Carrefour, PSA... Comment le gouvernement va-t-il gérer le risque social lié à la vague des licenciements ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Carrefour, PSA... Comment
le gouvernement va-t-il gérer
le risque social lié à la vague
des licenciements ?
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C'est pas fini

Après PSA cet été, la direction du groupe Carrefour a annoncé mercredi aux syndicats la suppression de 500 à 600 postes administratifs en France.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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L’annonce par PSA, avant l’été, d’une série de fermetures de sites industriels avait posé le décor douloureux dans lequel l’économie française va vivre l’automne : plans sociaux à gogo, y compris dans de grands groupes que l’on imaginait à l’abri de ces «fortunes de mer», comme disaient les capitalistes au temps du commerce maritime.

Aujourd’hui, c’est le groupe Carrefour qui se livre à ses funestes annonces. A qui le tour demain? Un fait est acquis : le chômage va frapper, avec sa cécité brutale de grande faux qui sème la désolation partout en France.

Il serait injuste d’en faire le reproche à quelconque gouvernement. L’Europe entre en récession, et se trouve désarmée, à quelques exceptions près, face à ce fléau qui couche  prématurément les blés de nos provinces.

Simplement, il semble que le pédalo France vive cette épreuve difficile dans une conjonction astrale particulièrement défavorable.

La baisse de l’euro fait flamber le prix du carburant, ce qui constitue une saignée franche pour les familles dont les salaires à l’étroit ne permettent pas d’accéder à un logement en centre ville ou proche de leur emploi. Celles-là se sont exilées dans des banlieues de plus en plus lointaines et sont frappées de plein fouet par le renchérissement de nos importations, donc de l’essence.

Parallèlement, le prix des matières premières, notamment alimentaires, augmente lui aussi, et c’est au final toute la visite à l’hypermarché le samedi matin qui est plus coûteuse : le déplacement, et le contenu du panier lui-même deviennent un effort de plus en plus lourd, au pire moment qui soit pour les Français, celui de l’angoisse face aux lendemains qui déchantent.

Face à cette montée perceptible de la peur, la pire qui soit, celle de l’assiette vide au repas du dimanche, le gouvernement est confronté à un défi complexe: celui de la gestion du risque social collectif, et à une tentation : celle de l’intervention intempestive.

L’intervention intempestive consiste à imaginer que la gouvernance des entreprises peut être administrée ou influencée par l’Etat ou le gouvernement. Comme si les entreprises pouvaient obéir aux mêmes principes que les services de l’Etat: une circulaire, un décret, une admonestation, et le problème est réglé. La difficulté, que peu de gouvernements parviennent à saisir, tient au fait qu’un citoyen n’a d’autre choix que de respecter la loi, alors qu’un client est libre de choisir son fournisseur.

L’effondrement des ventes de PSA en donne un exemple : Peugeot fabrique des voitures plutôt moins chères que ses concurrentes, mais les vend moins bien, notamment que Volkswagen, pour des tas de raisons qui tiennent à la liberté de choix de l’acheteur.

À moins de revenir à des logiques soviétiques de fabrication d’un seul modèle de voiture que les Français seraient plus ou moins contraints d’acheter, on voit mal comment sortir de cette ornière, si ce n’est en laissant les dirigeants d’entreprise assumer leurs responsabilités.

Leur imposer une multiplicité d’obligations et de règles en sus de celles qui existent déjà (contenues dans des dizaines de milliers de pages de codes divers et variés) est de ce point de vue totalement contre-productif, même si cette réponse est une tentation facile : celle de l’illusion qu’un fonctionnaire se donne d’être utile et de faire (sincèrement d’ailleurs) son devoir pour résoudre les difficultés.

Le défi complexe auquel le gouvernement est confronté en ces temps de malheur est celui de la gestion du risque social.

L’exposition grandissante des Français aux souffrances économiques n’est en effet pas un jeu à somme nulle.

D’un côté, les plans sociaux créent un climat anxiogène, un climat d’émotion et d’exagération passionnelle, globalement malsain pour la démocratie. Parce que les plans sociaux à répétition donnent le sentiment que la relation des salariés au risque de chômage n’est pas un problème individuel, mais un problème collectif, elle nourrit assez naturellement l’intuition que la solution aux malheurs du temps est forcément collective.

D’un autre côté, les victimes des plans sociaux se trouvent en proie à des difficultés qui constituent un facteur objectif de perturbation de notre équilibre social. Dès lors que ces victimes des plans sociaux ne sont plus des salariés des entreprises, celles-ci se considèrent souvent comme déliées de toute obligation dans la gestion du risque qu’elles ont créé pour l’ordre collectif.

C’est ici que le gouvernement doit jouer un rôle particulier. Il lui revient de devoir gérer ce risque constitué par des centaines de milliers de chômeurs que la conjoncture économique prive d’un véritable espoir de retrouver rapidement un emploi stable.

Il n’existe pas de méthode miraculeuse pour relever ce défi, mais certaines idées défendues depuis longtemps mériteraient d’être mises en oeuvre rapidement : la sécurité sociale professionnelle proposée par la CGT, par exemple, contribuerait à rassurer les salariés sur l’impact des licenciements collectifs.

Pour y parvenir, il faudrait une vision large, où l’enjeu politique ne serait pas du quichotisme moderne, mais une efficace gestion des risques collectifs.

Laquelle de ces voies le gouvernement de Jean-Marc Ayrault choisira-t-il ? Les semaines à venir le diront.

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