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Chef de parti ou candidat à la primaire : mais que cache l’accélération du coureur Sarkozy ?
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Grand meeting à Lille

Alors que Nicolas Sarkozy est à Lille ce mercredi pour y tenir un meeting très attendu à droite, la question de son entrée en campagne se pose de plus en plus, y compris pour ses rivaux. Pendant ce temps, Marine Le Pen a déjà choisi son adversaire préféré.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Atlantico : Ce mercredi 8 mai au soir, Nicolas Sarkozy tiendra un meeting près de Lille, après avoir inauguré le nouveau siège des Républicains dans cette ville. Comment le parti a-t-il préparé cet événement ? Quels moyens y a-t-il consacré et quelle importance lui donne-t-il ?

Anita Hausser : Le choix de Lille n'est pas dû au hasard ; la ville de naissance du Général de Gaulle, la terre d'élection de Pierre Mauroy, historiquement de gauche, aurait, après les régionales et les départementales, des chances de basculer à droite. Une grande salle a été louée pour la venue de Nicolas Sarkozy, les militants ont été alertés, (ils répondent toujours présent, surtout si le discours de Nicolas Sarkozy est suivi d'une séance de dédicace), et la presse a été sollicitée pour assurer une bonne couverture de l'évènement. Le Parti LR qui vit dans la disette depuis le retour de l'ancien président de la République, a ouvert une ligne de crédit pour ce meeting du candidat à la candidature aux Primaires, qui ne doute pas de sa désignation par les électeurs de droite en novembre prochain...

A Lille et dans le département du Nord en général, les héritiers politiques de l'ancien Premier ministre de François Mitterrand se déchirent entre pro et anti Martine Aubry qui se pose, elle, en anti-Hollande en chef au PS. En décembre dernier il s'en est fallu de peu pour que le Front National gagne cette région qui s'appelle désormais Hauts de France, et qui est aujourd'hui dirigée par l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Xavier Bertrand  (LR). L'entourage de Nicolas Sarkozy promet un discours fondateur , un qualificatif prometteur de paroles fortes et de critiques impitoyables à l'encontre de son successeur à l'Elysée. Mais dans ce genre de manifestation, l'image compte autant que les discours. Le casting des personnalités qui entoureront le président de LR sera scruté à la loupe  par les observateurs : François Baroin, le nouvel allié, est annoncé. On attend avec intérêt et impatience de connaître la teneur du discours de Gérald Darmanin, ex- benjamin de l'Assemblée Nationale et nouveau vice-président de la Région. Il avait pris ses distances avec le Président de LR, à cause de ses discours identitaires.Tourcoing, la ville dont Darmanin est l'élu, est un symbole du multiculturalisme que Nicolas Sarkozy rejette aujourd'hui au nom de la laïcité. Cette manifestation marquera-t-elle son retour dans le giron de Nicolas Sarkozy, ou s'en tiendra-t-il à sa casquette de président de la Fédération LR du Nord ? Pour Nicolas Sarkozy qui cherche à ringardiser le septuagénaire Alain Juppé c'est aussi l'un des enjeux de cette journée.

Maxime Tandonnet : Les grands moyens déployés pour ce meeting de Lille montrent à l'évidence que M. Sarkozy a choisi d'accélérer l'entrée en campagne. Deux éléments déclencheurs peuvent expliquer cette montée en puissance soudaine : les derniers sondages, qui dénotent une remontée, et les critiques de plus en plus nombreuses qui l'invitent à clarifier ses objectifs. Chez Nicolas Sarkozy, les meetings en période préélectorale ont toujours une importance considérable. En effet, l'ancien président de la République est avant tout un rhéteur, qui aime sentir le contact avec la foule et semble en tirer une force. Il s'éloigne des discours qui lui sont préparés et improvise comme s'il s'adressait à une personne à travers l'auditoire de ses meeting. Ce mode de communication pour lancer une campagne est chargé de sens : il s'adresse au peuple et non aux élites. Le choix de Lille est aussi significatif, le Nord est un lieu qui a particulièrement souffert du chômage, de la désindustrialisation. Le Calaisis avec ses problèmes d'immigration n'est pas loin. Le président Sarkozy choisit donc un angle d'attaque bien précis. Il s'apprête à faire une campagne droitière et sociale, sur les thèmes de la nation, de la sécurité, des frontières, du peuple qui souffre. En cela, il veut clairement se démarquer des approches libérales de ses concurrents.

Au regard des moyens déployés, peut-on imaginer que ce meeting soit l'occasion pour l'ancien Président d'annoncer sa candidature à la primaire de la droite et du centre, comme tous ses rivaux le pressent ces jours-ci de le faire ? Et s'il ne l'annonce pas officiellement, cette réunion publique ne signera-t-elle pas néanmoins sa véritable entrée en campagne ?

Maxime Tandonnet : La question de l'annonce officielle semble secondaire. La tenue d'un tel meeting signifie de toute évidence qu'il est candidat à la primaire.  Va-t-il l'annoncer officiellement ce soir ? Ce n'est pas certain. Une telle déclaration l'obligerait sans doute à démissionner de son poste de président des Républicains. Or, de son point de vue, il n'a pas terminé sa tâche dans cette fonction, notamment celle de la rédaction d'un projet  de campagne. Les rumeurs sont contrastées sur la date de son entrée en campagne et de son départ de la présidence des Républicains. On a parlé de juillet, puis de la fin de l'été. L'expérience de 2007 comme de 2012 montre qu'il n'aime pas réagir sous la pression, cherche aussi l'effet de surprise. Elle montre qu'il préfère attendre le plus longtemps possible avant de devenir officiellement candidat mais que cela ne l'empêche pas d'agir en candidat.

Ce mardi, Marine Le Pen a déclaré dans un entretien à L'Opinion qu'Alain Juppé "sera le candidat" des Républicains à la présidentielle de 2017, et qu'un duel entre elle et lui serait "sain". Ne fait-elle pas là un calcul erroné, alors que même Jean-Luc Mélenchon déclarait dimanche dernier : "Le plus dangereux car le plus déterminé, c'est Nicolas Sarkozy" ? Qu'a-t-elle à perdre du fait de cette erreur de jugement ?

Maxime Tandonnet : Il est tout à fait vrai que Mme Le Pen et M. Juppé sont deux candidats aux antipodes l'un de l'autre, par leur génération, leur parcours politique, leur expérience, leurs idées. Sur l'Europe, la mondialisation, le libéralisme, tous les oppose de manière presque caricaturale. Cependant, on ne voit pas bien ce qu'un tel duel aurait de "sain". Les Français ne sont pas forcément en quête d'un affrontement de points de vue extrêmes ou d'un duel binaire entre deux idéologies. Que ressentent-ils à la vue de la personnalisation à outrance de la vie politique et les batailles de chefs ? Ce phénomène concourt sans doute, dans l'aveuglement général, au climat de défiance envers la politique qui touche 88% d'entre eux (cevipof). Il est probable que les Français dans leur ensemble préfèreraient que les politiques s'appliquent à rechercher des solutions de bon sens à leurs problèmes. M. Mélenchon trouve-t-il Nicolas Sarkozy "plus dangereux" que M. Juppé ? Honnêtement, je suis absolument incapable de dire lequel des deux serait le plus "dangereux" au deuxième tour face à Mme Le Pen ou à M. Mélenchon. En revanche, tout laisse penser que dans une telle hypothèse soit M. Sarkozy, soit M. Juppé, sortiraient largement vainqueur d'un tel duel et pourraient s'installer tout à leur aise à l'Elysée. Mais franchement, ces grands affrontements d'ego, un an avant la présidentielle, ne me paraissent absolument pas à la hauteur de l'attente des Français et des enjeux du monde qui vient.

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