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Or gris : pourquoi le vieillissement de la population est une véritable opportunité pour l'économie
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Bonnes feuilles

Nicolas Menet publie "Construire la société de la longévité : Une opportunité pour l'économie ?" aux éditions Eyrolles. L'accroissement exponentiel de la longévité affecte désormais la vie sociale, politique et économique. L'allongement de l'espérance de vie incite à les revoir. De là est né le concept de société de la longévité. Ce projet global de société est un enjeu majeur pour la prochaine décennie. Extrait 2/2.

Nicolas Menet

Nicolas Menet

Nicolas Menet était sociologue, directeur général de Silver Valley, l'un des plus importants pôles d'innovation en Europe dédié à la longévité. Il nous a quittés en février 2023.

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AU PLAN ÉCONOMIQUE, CONJUGUER VIEILLISSEMENT AVEC PROFITS ET PERFORMANCE 

Les seniors  dérogent à l’image de surconsommateurs véhiculée par la société 

Les prévisions économiques concernant le pouvoir d’achat des seniors et ce que rapporterait leur consommation sont très nombreuses. Plus la croissance est en berne, plus l’espoir se fixe sur les retraités et leur pouvoir d’achat supposé supérieur. Or depuis cinq ans, on constate que les faits sont bien différents de ce qui avait été imaginé. D’abord les personnes retraitées ne sont pas toutes solvables et le lancement du mouvement des « gilets jaunes » fin 2018 a bien montré les difficultés rencontrées par une large frange de la population. Ensuite les retraités, en particulier les plus âgés d’entre eux, ne sont pas de gros consommateurs. D’une part parce que leurs besoins se réduisent avec l’avancée en âge, d’autre part parce qu’ils ont développé avec leur expérience de vie un regard plutôt critique sur la consommation. Les « boomers », bien qu’ayant été les pionniers de la société de consommation ont, dès la fin des années 1970, mis à distance la consommation de masse. Quant aux plus âgés, ayant grandi dans un contexte de frugalité, ils se rapprochent davantage des écologistes décroissants (personnes qui recherchent l’autonomie alimentaire et rejettent la consommation de masse) que des seniors surconsommateurs fantasmés par les chantres de la silver économie à l’ancienne. Pourtant quand les aspirations et les besoins sont satisfaits, les clients adoptent les solutions, y sont fidèles et les recommandent.

La longévité prend appui sur l’innovation  économique

Cet état de fait doit nous orienter vers une conception de l’économie du vieillissement centrée sur la parfaite adéquation des réponses apportées aux besoins, par l’observation fine des usages et la coconstruction des solutions. Cette approche user centric est probablement l’une des pistes de développement majeure pour la silver économie. Dans ce cadre, l’innovation est à la fois un levier d’inclusion  et un tremplin au développement. On l’a démontré, l’innovation, spécifiquement sur des publics complexes, peut devenir un processus intégratif. En incluant les publics dans la conception et la réflexion autour de nouvelles solutions pour vieillir mieux, via les méthodologies de design thinking par exemple, on résout à la fois le problème de l’intergénérationnel, de la prévention  et de la formation  du senior au vieillissement, de son déconditionnement et du rapport à la préparation à la mort. L’innovation, concernant la société de la longévité, doit devenir un véritable pilier qui va bien au-delà de la création pure de valeur et de technologie. Il s’agit d’un cycle vertueux mis en place entre des innovateurs – issus de start-up, de PME ou de grands groupes – et des publics diversifiés que ce soit dans des réunions de créativité ou en situations réelles. Des moyens supplémentaires pourraient être alloués à ce type de démarche intégrant tant le développement industriel et la compétitivité que la prévention et l’inclusion.

La longévité est un secteur particulièrement pourvoyeur d’emplois

Selon la Dares : 200 000 emplois soignants et non soignants rien que dans les Ehpad peuvent être créés et 150 000 emplois dans le secteur de l’aide à domicile1. La longévité est donc l’un des secteurs les plus porteurs d’emplois pour les vingt années à venir, indexé sur les courbes démographiques du vieillissement de la population. Dans ce cadre, et comme le demande le syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa), il serait opportun de lancer une grande campagne d’information et de communication en faveur des métiers du grand âge, comme on le fait pour l’armée ou la police.

La longévité est une source de profits  multiples sur l’ensemble des territoires 

La longévité est aussi l’occasion de repenser le paysage économique en appliquant les principes de « la profitabilité intégrale ». L’économie circulaire possède de très nombreuses vertus à la fois positives pour l’environnement et pour le business. Un maillage très fin des territoires prend en charge la plupart des besoins – lien social, adaptation de l’habitat, services aux particuliers, soins à domicile, résidences autonomie et Ehpad – sauf que cette prise en charge par des services est plutôt atomisée et cloisonnée. Il est pourtant possible de produire des écosystèmes vertueux en s’appuyant sur les relations économiques que peuvent créer les différentes instances présentes sur chaque territoire. On l’a vu, la mutualisation est une piste intéressante pour réduire les coûts et toucher davantage de clients. La longévité comme levier économique repose largement sur des métropoles et des « territoires de la longévité » : il s’agit d’une approche globale, territoriale dans laquelle la longévité est bien l’une des briques fondatrices. En effet, « améliorer l’accueil et l’accompagnement des aînés fragilisés via des établissements et des services contribue à dynamiser l’emploi et l’activité sur le territoire et, par ricochet, à réduire l’exode économique des jeunes, voire augmenter les effectifs des écoles maternelles et primaires par la présence maintenue de familles ». Cette logique d’externalités positives doit être généralisée afin, tant de redynamiser les territoires, d’en renforcer leur attractivité économique, que d’assurer une prise en charge équitable sur l’ensemble des zones concernées par une longévité importante.

Permettre une équitable distribution de biens et services au service de la longévité 

Les solutions innovantes ne sont pas aujourd’hui accessibles pour le plus grand nombre et sur l’ensemble des territoires. Aujourd’hui peu de grands acteurs de la distribution sont allés sur ce marché à l’exception notable du groupe Oui Care avec la Silver Alliance, du groupe Les Mousquetaires-Intermarché avec le nouveau concept de boutique « Bien chez moi » et du groupe Casino avec ses produits alimentaires adaptés. Ce type d’initiatives doit se voir incité et il est de la responsabilité des grands groupes de distribution de prendre à bras-le-corps le sujet. Quand l’on sait que l’âge moyen des clients réguliers des centres commerciaux est de 56 ans, on s’étonne que les plus gros groupes de distribution ne soient pas plus offensifs sur le déploiement d’offres de services et d’innovations dédiées à la longévité.

Soutenir le financement  des innovations  et des solutions dédiées au vieillissement 

Encore trop rares sont les fonds d’investissement et les business angels totalement spécialisés dans le financement des innovations et des solutions dédiées au vieillissement. Un cluster d’innovation comme Silver Valley chapeaute aujourd’hui plus de 300 projets d’innovation. Les idées sont nombreuses, le marché est bien présent, les besoins et les aspirations au mieux vieillir sont immenses… ne manquent plus que les capital-risqueurs et les distributeurs pour monter en puissance. Mais malgré ce trou encore trop grand dans la raquette, certains grands groupes non spécialisés sur la cible seniors, comme EDF, AG2R La Mondiale, la SNCF ou encore Eiffage et Saint-Gobain se sont positionnés sur ce marché et développent à l’heure actuelle des solutions percutantes. Même si encore peu de groupes du CAC40 sont impliqués dans la silver économie, c’est probablement grâce à eux que le marché de la longévité, tant attendu, va éclore. Cette implication des acteurs industriels de premier plan permettra non seulement de renforcer leur compétitivité mais aussi de répondre à des besoins et de participer, à leur manière, à la société inclusive en capacité de prendre en charge les aspirations des personnes qui avancent en âge.

 À quand un indice de bien-être de la longévité ? 

Traditionnellement, la santé économique d’un pays se mesure à l’aune d’une kyrielle d’indicateurs. L’espérance de vie en fait partie car elle dénote de la santé des citoyens. Des économistes contemporains proposent d’aller plus avant et de mettre en place un indice de bien-être de la longévité dans la société. La question posée est la suivante : « Comment peut-on agréger un indicateur de la performance économique […] avec un indicateur de la longévité […] ? » La proposition innovante étant de participer à la construction d’indicateurs de conditions de vie prenant en compte l’horizon de vie entier des hommes. Non seulement cet indicateur informera sur l’espérance de vie générale en plus de l’espérance de vie en bonne santé, mais aussi sur l’impact sur la performance économique que ces données nouvellement récoltées pourraient avoir. Cette nouvelle approche aurait pour bénéfice à la fois de mesurer réellement l’impact de la longévité sur l’économie et d’orienter les nouveaux business associés vers les aspirations profondes des personnes qui prennent de l’âge. 

Autrement dit, il s’agira d’une façon de faire de l’économie un terrain d’inclusion  supplémentaire en capacité de satisfaire tant le consommateur que le producteur, ce en quoi la longévité est un secteur-candidat idéal à l’expérimentation des nouveaux modèles économiques à grande échelle : profit sociétal et profit financier fusionnent dans une dynamique d’intérêt général en même temps que dans une quête de performance et de compétitivité.

Extrait du livre de Nicolas Menet, "Construire la société de la longévité : Une opportunité pour l'économie ?", publié aux éditions Eyrolles.

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