toute la planète, ne présentait aucun intérêt. Un paradoxe étonnant quand on songe à l’engouement que le sujet suscite malgré tout –  au moins à titre de curiosité  – dans une partie du public, et à l’impact absolument gigantesque qu’aurait sur les consciences la découverte d’un engin extraterrestre artificiel démontrant l’existence, ailleurs dans l’espace, d’une autre forme d’intelligence capable de technologie avancée. Toutes les grandes religions pourraient en vaciller sur leurs bases. Une nouvelle révolution copernicienne serait enclenchée. Et pourtant, alors que les études religieuses mobilisent des départements entiers d’universitaires, celles des ovnis restent limitées à quelques chercheurs marginalisés.

Nous l’avons dit, l’une des grandes faiblesses des ovnis est de reposer en premier lieu sur des témoignages, et donc sur de l’« opinion ». C’est un peu Monsieur ou Madame Tout-le-monde qui, dans la nuit, fait l’expérience parfois bouleversante, voire traumatisante, d’une incompréhensible anomalie. L’effet de surprise joue beaucoup, dans l’observation de quelque chose qui semble « sortir du cadre », s’échapper des représentations habituelles. Or c’est bien cette manie qu’ont les ovnis de « sortir du cadre » qui explique l’ostracisme dont ils font preuve dans les milieux savants.

L’ovni sort d’abord du cadre social : il a le mauvais goût d’être en premier lieu un objet populaire. Au lieu d’émerger dans l’ambiance bien contrôlée d’un laboratoire (certains en émergent peut-être, mais ils ne sont en tous les cas jamais publiés…), il surgit dans le regard émerveillé ou terrorisé du promeneur.

Il se révèle d’abord dans un tapage médiatique, sous forme d’articles de presse et de reportages expliquant qu’une personne aurait vu que… Sauf que ces reportages sont évidemment réalisés par des journalistes et non par des savants. Pour être vendeurs, ils doivent donc raconter des choses surprenantes, incroyables, fantastiques, jouer sur nos émotions et nos peurs. Et c’est bien la tendance observée jusqu’à présent. Ce qui ne fait que refroidir davantage le scientifique.

D’autant que la science moderne s’est construite, depuis le XVIIe  siècle, sur une césure de plus en plus forte entre un savoir considéré comme légitime –  le savoir scientifique  – et l’opinion populaire considérée comme superstition. Une ligne de partage qui – savoureux paradoxe – a été d’abord tracée par l’Église catholique elle-même, prompte à considérer comme superstitions à combattre toutes les croyances populaires qui n’entraient pas dans son dogme, mais aussi les théories scientifiques nouvelles. L’idée que le peuple est par nature superstitieux, peu digne de confiance, n’a cessé de se renforcer à mesure que le discours scientifique triomphait au XXe siècle contre la « sagesse paysanne », les « savoirs autochtones », etc. Les sciences se sont peu à peu coupées des autres formes de savoir, d’intelligence, pour s’enfermer dans une méthodologie propre et exclusive. Exit le chamanisme, la sorcellerie, les recettes de grands-mères, les croyances paranormales et autres pseudo-savoirs aux fondements invérifiables. 

Extrait du livre de Luc Dini, « Ovnis Lumière sur les dossiers déclassifiés du Pentagone », publié aux éditions Michel Lafon

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