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Morts du froid : les coûts élevés de l’énergie pourraient faire plus de victimes en Europe que la guerre en Ukraine cet hiver
©Sakis MITROLIDIS / AFP

L'hiver tue

Selon un article de The Economist, Vladimir Poutine utilise l'énergie comme une arme, ce qui pourrait causer plus de morts en Europe cet hiver que de soldats tombés sur le champ de bataille en Ukraine

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Drieu Godefridi

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, et dirigeant d'entreprise. Il est notamment l'auteur de Le GIEC est mort, vive la science ! (Texquis, 2010), La réalité augmentée (Texquis, 2011) et De la violence de genre à la négation du droit (Texquis, 2013).

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Atantico : Selon The Economist, le nombre de victimes de l'"arme énergétique" de Vladimir Poutine - la hausse massive des prix de l'énergie - pourrait dépasser le nombre de soldats morts au combat en Ukraine jusqu'à présent. Sur quels chiffres s'appuie cette affirmation ?

Drieu Godefridi : Le froid tue. On l’a oublié, dans nos régions épargnées par la guerre depuis 1945, dans nos pays qui se sont accoutumés à l’abondance énergétique. Il n’en reste pas moins que le froid tue. L’explosion des tarifs de l’énergie, consécutive à la guerre en Ukraine, mais surtout la conséquence des politiques énergétiques ‘écologistes’ délirantes menées en Europe depuis vingt ans, a conduit et conduira des centaines de millions d’Européens à restreindre leur consommation d’énergie, de chauffage en particulier. Avec les prix de l’énergie que nous connaissons actuellement, explique The Economist, 147.000 Européens mourront par surcroît de la moyenne des années 2015-2019. Si l’hiver est doux, selon la simulation du magazine britannique, on tombe à 79.000 morts excédentaires. Si l’hiver est dur, le nombre est de 185.000 morts ‘excédentaires’. Soixante mille soldats sont tombés, en Ukraine, à ce jour. Dit autrement, même dans le scénario le plus favorable (hiver clément), l’explosion des prix de l’énergie causera la mort d’un plus grand nombre d’Européens que la guerre en Ukraine n’a tué de soldats. À méditer.

À quel point la hausse des prix de l'énergie menace-t-elle actuellement les populations? Quelle est la corrélation entre prix du gaz et mortalité ?

Jérôme Marty : La gravité de la chose n’est pas prise en compte par les politiques. Je prends mon exemple : je suis directeur d’un établissement de soin et nous payons en moyenne 31.000 € d’électricité annuellement. J’ai reçu les tarifs effectifs à partir de mars, pour ce que je payais 14 et 7.000 €, je vais payer 76 et 36.000€. Je vais donc passer d’une facture de 31.000 à plus de 200.000 € et je ne sais pas du tout comment je vais pouvoir faire face à cela. Et cela ne tient pas compte du gaz. Je ne pense pas que les aides soient suffisantes pour couvrir cette explosion tarifaire.

Pour les structures de soins c’est très dangereux sur le plan collectif, les prix de l’énergie vont résonner sur la santé des Français. Les cliniques vont notamment devoir reporter leurs tarifs en énergie sur le prix de location des blocs opératoires. Ce qui veut dire que les chirurgiens ne pourraient potentiellement pas faire face à cette crise, de même que pour les radiologues et les dépenses énergétiques dues à leur activité. 

On risque d’assister à une faillite non-négligeable dans le secteur de la santé. Ce sera un coup de plus porté à notre système déjà fébrile.

Drieu Godefridi : The Economist se montre prudent, à juste titre, car l’explosion des coûts de l’énergie que nous connaissons depuis un an est sans précédent récent, en Europe. La simulation statistique doit également tenir compte des politiques nationales de cantonnement et ‘lissage’ des prix de l’énergie. D’un strict point de vue épistémologique, il est toujours sain de se méfier des modélisations mathématiques de l’avenir — on songe aux modèles des rapports du GIEC, et aux récentes simulations sur les morts par COVID. Reste cette vérité universelle, dans le temps et dans l’espace : le froid tue. Le froid tue directement ceux qui renoncent à se chauffer, ceux qui périssent dans la rue ; le froid favorise les maladies mortelles qui prospèrent en hiver (virus, tension artérielle, …) ; le froid tue ceux qui tentent de se chauffer par des moyens alternatifs, de fortune (cas notamment des black-out et délestages).

Damien Ernst :L’article de The Economist le souligne bien, quand les gens vivent dans le froid, le système cardiovasculaire est soumis à rude épreuve et les accidents cardio-vasculaires augmentent. Ils sont aussi exposés à des maladies de l’appareil respiratoire et des infections qui se répandent plus. On peut aussi évoquer un point qui n’est pas mentionné, l’empoisonnement au monoxyde de carbone lors du recours au charbon ou des cheminées mal entretenues pour réduire les factures de gaz.

Combien de personnes sont concernées par la précarité énergétique ?

Damien Ernst : Difficile à dire, en France on considère que près de 7 millions de logements sont des passoires thermiques. Mais on peut émettre l’hypothèse que 20 à 30 % de la population va se retrouver contrainte à réduire son chauffage pour limiter la hausse des prix. Mais il est difficile de savoir exactement à partir de quel moment les risques augmentent vraiment. Les pays du Sud sont moins soumis à des vagues de froid mais plus sensibles aux hiver rigoureux car leurs bâtiments sont moins bien isolés et chauffés. L’article de The Economist explique que, au Portugal, 36 % de personnes de plus meurent chaque semaine en hiver qu'en été, alors qu'en Finlande, ce chiffre n'est que de 13 %.

Les patients à haut risques ont été invités à contacter les ARS au cas où il y aurait des coupures d’électricité, qu’en est-il ? 

Jérôme Marty : Ils ne savent pas trop si cela sera le cas donc ils jouent de prudence pour le moment. Mais les cabinets médicaux ne font pas partie des entreprises prioritaires contrairement aux établissements de soin. Avec le froid qui arrive, certains médecins vont devoir faire attendre leurs patients dans des salles non-chauffées ce qui prouve la considération de la médecine dans ce pays.

Il y a quatre facteurs de décès pendant l’hiver notamment la sévérité des pandémies, que savons-nous de ce qui tue en hiver ?

Jérôme Marty : On sait que les épidémies répétées fatiguent les organismes. Donc si certaines personnes sont seules, ne peuvent pas se chauffer, etc.. Il y a une fragilisation qui peut entraîner une décompensation. L’isolement est presque le premier facteur de danger. De nombreuses personnes âgées perdent la sensation de faim ou de soif, si elles ont froid ou qu’elles sont infectées par on ne sait quel virus cela peut s’avérer très dangereux.

Tous les facteurs qui dégradent la santé sont réunis en ce moment.

Un hiver plus rigoureux est-il synonyme de plus de décès ?

Jérôme Marty : Pour les personnes en conditions précaires avec des logements peu adaptés ou même pour ceux qui sont à la rue c’est évidemment plus dur. Aznavour le chantait bien : « Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil ». C’est plus facile d’être à la rue sous 20°C que sous -5 quand il pleut.

Oublie-t-on trop souvent le coût humain des vagues de froid ? A quel point peuvent-elles être mortelles ?

Drieu Godefridi : La construction européenne, qui n’était pas encore ‘Union,’ s’est pour une large part bâtie sur la volonté de favoriser la production, en Europe, d’une énergie abondante et peu onéreuse. Deux des trois communautés originelles — charbon-acier et énergie atomique — répondaient à cette volonté. Longtemps, la politique européenne de l’énergie s’est décidée sous l’égide, entre autres, d’experts tels Samuele Furfari, visionnaires, humanistes et conscient du fait que l’énergie fonde l’existence humaine dans chacune de ses manifestations. Aujourd’hui la Commission européenne est dominée par des écologistes fanatiques tels Frans Timmermans, sous la houlette d’une technocrate sans envergure, pour ne rien dire du Parlement européen. Le premier Macron a vandalisé le parc nucléaire français, que le second Macron tente de rapiécer dans l’urgence. La Belgique persiste à fermer des réacteurs nucléaires parfaitement opérationnels en pleine guerre d’Ukraine. L’Allemagne s’est laissée acheter par la Russie. Les plus grands mouvements écologistes européens ont été massivement financés (achetés, corrompus) par Gazprom, c’est-à-dire le gouvernement russe. La conséquence de cet écologisme appliqué, depuis vingt ans, est que nous entrons dans l’hiver, nous arrogants Européens, comme une bande de cul-terreux sous-équipés. Des dizaines de milliers d’êtres humains, les plus fragiles, mourront de froids, premières victimes directes de l’écologisme appliqué. Désormais, cette idéologie humanicide doit être combattue par tous les moyens légaux et démocratiques. C’est une question de survie — littéralement.

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