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Non, l’inversion de la courbe du chômage n’arrive pas trop tard : François Hollande aurait peiné avec le reste de son bilan
©XAVIER LEOTY / XL / AFP

Sans regrets

Depuis son renoncement à se porter candidat pour 2017, certains affirment que François Hollande regretterait son choix. Pourtant, ce dernier paraît plutôt censé compte tenu de l'incompréhension des problèmes que connaît le pays, dont le président a fait preuve au cours de son quinquennat.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Forcément, avec une courbe du chômage en baisse constante depuis 3 mois, et tout de même 110.000 demandeurs d’emplois en catégorie A en moins sur cette période (3% au total), on a la tentation de soutenir que François Hollande a réussi à titre posthume en quelque sorte son pari pour l’emploi. Mais, en se plongeant dans la réalité des chiffres, on retrouve vite le chemin de la raison, et les faits démontent méthodiquement la cosmétique de la communication.

Une inversion modeste de la courbe du chômage malgré l'explosion des stages

Premier point, en effet, qui ne peut leurrer longtemps les esprits même les plus moutonniers : depuis trois mois, les sorties "artificielles" du stock de demandeurs d’emplois connaissent une prospérité inégalée, comme le montrent les chiffres de la DARES (la direction statistique du ministère du Travail) :

(Cliquer pour agrandir)

Comme on le voit, en un an, les reprises déclarées d’emplois n'ont progressé que de 11%. C'est un bon chiffre, mais qui n'explique pas la baisse tendancielle de la courbe du chômage. Celle-ci s'accommode mieux des autres explications : les entrées en stage sur le trimestre septembre/novembre 2016 ont augmenté de 87% en un an, soit un joli chiffre de 35.000 nouveaux stagiaires par mois. Sur trois mois, près de 100.000 demandeurs d’emplois supplémentaires sont donc entrés en stage (et ont provisoirement, artificiellement même, quitté les statistiques de Pôle Emploi).

On retrouve ici, globalement, le compte qui nous manquait : l'inversion de la courbe du chômage est intégralement due aux entrées en stage. Pas la peine de chercher une autre explication structurelle.

Les mauvais esprits complèteront l'analyse en remarquant que les radiations administratives ont, pour leur part, augmenté de 27% en un an. En valeur mensuelle, il faut compter 14.000 demandeurs d’emplois en moins chaque mois grâce à cette méthode expéditive, soit plus de 40.000 personnes nouvelles sorties des statistiques entre septembre et octobre 2016.

Pour un peu, on pourrait même soutenir que, sans ces artifices, le chômage a en réalité augmenté sur le trimestre, puisque le nombre de demandeurs en catégories A a diminué de 110.000 personnes "seulement", alors que le cumul des radiations administratives et des entrées en stage aurait dû conduire à une baisse d'environ 140.000 unités.

L'inquiétant dynamisme des inscriptions

Le premier sujet de préoccupation qui devrait plutôt alerter les observateurs à la lecture des statistiques est celui du dynamisme des inscriptions à Pôle Emploi en catégorie A, B et C. Ce petit graphique officiel dit bien tout ce qui nous inquiète :

(Cliquer pour agrandir)

Ce graphique synthétise les inscriptions mensuelles en catégories A, B et C à Pôle Emploi. De début 2009 à début 2016, celles-ci ont stagné autour de 500.000 entrées mensuelles. Depuis 2016, ce chiffre a explosé (ce qui est très mauvais signe, et révèle une vraie dégradation de l’emploi) jusqu'à flirter avec les 580.000, soit 20% de hausse en quelques mois. Certes, depuis septembre, le phénomène s'amenuise.

Reste qu'en novembre 2016, les entrées à Pôle Emploi se situent encore à un niveau inégalé, historique, d'environ 540.000 inscriptions nouvelles dans le mois.

Ce phénomène a une cause simple et affligeante : les stagiaires, une fois leur stage fini, retournent tous à Pôle Emploi et se réinscrivent. La politique artificielle de formation des chômeurs menée par François Hollande n'a donc aucun impact durable sur l’emploi.

La cavalerie hollandaise amuse la galerie

La politique de formation massive (et obligatoire) des chômeurs permet donc de maquiller provisoirement les statistiques d'une réalité très sombre. Alors que les chiffres du dernier trimestre suggèrent une amélioration de l’emploi, la situation demeure structurellement très dégradée, probablement plus dégradée qu'en 2015. Une fois les élections passées, les sorties de stage, supérieures aux entrées, devraient dégrader les chiffres de façon importante.

On peut en tirer deux conséquences.

Premièrement, des polémiques surviennent sur le droit qu'on aurait ou pas de faire travailler bénévolement les chômeurs ou les bénéficiaires de minima sociaux. Personne ne s'est interrogé sur l'envoi autoritaire des mêmes chômeurs dans des formation bidon qui ne font que truquer les chiffres. Une fois de plus, les indignations sélectives agacent.

Deuxièmement, la dépense publique apparaît une fois de plus incapable de relancer l’emploi. Peut-être parce que seules les entreprises sont des actrices efficaces de la lutte contre le chômage. Encore faut-il leur donner les moyens et les marges pour recruter. Et là, les discussions et débats que nous aurons à la rentrée devraient prouver abondamment le contraire.

Cet article est également consultable sur le blog d'Eric Verhaeghe

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