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Nucléaire : les fake news de la campagne Jadot
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Qui n'est pas sérieux ?

Sur la question du nucléaire, le candidat écologiste s'est exprimé à de nombreuses reprises et il est enfin l'heure de faire le point.

Kako Naït Ali

Le Dr Kako Naït Ali est ingénieur et docteur en chimie des matériaux.

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Dans une tribune Yannick Jadot réagit aux annonces dEmmanuel Macron sur le nucléaire. Les retards de constructions des nouvelles centrales sont-ils aussi chers que Jadot laffirme lorsquil prend lexemple de Flamanville ?  (17 milliards de surcoût – un chiffre tiré dun rapport de la cour des comptes -, 12 ans de retard). Il affirme alors que le projet du président de construction de 6 nouveaux EPR correspond au budget de lhôpital public (environ 80 milliards deuros NDLR), est-ce vrai ? Est-ce que cela disqualifie les EPR ?

Le coût de l’EPR de Flamanville est passé de 3,4 milliards à 12,7 milliards d’euros selon les estimations d’EDF. Les 3,4 milliards étaient sans doute sous-estimés. Les 12,7 eux, prennent en compte les nombreux aléas. Si on se fixe sur le prix haut pour calculer le coût des futurs EPR, on fait une erreur car Flamanville est une tête de série. Pour les futurs EPR, la prise en compte du retour d’expérience et  l’effet de paire sont à prendre en compte comme dans n’importe quelle autre industrie. Le rapport RTE, lui, compte 9 milliards d’euros par l’EPR, en prenant en compte les toutes ces considérations. Je ne sais donc pas comment Yannick Jadot fait ses calculs, mais je pense qu’il joue à un jeu dangereux qui polarise les débats. D’autant que d’autres comparent le soutien public à l’éolien de la même manière et cela est tout aussi discutable.

Flamanville était une tête de série ce qui, comme dans n’importe quelle autre industrie a conduit à des risques d’aléas et donc de retards. Ce retard ne disqualifie pas les EPR. Il ne faut pas minimiser ce qu’il s’est passé mais prendre en compte le retour d’expérience pour les futurs EPR. Dire que ce sera la même chose pour les futurs EPR tend à laisser penser qu’il n’a aucune idée de la manière dont fonctionne l’industrie de manière générale. D’autant qu’EDF continue de construire en utilisant cette technologie, donc on ne repart pas de zéro. Sur la forme je reproche aussi à Yannick Jadot de préférer critiquer le programme des autres plutôt que de défendre le sien. Il a le droit d’être contre les EPR et le nucléaire de manière générale mais il devrait plutôt parler du scénario qu’il propose. 

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Selon son équipe, le nucléaire consomme plus de 15,7 milliards de m3 deau par an soit 6 280 000 piscines olympiques, ces chiffres sont-ils vrais ? 

Quand on sait comment une centrale nucléaire fonctionne et que l’on lit ça, il y a deux possibilités : soit il ne sait pas et il doit travailler son sujet, soit il sait et c’est de la désinformation. Une centrale nucléaire utilise l’eau et la restitue.  L’eau est prise dans un fleuve où dans la mer et elle est restituée. Une partie va s’évaporer mais le reste ce n’est pas de la consommation, c’est de l’utilisation. Et l’eau ne sert qu’à refroidir, comme dans n’importe quelle centrale y compris thermique. Il essaie de trouver des arguments techniques mais ils tombent à côté du sujet. 

Sur Instagram, il évoque la question du risque et que le nucléaire représente un potentiel danger mortel. Quel est l’état du danger de l’énergie nucléaire actuellement ? 

Cet argument est souvent évoqué. Or si on regarde le nombre de morts par source d’énergie (charbon, pétrole, gaz, hydraulique, etc.) le nucléaire est tout en bas de la liste. En comparaison, l’hydraulique peut être particulièrement meurtrier : quand un barrage cède, cela peut être des milliers de morts et on l’a vu au siècle dernier. Il joue sur une différence assez ténue pour le grand public entre un danger et un risque. Bien sûr, il y a des dangers avec le nucléaire. Ensuite, le risque, c’est une affaire de nature, de probabilité, d’occurrence. Dans le nucléaire, ces risques sont faibles. Il y a effectivement eu des accidents mais à chaque fois, cela a entrainé une évolution de la sûreté et la sécurité. La prise en compte du retour d’expérience a nécessité la mise à niveau régulière des centrales nucléaires françaises. C’est d’ailleurs assez paradoxal de pointer les coûts du nucléaire qui servent notamment à la mise en œuvre de ce retour d’expérience et d’un autre côté de vouloir maintenir les réacteurs jusque 2035-2040 comme le propose le programme du candidat d’EELV. 

Yannick Jadot souligne aussi que 100% de notre uranium est importé et que donc nous ne sommes pas indépendants énergétiquement. Quen est-il ?

C’est vrai, mais c’est également le cas pour la plupart des minerais/métaux et notamment des terres rares dont nous avons besoin pour construire les éoliennes et que l’on ne trouve pas non plus en France. Dans les deux cas il ne s’agit pas de dépendance énergétique, sinon nous ne l’atteindrons jamais. Par ailleurs, nous n’avons pas besoin d’uranium à flux tendu. La France a plusieurs années de stock d’uranium. 2-3 ans de cycle amont et 7 à 8 ans en réenrichissant de l’uranium appauvri. C’est environ 10 ans de stock, donc nous ne sommes pas dans une dépendance immédiate.

La France est-elle le seul pays dEurope à ne pas avoir atteint ses objectifs d’énergies renouvelables comme laffirme Yannick Jadot ?

Sur ce point, il est vrai que la France est en retard sur ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables. Le président de la République l’a d’ailleurs reconnu. On pourrait se dire que ce n’est pas grave parce que notre mix énergétique est décarboné. Mais vu ce qui nous attends, ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Il ne faudra pas que la France cumule des retards sur les énergies renouvelables. Pas plus que sur le nucléaire. Quand on fixe des scénarios et des objectifs, il faut être attentifs à toutes les composantes.

Que penser globalement des déclarations de Yannick Jadot sur le nucléaire ?

Je pense que la stratégie de Yannick Jadot est contreproductive. S’il ne veut pas du nouveau nucléaire, libre à lui mais il ne devrait pas essayer d’utiliser des arguments techniques qu’il ne maitrise pas et qui finalement se retournent contre lui. Par ailleurs, EELV ne veut pas sortir immédiatement du nucléaire, mais d’ici 2030-2035. Mais avec le portrait aussi catastrophiste qu’ils dressent, on se demande comment on pourrait tenir jusque-là. LFI fait d’ailleurs la même chose. Les discours sont contradictoires. Depuis le discours de Macron, beaucoup cristallisent le débat sur le nucléaire mais il a également parlé des renouvelables. Les candidats auraient pu réagir sur ces déclarations pour détailler leurs propres propositions, comme la sobriété sur lequel il a peu développé. Ils pourraient proposer de vrais scénarios d’alternative et ils sont restés sur des débats très technologiques. Au lieu de cela, dans cette Tribune Yannick Jadot demande aux citoyens de signer contre le nucléaire et non pas pour le projet du candidat.

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