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One Planet Summit : bonnes intentions mais portée prévisible limitée
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Finance verte

Le "One Planet Summit" se déroule ce mardi 12 décembre à Paris, dans l'attente que les discours se concrétisent en actes.

Henri Landes

Henri Landes

Henri Landes est Directeur général de la Fondation GoodPlanet. Il enseigne aussi la politique de l’environnement à SciencesPo Paris depuis 2013 et est le cofondateur de CliMates, un think et do tank sur le changement climatique. Il a également cofondé une start up, Croc, un traiteur bio, local et zéro déchet en Ile-de-France. Franco-américain, il s’intéresse à la comparaison entre la politique américaine et la politique française, notamment sur les questions écologiques. Il est le coauteur avec Thomas Porcher de l'ouvrage sur la COP21, Le déni climatique (novembre 2015) et auteur de Allô Houston, ouvrages respectivement sur la politique climatique internationale et sur la politique américaine. Diplômé de SciencesPo Paris en Affaires internationales et de l’Université de Californie, Davis, Henri Landes a grandi a New York et San Francisco avant de s’installer à Paris en 2009. Il est passionné par la biodiversité marine, et est par ailleurs ancien joueur de tennis de haut niveau.

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 Atlantico : ​Le "One Planet Summit"​ se déroulera ce 12 décembre à Paris, deux ans après l'adoption du plan climat de la COP 21, à Paris. Alors que la gestion écologique de la présidence d'Emmanuel Macron est contestée dans le pays, notamment sur les "renoncements" de Nicolas Hulot, ne peut on pas constater une forme de dichotomie entre la gestion intérieure du pays (nucléaire, glyphosate, CETA etc...) sur ces questions et l'image que se construit le président sur la scène internationale ? 

Henri Landes : Oui et non. Effectivement, il doit y avoir une meilleure intégration des objectifs sur le climat et l’environnement dans les politiques économiques, commerciales, agricoles et énergétiques françaises. Il n’est plus acceptable de signer des traités commerciaux qui ne mettent pas la préservation de l’environnement comme priorité. Il est impératif pour notre santé publique de permettre aux agriculteurs de sortir le plus rapidement possible de l’usage des pesticides et de se convertir vers le bio et l’agroécologie. Ce sont deux points majeurs où le gouvernement doit rendre son action plus robuste et déterminée, à l’image des décisions sur le traité CETA, le glyphosate et les aides au bio. 

Cependant, l’engagement d’Emmanuel Macron sur la scène internationale est pertinente, car il a bien pris note que l’Union européenne doit jouer un rôle moteur beaucoup plus important que ce à quoi l’on a assisté ces dix dernières années. La France n’est pas un pays isolé. La France s’inscrit dans un cadre européen et international, et l’avancement intérieure en terme environnementale sera d’autant plus réel et effectif si en parallèle l’action européenne l’est aussi avant tout. Pour impulser un changement en France, il faut que ces questions progressent donc positivement au niveau international, au minima sur plan européen du moins. 
Nous verrons si ses prises de paroles d’Emmanuel Macron sur le climat suite à l’annonce de Donald Trump sur l’accord de Paris, à la COP23 et lors de ce sommet à l’Ile Seguin se transformeront en actes, c’est ce qui compte in fine. 

Alors que les Etats Unis ne seront représentés que par un chargé d'ambassade, la Chine par par un ministre pour la Chine, on peut également constater l'absence d'Angela Merkel. Que peut on anticiper, de par cette relative absence des plus grans acteurs industriels de la planète, d'un tel événement ? 

Le One Planet Summit n’est pas une COP, donc il n’est pas primordial d’avoir tous les chefs d’Etat. Même au contraire, ce n’est parfois pas le présence de tous les chefs d’Etat qui donne les avancements les plus concrets. 
Cet événement a pour objectif principal de mobiliser des financements pour le climat. Il met l’accent sur des acteurs non étatiques, donc on ne peut certainement pas parler encore d’échec si ces Etats ne sont pas représentés au plus haut niveau. 
Aussi, il faut bien avoir en tête que les Etats-Unis et l’Allemagne sont des pays fédéralistes, plus décentralisés dans leur processus de décisions, avec des acteurs puissants à différents échelons. C’est ainsi que les acteurs industriels de ces deux pays, qui eux sont bien présents au One Planet Summit – et c’est là l’essentiel – ont un impact absolument central dans l’avancement de la sortie des énergies fossiles.
A ce stade, la Californie, Al Gore, Michael Bloomberg, la Fondation Gates, Arnold Schwarzenegger, Elon Musk et plusieurs grandes ONG américaines vont sûrement faire beaucoup plus pour l’action américaine et internationale sur la lutte contre le changement climatique que le gouvernement américain. 

Au dela de ces problématiques, dans quelle mesure le "One Planet Summit" correspond il aux besoins "de la planète" ? En quoi cette attaque du problème par la question du financement et de la réorientation des investissements est elle intéressante ? 

Justement, ce Sommet touche au nerf de la guerre : l’argent. Où on met l’argent, quel montant, et surtout d’où vient cet argent qui doit être mis au service de la préservation du climat. Dans cette lutte contre la crise écologique qui nous guette, la participation des acteurs privés est cruciale et nécessaire. Ne désespérons pas. L’argent est là, la manne financière existe. La problématique réside plutôt donc dans la réorientation ou réallocation de cette manne financière à des fins de protection de la Nature. C’est bien une question de meilleurs choix et de prise en compte des objectifs climatiques et sur la préservation de la biodiversité, qui sont de plus en plus reconnus comme essentiels pour la performance économique. 
Il est urgent de changer d’indicateurs et de perception de la richesse aujourd’hui. Il faut en finir avec le PIB comme principal indicateur de performance économique, car le PIB peut augmenter en consommant des énergies fossiles, détruisant des ressources naturelles, ou en reconstruisant un territoire suite à une catastrophe naturelle. Les indicateurs prioritaires aujourd’hui sont la qualité de l’air, de l’eau, des sols, de la nourriture, de l’accès aux transports communs et propres. Quelle est notre consommation de viande et d’où vient elle ? Allons nous relocaliser notre système agricole et alimentaire ? Est ce que toutes les innovations technologiques et dans le digital passeront par un crible écologique dorénavant ? 
C’est là que l’action des puissances publiques et régulatrices, les Etats, est fondamentale oui ; car c’est bien eux qui peuvent imposer aux acteurs des objectifs pour le climat et orchestrer des orientations économiques plus durables et pérennes. En ce sens, les décisions prises au G7, au G20, dans les négociations commerciales et un sommet comme celui d’aujourd’hui sont des moments bien plus pertinents que les COP. 
Enfin, le succès du One Planet Summit se mesurera s’il arrive à mobiliser les citoyens. C’est par le bas que la révolution doit s’opérer, que la consommation et nos modes de vie doivent se réorienter drastiquement vers davantage de respect du climat et de la Nature. 

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