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Municipales : quelques leçons d’un premier tour pour rien
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Résultat municipales

Le premier parti de France est l’abstention. Le président de la République avait assuré que l’on pouvait aller voter sans danger. L’opposition LR avait bloqué les velléités de ce même président, jeudi 12 mars, de repousser, au dernier moment, les municipales. Autant dire que le vote est d’abord une formidable illustration du discrédit dans lequel sont les partis de gouvernement.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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La parole présidentielle n’a pas porté plus que le calcul politicien de ceux qui se disaient qu'ils allaient engranger des gains et se remettre en selle pour les régionales et les présidentielles. La question se pose d’ailleurs de savoir si ces élections peuvent être considérées comme « représentatives ». En fait, je propose de prendre pour point de repère l’abstention des législatives de 2017, à peu près équivalente (57% contre 56% aujourd’hui). Dans une situation de forte abstention, les Français choisissent d’envoyer un message. Il n’est pas le même à trois ans d’intervalle.  


1. Finie la domination, à presque un tiers de l’électorat au premier tour, de LREM: le parti du président voir son pourcentage, en moyenne, pratiquement diminuer de moitié. C’est selon moi la première leçon essentielle de ce scrutin. Le président de la République avait réussi, jusqu’à présent, dans les sondages et aux élections européennes, à maintenir son score de premier tour à l’élection présidentielle, un peu moins du quart de l’électorat. Il est à présent menacé par un frère jumeau, le parti écologiste. Le candidat écologiste arrive en tête à Grenoble, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, pour citer quelques grandes villes. Mais, surtout, il faut noter que la recette qui a marché à ces élections, c’est l’union entre les Verts et le PS: à Bordeaux, à Tours, à Lille, à Rennes. Le parti revigoré par ces élections ne semble pas être LR mais le PS: et la notion d’union de la gauche (PS + Verts) refait surface à Lille ou Marseille. A Paris, c’est sans aucun doute grâce aux Verts qu’Anne Hidalgo sera réélue, en s’appuyant sur son bon score de premier tour. Les succès de 2017 avaient été obtenus pour LREM grâce à un afflux de voix de gauche; les européennes avaient été un semi-succès grâce à une petite poussée dans l’électorat LR. Cette fois, la réélection de Darmanin à Tourcoing et le ballotage en demi-teinte d’Edouard Philippe au Havre ne doivent pas cacher le fait que le président vogue vers des eaux très incertaines. 


2. Cependant, il faut bien le noter, la droite reste toujours aussi divisée, et sans leadership. Tout dans l’actualité (pilotage à vue du gouvernement dans la crise du Coronavirus, incidents créés par la Turquie à la frontière grecque etc...) aurait dû permettre à Marine Le Pen et au Rassemblement National d’effectuer une percée. Or le parti connaît des succès là où ses maires sortants sont réélus ou en bonne position. La réélection des maires d’Hénin-Beaumont ou de Fréjus ne doit pas dissimuler le fait que Louis Aliot, à Perpignan, est, avec 36% des voix, dans une situation incertaine pour un second tour, malgré sa large avance. Pour être assuré de l’élection, il aurait fallu qu’il dépasse les 40%, ce qui lui aurait évité que 3 candidats au-dessus de 10%, qui cumulent 46% des voix, puissent élaborer une stratégie pour le faire battre. L’autre enseignement à droite, c’est le fait que LR ne tire pas vraiment son épingle du jeu. Là encore, il y a une prime au sortant. Mais aucune dynamique nouvelle n’a émergé. L’exemple le plus emblématique est sans aucun doute Paris. La carte des résultats du premier tour montre que Rachida Dati a certes mis fin à l’emprise de LREM sur l’Ouest parisien. Mais elle ne fait rien d’autre que de reconstituer la carte municipale qui existe depuis 2001, fermant la parenthèse LREM: au-delà des arrondissements de l’Ouest, aucune vraie conquête au nord et à l’est. La candidate avait eu de très bonnes intuitions en allant faire campagne dans le 18è, par exemple. Mais rien n’a été transformé en victoire électorale à la fois parce que les barons LR ont souvent freiné l’élan de la candidate à la Mairie et parce que cette dernière n’a pas mis en place une stratégie moderne de ciblage électoral par les réseaux sociaux là où elle aurait pu engranger des gains considérables, comme dans le 12è arrondissement. 


Au total, donc, le premier tour des élections municipales, un « premier tour pour rien » si le second tour devait être annulé, aura servi à la fois de laboratoire politique pour des recompositions et d’avertissement au trio LREM/LR/RN, qui a été incapable de s’élever au-dessus des enjeux pour mettre en place un report des élections en pleine épidémie. 

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