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La France a su sauver une industrie, la fabrique des crises.
La France a su sauver une industrie, la fabrique des crises.
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Solutions et réformes

La politique du quoi qu'il en coûte a contribué à augmenter le poids de la dette. La lutte contre l’inflation a créé des bulles de consommation et de production.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Qui est encore capable de suivre les circonvolutions embrouillées des raisonnements économiques d’Emmanuel Macron ? Ce doit être un effet de la pensée complexe jupitérienne qui veut ça, une pensée complexe dont je suis à l’évidence complètement dépourvue, mais le fait est que selon mon point de vue, les déclarations élyséennes, toujours très enflammées, toujours très littéraires, se succèdent avec une belle cadence sans vraiment coller logiquement les unes aux autres.

Ceci avec le risque non négligeable de voir se poursuivre inlassablement la hausse de la dette et des dépenses publiques françaises que le FMI, après beaucoup d’autres organismes, vient d’épingler dans un énième rapport. Ce risque non négligeable, on est d’autant plus fondé à l’anticiper pour la suite que l’historique de nos comptes publics depuis presque 50 ans n’est que fuite en avant dans les déficits et la dette malgré abondance de discours inverses sur leur maîtrise parfaite.

Oh bien sûr, la France n’est pas le seul pays à avoir emprunté la voie du « quoi qu’il en coûte » pour mitiger les effets des restrictions Covid puis maintenant les effets de l’inflation. Mais la France en situation « normale » partait d’un niveau nettement plus préoccupant que celui de la plupart des grands pays de l’OCDE. De ce fait, on voit mal comment on pourrait faire, maintenant que tout va plutôt plus mal, ce qui n’a pas été fait avant, quand les trois grandes planètes de la conjoncture mondiale (dollar bas, taux bas, prix du pétrole bas) avaient eu le bon goût de « s’aligner » peu après le début du mandat Hollande et jusqu’à la fin de 2019.

Il n’empêche que sitôt rentré de ses vacances d’été 2022 au Fort de Brégançon, alors que l’inflation persistait à vouloir rester encore un bon moment parmi nous en dépit de toutes les incantations de Bruno Le Maire à Bercy et de Christine Lagarde à la Banque centrale européenne, le Président de la République se mit à philosopher avec autant de gourmandise que de grandiloquence creuse sur « la fin de l’abondance, des évidences et de l’insouciance », ajoutant même – il parlait alors à ses ministres – qu’on vivait « la fin des liquidités sans coût ». L’affaire semblait donc entendue ; dorénavant, c’est décidé, on va gérer au millimètre.

Et puis on ne va pas se laisser marcher sur les pieds. Les États-Unis sont un grand pays, un pays ami de la France depuis Lafayette, mais ce n’est pas une raison pour qu’ils se lancent dans une politique de subventions étatiques absolument folle (l’Inflation Reduction Act ou IRA) pour assurer leur souveraineté industrielle en même temps que leur transition énergétique au mépris de leurs partenaires commerciaux.

Invité la semaine dernière à Washington, Emmanuel Macron se faisait fort au départ d’expliquer à son homologue Joe Biden que ce genre de comportement, c’était ni plus ni moins du protectionnisme, avec tout ce que cela impliquait de renchérissement des produits étrangers (dont les fabricants pourraient trouver intéressant de se transplanter outre-Atlantique pour bénéficier de la manne). 

Sur ce point, il n’a pas tort. Le problème, c’est que sitôt de retour à Paris, il en tira la conclusion que nous aussi, Européens, devions avoir notre grand plan de soutien des industries du futur – voitures électriques, batteries, technologie quantique, etc. Souveraineté économique européenne oblige. « Je défends l’idée de subventionner le ‘made in Europe' » a-t-il immédiatement déclaré dans un grand entretien accordé au Parisien le 3 décembre dernier.

À entendre ses propos précédents, ce n’était pas absolument évident. La fin de l’abondance, c’est fini, apparemment. Et puis, il ne faudrait pas oublier que le Green New Deal européen (incluant la fin de la vente des véhicules thermiques en Europe en 2035 et le plan agricole complètement délirant connu sous le nom de « Farm to Fork ») prévoit déjà de consacrer quelque 1 000 milliards d’euros de fonds européens sur 10 ans à la transition énergétique verte sous toutes ses formes.

Mais évidemment, pour la France, la porte est étroite. Dans le même entretien Emmanuel Macron assure ne vouloir augmenter ni les impôts, ni la dette. Il annonce même vouloir baisser les impôts ! Mais comment compte-t-il donc s’y prendre ? En réformant les retraites, explique-t-il. Et de fait, toutes choses égales par ailleurs, le déplacement du curseur de l’âge légal de départ en retraite de 62 ans à 64 ou 65 ans permettra mécaniquement à l’État de faire des économies sur le versement des pensions (en réalité, réforme à courte vue, il y a bien mieux à faire).

Mais surtout, il est question de faire peser sur l’Union européenne, c’est-à-dire sur les partenaires qui le peuvent, le soin de financer ce tout nouveau « Buy European Act » auquel Emmanuel Macron aspire. Il y gagne, croit-il, une stature de grand européen, tout en se déchargeant sur les autres de la mauvaise gestion française. Rien de bien étonnant, il n’a eu de cesse, depuis qu’il est au pouvoir, de vouloir mutualiser au niveau européen tout ce qui constitue une épine dans le pied de la France.

Mais pourquoi s’inquiéter ? La croissance sera au rendez-vous, bien sûr, pour financer tout cela à point nommé. À toutes fins utiles, un projet typiquement keynésien de grands travaux de transport sous la forme de dix nouveaux RER dans dix grandes villes de France permettra opportunément de donner les apparences d’une activité florissante. Et d’éponger le chômage. On ne sait jamais. 

Autrement dit, à voir comment l’on va continuer à dépenser sans le dire, à voir comment la lutte contre l’inflation consiste comme avant à créer des bulles de consommation et de production, c’est à se demander si la plus brillante et la plus durable de nos industries nationales ne serait pas en réalité la fabrique des crises. Pas vraiment la souveraineté qu’on souhaiterait. J’espère de tout cœur me tromper.


Note : cet article est à lire en relation avec « Et si notre modèle social adoré était en fait l’artisan de nos difficultés ? » publié le 24 novembre dernier.

Ce texte a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI 

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