Multiplication des règlements de compte : une analyse criminologique<!-- --> | Atlantico.fr
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La police sur une scène de règlement de comptes, dans le 13e arrondissement de Marseille
La police sur une scène de règlement de comptes, dans le 13e arrondissement de Marseille
©AFP - GERARD JULIEN

Quand les bandits s'entretuent

De janvier à mai, à l'échelle nationale et sur les mêmes mois de 2022, les homicides et tentatives entre bandits explosent à plus 60%. De janvier à mai, une trentaine de fusillades à Nantes, 23 assassinats à Marseille et alentours (En 2019, l'année d'avant COVID, 19 morts en tout). Pourquoi cette frénésie homicide dans le milieu criminel ?

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Plusieurs motifs convergent :

- La cocaïne inonde l'Europe. Jamais elle n'a été si accessible, peu chère et pure à la vente de détail. Les criminologues savent que quand émerge un marché de la drogue, le bain de sang est inévitable. L'arrivée du crack aux États-Unis (± 1984) a provoqué une hécatombe de jeunes dealers Noirs de 15-24 ans.

Qu'ont fait l'Union Européenne, le ministère français de l'Intérieur, nos services spéciaux, à l'annonce du tsunami de la cocaïne dans nos ports, puis dans nos cités hors-contrôle ? De la com', des rodomontades, des parlottes avec quelques sociologues-gauchistes : rien.

- Second motif des tueries : le sidéral mépris des bandits pour ce que disent et prétendent faire MM. Macron, Darmanin et Dupond-Moretti. Jadis, Mao qualifiait l'impérialisme de "Tigre de papier" : la précitée triade n'est qu'un collectif ours en peluche, sans crocs ni griffes, habitant un nirvana numérique coupé du terrain. Voici peu, la tuerie s'aggrave encore à Marseille. Seule réaction de la pauvre préfète de police : deux pages de publicité rédactionnelle dans le docile quotidien local - ce dont les lascars des quartiers nord se tapent, comme d'ailleurs, de toute simagrée médiatique. Leur sabir dit "Balek" (pour je m'en bats les c...). 

Parfois, leurs fiefs criminels subissent le timide coup d'épingle d'une police sans moyens, réduite à boxer, une main dans le dos ; surtout, sans ordres clairs. Cette absence de commandement tient à l'ignorance des dirigeants de l'État sur le réel les gangs et les gangsters. 

À titre d'aide charitable, voici donc la radiographie du plus intraitable bastion criminel des quartiers Nord de Marseille : la Castellane. À sa tête, Mohamed "Mimo" D., dirigeant du Maghreb ou de Dubaï son supermarché de la drogue : six "plans" à la Castellane - un débit énorme, mais pas un coup de feu depuis des années. Un autre caïd, admiratif : "Mimo, il se passe jamais rien chez lui. C'est toujours à l'extérieur... Il contrôle le quartier... personne veut s'attaquer à eux... Mimo, il a intégré toute la chaine du trafic... c'est presque un grossiste". Bien sûr ce dispositif rayonne loin du fief d'origine. Un expert de terrain détaille sa structure :

- contrôle des prisons, agents du gang parmi les détenus et gardiens pour faire passer des messages, intimider d'éventuelles "balances", protéger les amis, les doter en portables, etc.

- policiers ou magistrats "ripoux" pour "enfumer" la police sur la hiérarchie réelle du gang, surveiller les déclarations des interpellés ; systèmes de contacts cryptés avec des avocats complices pour préparer les confrontations : un vrai service de renseignement.

- Un groupe "action" identifie et balise les véhicules ennemis pour de futurs règlements de comptes.

Face à ces puissants appareils criminels, à quoi bon de futiles "pilonnages" ou opérations de com', aussitôt pris en compte et absorbés ? Preuve : le prix de la cocaïne baisse encore, signe formel qu'elle abonde, que le marché est fluide, bien achalandé.

Tel est le réel criminel dans la favela-Darmanin ; ailleurs en France :

- "Compiègne, Metz et Bordeaux sont devenus les nouveaux territoires du crack", 

- Dans la zone hors-contrôle dite Quartier Pissevin à Nîmes, la médiathèque ferme, ses employés étant chaque jour fouillés et molestés par des dealers ; venu enquêter sur place, un journaliste est lynché par le gang local, son matériel détruit.

- Devant une école de la zone hors-contrôle dite Quartier Fontbarlettes à Valence, des bandits portant poignards et sabres menacent de morts et chassent des parents et leurs bambins (maternelle... CE2...), qui "dérangent" leur point de deal.

Est-ce mieux au nord de la France ? Pas vraiment : à Creil, ville sous emprise criminelle, un boulanger cambriolé six fois, puis kidnappé et volé, ferme et fuit. Sa boutique cambriolée SIX fois, mais les statistiques biaisées du ministère de l'Intérieur ne publient que des chiffres sur les cambriolages de logements privés. 

De telles entourloupes permettent seules au gouvernement de prétendre que tout va bien. Pour le moment.

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