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Jean-Michel Nogueroles plaide pour la création d’une organisation politique internationale dédiée au développement durable, à la sécurité intérieure et à la défense des pays européens riverains de la Méditerranée ou euro-méditerranéens.
Jean-Michel Nogueroles plaide pour la création d’une organisation politique internationale dédiée au développement durable, à la sécurité intérieure et à la défense des pays européens riverains de la Méditerranée ou euro-méditerranéens.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Politique internationale

Jean-Michel Nogueroles, fondateur du think tank français Nova Roma, plaide pour la création d’une organisation politique internationale dédiée au développement durable, à la sécurité intérieure et à la défense des pays européens riverains de la Méditerranée ou euro-méditerranéens.

Jean-Michel Nogueroles

Jean-Michel Nogueroles

Jean-Michel Nogueroles est Avocat international et économiste de formation. Docteur en droit (Paris 1), Diplômé de Sciences Po (Economie et Finance), Master en économie appliquée de l’Université autonome de Barcelone et Master of Laws de l’université de Berkeley. Vice-président de l’association Harkis, Honneur, Histoire. Candidat aux élections législatives dans la cinquième circonscription des Français de l’étranger. Radicalement républicain – patriote et européen, viscéralement méditerranéen, issu d’une famille rapatriée d’Algérie, ayant la double nationalité française et espagnole.

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Fondateur du nouveau think tank français NOVA ROMA, Jean-Michel Nogueroles plaide pour la création d’une organisation politique internationale dédiée au développement durable, à la sécurité intérieure et à la défense des pays européens riverains de la Méditerranée ou euro-méditerranéens. Cette nouvelle organisation aurait vocation à associer les nations euro-méditerranéennes et permettrait, au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN, de donner une impulsion commune en vue de mettre en œuvre une vision stratégique proprement euro-méditerranéenne, notamment en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme mais aussi en vue de faire face à toute potentielle menace militaire en méditerranée. Jean-Michel Nogueroles défend également l’idée qu’il sera à cet égard absolument nécessaire que les nations euro-méditerranéennes deviennent le fer de lance européen d’un plan Marshall pour l’Afrique, cogéré avec les pays intéressés et qui serait partiellement financé avec le support de la Banque Européenne d’Investissements agissant en liaison avec la Banque Centrale Européenne.

Comme beaucoup de citoyens, c’est non sans désillusion que j’ai dû progressivement réaliser que l’élargissement de l’Union Européenne, au cours des décennies 1990 et 2000, nous a fait entrer dans une nouvelle phase de la construction européenne : celle d’une Europe politique figée, à bien des égard trop disparate – dominée par l’Allemagne et dont l’immobilisme face aux superpuissances est devenue source d’autodestruction.

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Cet environnement juridique et politique européen élargi est même progressivement devenu, au cours de la première décennie de notre siècle, une entrave aux diverses tentatives de rénovation des politiques publiques, qu’elles aient été nationales ou européenne.

A cet égard, on pourrait relever, à titre d’illustration, quelques moments politiques récents qui sont autant de « rendez-vous manqués » par l’Union Européenne avec l’Histoire :

  • le défaut de mise en œuvre d’un grand plan d’investissements européen en matière d’infrastructures et de transition énergétique (préconisé notamment par le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz) au moment de la crise des subprimes – un tel plan aurait sans doute été la meilleure réponse politique européenne d’un point de vue économique comme d’un point de vue énergétique et stratégique;

ou encore

  • les mesures financières excessivement drastiques et économiquement contreproductives, infligées par l’Union Européenne à la Grèce (prises contre l’avis du directeur général du FMI et d’une bonne partie de la classe politique française). A noter que la dette publique grecque rapportée à son PIB était de 103,70% en 2007 (avant la crise des subprimes), a atteint un niveau de 180,30% en 2014 (après la crise des subprimes) et représentait toujours plus de 180% du PIB grecque en 2019 (soit avant la crise sanitaire - mais après l’application - pendant près d’une décennie - de mesures politiques très lourdes et inadaptées).

Ces moments ont hélas été des indicateurs emblématiques des limites intrinsèques de l’Union Européenne et témoignent de l’inadéquation flagrante des politiques européennes mises en œuvre au début de la décennie 2010.

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Pour mémoire, il est devenu indiscutable que, dans les années qui ont suivi la crise des subprimes, les pays européens se sont globalement appauvris (écarts substantiels en terme de croissance du PIB) comparativement à d’autres puissances économiques, dont les Etats-Unis et la Chine, qui ont su mener, beaucoup plus rapidement que l’Europe, des politiques monétaires accommodantes permettant de renouer plus facilement avec la croissance et l’emploi.

Ce manque de pragmatisme européen manifeste du début de la décennie 2010 a été le produit d’un attachement excessif à de principes rigoristes d’économie classique, érigés en dogme absolu, par une technocratie dominante avec une forme de psychorigidité assez peu latine (ni même anglo-saxonne).

Il est vrai que la crise sanitaire a un peu rebattu les cartes : la mise en œuvre en 2021 d’un grand plan de relance européen destiné à aider les Etats-membres à faire face à la crise sanitaire et à devenir plus résilients (dans le cadre d’une transition écologique) a été incontestablement une avancée.

Pour autant, l’Europe demeure très contrastée voire divisée sur certains sujets fondamentaux, notamment en matière de politique d’immigration, de politique énergétique comme en matière de sécurité et de défense.

Le Brexit est très certainement un symptôme et une conséquence directe de cet échec relatif de la construction européenne. L’Union Européenne est devenue trop technocratique et n’a pas su se doter ni se mettre d’accord sur les véritables moyens de ses ambitions initiales. Son cadre institutionnel est de plus en plus perçu par les peuples des Etats membres comme une entrave à l’exercice de leurs souverainetés nationales.

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L’Union Européenne, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, n’est hélas plus à la hauteur des enjeux géopolitiques auxquels nous devons faire face. L’Europe n’est toujours pas la grande puissance politique que son économie aurait pu lui permettre d’espérer devenir.

L’Europe politique a manqué substantiellement de cohésion entre ses Etats membres : les visions géopolitiques et stratégiques des uns sont, bien souvent, insuffisamment convergentes avec celles des autres.

A titre d’illustration de cette insuffisance chronique de convergence européenne, on pourrait relever le désintérêt qui s’est traduit par un manque de solidarité d’une partie des pays européens à l’égard des Etats-membres, notamment euro-méditerranéens, qui sont directement confrontés à une immigration illégale massive, arrivant par vagues en provenance notamment de l’autre bord de la méditerranée ou du continent africain. Les noms des iles de Lampedusa, de Lesbos ou des Canaries sont hélas devenus célèbres pour leurs flux de migrants incontrôlés, que l’Union Européenne a essayé pudiquement de contenir tout en laissant les pays concernés gérer seul ces crises récurrentes.

Dans un autre domaine, on pourrait également citer le tout récent exemple de l’Allemagne qui, à l’instar d’autres pays d’Europe centrale et pour faire face à la menace russe, a décidé en 2022 de doubler son budget de la défense en investissant dans l’acquisition d’armements américains plutôt que de se lancer – par exemple avec la France et d’autres - dans une nouvelle coopération industrielle européenne.

On pourrait enfin rappeler, sans vouloir être cruel, le choix stratégique peu cartésien (même si ce choix a été fait avant la guerre en Ukraine) d’un certain nombre de pays d’Europe centrale – dont au premier chef l’Allemagne - visant à sortir du nucléaire civil, tout en faisant le choix d’une dépendance énergétique prééminente à l’égard de la Russie (outre la réouverture de nombreuses centrales à charbon !).

Au vu de ce constat, il paraît nécessaire que nous retrouvions un niveau de convergence politique suffisant avec des partenaires qui nous sont les plus proches, afin de pouvoir mettre en œuvre, entre nations souveraines associées, des politiques de coopération renforcée au sein d’un noyau dur composé de pays dont les visions et les intérêts géopolitiques sont les plus compatibles.

Cela ne nous obligerait pas à sortir de l’Union Européenne. Bien au contraire, nous pourrions décider de nous engager plus avant dans une nouvelle organisation dédiée, qui associerait les nations euro-méditerranéennes, qui sont historiquement et culturellement les plus proches. Les pays euro-méditerranéens ne sont-ils pas les plus anciennes nations post-romaines ?

Ce niveau de coopération renforcé entre Etats géopolitiquement et culturellement plus compatibles, nous permettrait collectivement d’acquérir une taille critique suffisante aux fins de la mise en œuvre des politiques internationales pertinentes dont nous avons besoin.

C’est en ce sens que je plaide pour la création d’une nouvelle organisation associant les Etats euro-méditerranéennes et qui serait dédiée au développement durable (y compris intercontinental), à la sécurité intérieure et à la défense. Cette nouvelle organisation qui associerait les nations euro-méditerranéennes permettrait, au sein de l’Union Européenne mais aussi au sein de l’OTAN, de donner une impulsion commune en vue de mettre en œuvre une vision stratégique proprement euro-méditerranéenne : notamment en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme et l’islamisme mais aussi en vue de faire face à toute potentielle menace militaire en méditerranée.  

Une fois de plus, à titre d’illustration, on pourrait souligner le caractère réaliste de cette vision stratégique et géopolitique euro-méditerranéenne (qui ne pourrait se réduire à une référence historique post-romaine à caractère romantique). On se souvient tous des manœuvres menaçantes de la flotte turque (pourtant membre de l’OTAN – tout en étant le principal soutien, avec le Qatar, de la confrérie des Frères Musulmans dont l’objet est de promouvoir l’islamisme radical dans le monde entier) autour des iles grecques au cours de l’été 2020 et qui faisaient peser un risque pour la stabilité des frontières dans cette région. Ce risque a pu être écarté grâce à l’appui conjoint des flottes française, italienne et espagnole venant croiser aux côtés de la marine grecque et qui ont produit un effet de dissuasion.

Il est devenu évident que les enjeux et les défis économiques et géopolitiques auxquels doivent spécifiquement faire face les pays euro-méditerranéens ne sont pas exactement les mêmes que ceux auxquels doivent spécifiquement faire face les nations d’Europe du nord et d’Europe centrale.

Avec l’élargissement de l’Union Européenne, nous avons un peu oublié les réalités de la géographie ainsi que le poids de l’histoire et des différences culturelles. Il redevient nécessaire de réintégrer aujourd’hui ces éléments, pourtant bien tangibles, dans notre approche d’une vision stratégique et géopolitique de la défense de notre civilisation et de nos intérêts dans le monde.

Ce constat, qu’il conviendrait désormais de faire, ne signifie pas pour autant que nous n’aurions plus de vision convergente avec les autres Etats européens, notamment sur des sujets majeurs comme la protection de notre marché intérieur, la politique monétaire, la sécurité aux frontières de l’est de l’Union Européenne ou le respect des engagements internationaux en matière de transition écologique et énergétique.

Il serait, cependant, préalablement opportun de retrouver une bonne partie de notre souveraineté nationale perdue dans certains domaines :

  • Par la renégociation des accords de Schengen afin de mieux préserver les choix souverains de chaque Etat membre en matière de frontières et d’immigration.
  • Mais également en reprenant notre souveraineté militaire dissoute dans le Commandement intégré de l’OTAN.

C’est au moyen de ces choix préalables (qui seraient à partager avec d’autres) que nous pourrions décider de nous associer souverainement en vue d’établir des coopérations renforcées au sein d’une organisation des pays euro-méditerranéens qu’il conviendra de créer (sans quitter l’Union Européenne ni l’OTAN).

La division « Défense » de cette nouvelle organisation pourrait même devenir un pilier autonome, euro-méditerranéen, au sein de l’OTAN. Cette division « Défense » aurait également vocation à piloter la mise en œuvre des politiques de coopération industrielle et technologique renforcée en matière de défense. Ce qui permettrait aussi de faciliter le financement et de stimuler la recherche et le développement d’innovations (utilisables aux fins de la cyber sécurité et de la défense) par des entreprises du secteur privé, tout en générant de la croissance et de l’emploi dans nos économies à l’instar du modèle israélien (dit de « start up nation ») ou encore du modèle américain (même si ce fait pourtant avéré est moins connu).

En outre, cette nouvelle organisation pourrait aussi devenir le fer de lance et le promoteur, au sein de l’Union Européenne, d’une proposition de plan Marshall pour l’Afrique.

Il s’agirait de porter l’idée d’un projet d‘investissements massifs dans des infrastructures manquantes visant à faciliter le développement durable du continent africain :

Il devient essentiel que la réalisation de cette idée soit un objectif politique primordial de nos nations euro-méditerranéennes si l’on veut véritablement assurer la stabilité future de la méditerranée et de notre continent.

En effet, l’Afrique compte environ 1,3 milliard d’habitants. Selon les prévisions de l’ONU, l’évolution démographique africaine sera de plus de 90% : le continent devrait compter environ 2,5 milliards d’habitants à l’horizon 2050 et l’ONU prévoit également qu’il comptera plus de 4 milliards d’habitants en 2100.

Tout l’enjeu de cette projection pour nous, euro-méditerranéens, sera de s’assurer que cette croissance démographique sans précédent sera accompagnée d’une croissance économique au moins équivalente sinon supérieure (si l’on veut que les Etats africains rattrapent leur retard économique et que les africains de manière générale puissent bénéficier d’un niveau de vie plus acceptable).

Si on ajoute à cela :

  • un risque écologique accru pouvant entraîner, selon le cas, la désertification ou l’inondation de certaines zones, qui provoqueront des mouvements de populations désœuvrées et sans nul doute de nouveaux conflits (pour le contrôle de l’eau ou d’autres ressources) ;
  • mais aussi un risque de déstabilisation terroriste islamiste accru, comme on le voit d’ores et déjà au Sahel notamment, où nos forces armées interviennent au côté de forces armées africaines ;

On ne pourra plus se désintéresser, en tant qu’européens et en tant que méditerranéens, de cette perspective qui devient aussi la nôtre compte tenu de notre histoire mais aussi tout simplement compte tenu de notre géographie.

Or la mise en œuvre d’un tel plan Marshall devra sans doute être promue et défendue, au sein de l’Union Européenne, en particulier, par nos nations euro-méditerranéennes associées – plus directement intéressées - qui pourront agir de concert à cet effet en vue de convaincre leurs autres partenaires européens.

Il est à prévoir qu’un tel plan devra en tout état de cause être cogéré avec les pays intéressés, tout en étant partiellement financé – si l’on veut en assurer le succès - avec le support de la Banque Européenne d’Investissements qui pourrait agir en liaison avec la Banque Centrale Européenne.

La croissance et l'emploi que générerait en Europe comme en Afrique le bénéfice de ce nouveau plan Marshall, devraient en en tout état de cause aussi profiter aux entreprises et aux citoyens européens.

Alors pourquoi ne pas ouvrir aujourd’hui le champ des possibles et procéder enfin à l’indispensable rénovation de nos paradigmes politiques, en réintégrant une vision stratégique euro-méditerranéenne dont nous avons tant besoin pour pouvoir faire face aux grands défis du XXIème siècle ?

Jean Michel Nogueroles est avocat international et économiste de formation. Patriote, viscéralement méditerranéen, ayant la double nationalité française et espagnole, il est aussi notamment co-auteur du livre collectif « Repenser la France d’après » (éditions Bold 2021).

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