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Naëm Bestandji : "La liberté d'expression d'une partie des utilisateurs est torpillée par Twitter devenu incontournable dans le débat public"
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Gazouillis interdits

Depuis deux semaines, Naëm Bestandji voit certains de ses tweets censurés sans raison valable et l'audience de son compte réduite. Une affaire illustrant bien comment l'algorithme de Twitter favorise des orientations au détriment d'autres.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

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Atlantico : Depuis deux semaines, vous interpellez Twitter et la direction du réseau social afin de signaler des censures sur votre compte Twitter. Qu’est ce que vous reproche le réseau social ? Certains de vos tweets sont-ils contraires aux CGU ?

Naëm Bestandji : Je ne sais justement pas ce que me reproche Twitter. C’est tout le problème. J’ai simplement découvert que Twitter « a défini de manière définitive [mon] paramètre de compte sur Marquer les médias que vous tweetez comme contenant des éléments pouvant être sensibles ». Sur l'application mobile, il n'est pas écrit « contenus potentiellement sensibles » mais « offensants ». Je n’ai aucune idée des tweets ni de ce que j’ai partagé à l’origine de cette décision. Je n’ai jamais enfreint les CGU. Cette sanction arbitraire, sans doute la conséquence d’un raid de signalements pour empêcher la diffusion de mes analyses et alertes sur l’islamisme, a d’importantes conséquences. Mon compte est aujourd’hui partiellement censuré et moins visible. Mon audience a été drastiquement réduite, pendant que ceux dont je dénonce l’idéologie voient leur audience croître.

Y a-t-il un deux poids de mesures quand il s’agit de la censure des posts sur Twitter ? Les algorithmes sont-ils orientés pour laisser s’exprimer une certaine ligne de pensée ?

Effectivement, il semble que les algorithmes favorisent des orientations au détriment d’autres. On ne compte plus les tweets antisémites, les insultes et les appels à la violence qui, selon Twitter, « n’enfreignent pas les CGU ». J’ai moi-même signalé des tweets particulièrement insultants envers des individus, certains dont j’étais la cible, en vain. On ne peut pas tout mettre sur le dos des algorithmes. D’abord parce qu’ils sont créés par des humains. Mais également parce qu’il y a aussi des modérateurs, certes peu nombreux et souvent à l’étranger, mais ils existent.

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Lorsque l’on est soumis à la censure d’un réseau social tel que Twitter, pouvons-nous faire des recours sur les décisions ? Qu’est ce que cela nous apprend de l’importance de ces réseaux dans le débat public ?

Twitter permet de faire appel de certaines sanctions, mais pas toutes. La suspension et la suppression d’un compte peuvent être contestées. Par contre, comme il est indiqué dans ses CGU, quand il décide arbitrairement de définir un « paramètre de compte sur Marquer les médias que vous tweetez comme contenant des éléments pouvant être sensibles », cette décision est définitive et sans aucun recours possible. Avant une décision aussi radicale, les utilisateurs ne sont même pas alertés sur les tweets qui, selon Twitter, seraient problématiques ni en quoi ils le seraient. Cette attitude, qui en plus ne repose sur rien d’objectif, et cette opacité sont dignes des régimes autoritaires voire totalitaires. Nous sommes pourtant en France, pas en Chine ni en Corée du Nord. La liberté d’expression d’une partie des utilisateurs est torpillée par ce réseau social devenu incontournable dans le débat public.

Ces sanctions s’abattent sur de nombreux citoyens et militants laïques, universalistes et démocrates. En ce qui concerne mon domaine, des prédicateurs islamistes peuvent tweeter sans problème leurs classiques arguments sexistes et patriarcaux concernant « l’obligation du port du voile ». Ils peuvent même tweeter pour expliquer comment et pourquoi battre son épouse. Mais analyser et alerter sur ces discours peut entraîner une sanction parce que des islamistes signalent avoir été « offensés » dans leurs croyances !

Les conséquences d’un tel arbitraire sont réelles. Cela favorise la diffusion d’idées extrémistes tout en invisibilisant une partie de celles et ceux qui s’y opposent.

Que faudrait-il faire pour que Twitter ne biaise pas ainsi les débats ?

Il faudrait d’abord que ce réseau social précise ses CGU et, surtout, qu’il les respecte. Le plus incroyable est là : Twitter ne respecte pas ses propres règles puisqu’il les applique au doigt mouillé et presqu’à la tête du client. Il faudrait aussi permettre les recours contre toutes les sanctions, sans exception. En amont, il faudrait perfectionner ses algorithmes. Enfin, il faudrait recruter plus de modérateurs français. Ils seraient mieux à même de distinguer ce qui relève en France de la « sensibilité » et de « l’offense » de ce qui ne l’est pas.
Pour ma part, je continuerai à interpeller Twitter jusqu’à ce que cette sanction injuste et discriminatoire soit levée. En tant que lanceur d’alerte et source d’informations, et comme cela devrait être le cas pour tous les lanceurs d’alerte, mon compte doit être certifié pour être protégé des signalements abusifs.

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