Monseigneur Laurent Ulrich : "Chacun a sa place dans l’Eglise, il faut accepter que les questions difficiles puissent être posées"<!-- --> | Atlantico.fr
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L'archevêque de Paris Laurent Ulrich lors d'une messe à la mémoire de l'ancien pape Benoît XVI à l'église Saint-Sulpice de Paris, le 4 janvier 2023.
L'archevêque de Paris Laurent Ulrich lors d'une messe à la mémoire de l'ancien pape Benoît XVI à l'église Saint-Sulpice de Paris, le 4 janvier 2023.
©THOMAS SAMSON / AFP

Synode

Interview avec l’archevêque de Paris alors que le 16e synode s’ouvre aujourd’hui à Rome. Parmi les thèmes abordés : le mariage des prêtres, la bénédiction des couples homosexuels et le divorce des fidèles…

Laurent Ulrich

Laurent Ulrich

Mgr Laurent Ulrich est archevêque de Paris depuis le 26 avril 2022.

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Atlantico : Au cours de cette première session du synode, ce sont des thèmes sensibles qui vont être débattus : le mariage des prêtres, la place des femmes, l’accueil des LGBT+, le divorce des fidèles… Certains observateurs parlent d'un synode révolutionnaire, historique. Y a-t-il un risque de division en abordant tous ces sujets?

Mgr Laurent Ulrich : Ce qu’il faut rappeler avant tout, c’est que ce qui s’ouvre aujourd’hui à Rome est une phase de discussion qui intervient à la suite de tout un processus de concertation à l’intérieur de l’Eglise, lancé en 2021. A l’époque, le pape François a invité tous ceux qui le voulaient, dans l’Eglise, à répondre très librement, par petits groupes, dans les paroisses, prêtres comme laïcs, à cette question : comment faire pour que dans notre Eglise catholique, tout le monde ait davantage voix au chapitre – que ce soit dans l’évolution de la vie de l’Eglise, dans sa manière d’être et de réfléchir, de décision, d’organisation ?

Ce qui est ressorti des réponses données à ce premier échelon, qui a réuni des milliers de personnes dans le monde entier, est ensuite remonté dans les paroisses, puis au niveau national, continental, et c’est ce qui constitue la base de la discussion pour la phase du synode qui débute aujourd’hui.

Les sujets abordés vont au-delà de ce que ceux que vous évoquez. Le fond de la discussion, c’est bien celui-ci : Pouvons-nous comprendre que dans l’Eglise chacun a sa place, peut prendre la parole, témoigner de son expérience et la faire remonter le mieux possible ?

Ce qui compte ici, c’est de se mettre devant la mission de l’Église qui est d’annoncer et de vivre la bienveillance de Dieu pour tous les hommes, en prenant en compte des questions qui méritent d’être traitées pour elles-mêmes, comme celles qui concernent la sexualité, dont certaines avaient déjà été posées lors du synode sur la famille de 2015.

S’agissant du risque de division, je crois que dans le monde où nous vivons, travaillé comme il l’est sur le plan social, sociétal, il faut accepter que ces questions difficiles puissent être posées. Elles vont ensuite être étudiées, réfléchies et discutées à partir de ce que nous croyons.

Sur le mariage des prêtres ou le divorce des fidèles... Est-ce qu'il n'y a pas un danger pour l'Eglise de remettre en cause ses dogmes? Toutes les Eglises qui ont suivi ce chemin ont perdu des fidèles…

L’enjeu de cette session du synode n’est aucunement de remettre en causes les dogmes de l’Eglise catholique. Il s’agit de réfléchir ensemble à une meilleure participation de tous les baptisés à la vie de l’Eglise, quel que soit l’état de vie ou le parcours de chacun, et en vue d’une annonce plus adaptée de la Bonne Nouvelle de Dieu destinée à tous les hommes. Il est possible de réfléchir à cela sans renoncer à exprimer ce en quoi nous croyons.

Avec ce synode, quels sont les enjeux pour le Pape François?

Je crois que le pape est très conscient de ce que la mission de l’Eglise est d’être au milieu de ce monde, celui-ci, et pas un autre, idéal ou révolu. Nous croyons profondément que ce monde ci, c’est le monde que Dieu aime et conduit, et dans lequel Il nous envoie annoncer l’espérance à tous. C’est ce que le pape disait à Lisbonne et qu’il a redit à Marseille : « todos, todos, todos ». Alors bien sûr, il y a dans notre monde aujourd’hui des questions qui se posent à l’Eglise, pas les mêmes qui lui étaient posées par le passé ; mais à ces questions il nous revient d’apporter une réponse chrétienne.

Le synode va durer 4 semaines. Que peuvent espérer les catholiques de ce mini concile ? Les dernières assemblées n’ont pas donné grand-chose.

Je ne pense pas que l’on puisse dire que les dernières assemblées n’ont pas donné grand-chose : la dernière, c’était sur les jeunes. Et on a vu que les JMJ à Lisbonne ont été un vrai succès, au-delà de toutes les espérances, non seulement en nombre (1,5 million de jeunes, au lieu d’un million attendu) mais aussi en qualité de participation : ces jeunes ne sont pas seulement des priants – ce qui nous réjouit ! – mais aussi des jeunes conscients des défis du présent et de l’avenir, déjà engagés sur les questions d’écologie, de bien commun, de paix sociale, de relations entre les peuples.

Car les synodes nous « déplacent » : ils nous font nous poser des questions, et cela a comme première conséquence de changer notre regard. Je prends un exemple, celui du synode sur la famille. A la suite de ce synode, le pape a publié l’exhortation apostolique Amoris Laetitia sur l’amour dans la famille, dans laquelle il exprime clairement que la doctrine de l’Eglise sur le mariage et la vie familiale est à la fois belle et difficile : il ne s’agit pas pour l’Eglise de renoncer à cette doctrine, car nous savons qu’elle peut rendre heureux, mais de prendre conscience qu’il existe dans notre monde des personnes qui vivent des situations différentes, et qu’il nous revient de les accueillir, de construire un chemin avec elles. Cela a changé le regard de beaucoup de responsables dans l’Eglise.

Prenons un autre effet très concret de la pratique des synodes, qui a fait avancer l’Eglise : le droit de vote pour les participants. Depuis que les synodes ont été renouvelés dans leur forme, il y a près de 60 ans, par le pape Paul VI, ils ont été marqués par une participation de plus en plus grande des membres de l’Eglise qui ne sont pas des évêques : des prêtres, des théologiens laïcs, des hommes et des femmes et, comme ce fut le cas lors du synode sur la famille, des couples. Aujourd’hui, les 350 membres du synode sur la vie de l’Eglise – hommes et femmes, clercs et laïcs – ont tous un droit de vote, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, dans les synodes des évêques à Rome. Mais il faut d’ailleurs noter que c’était déjà le cas dans les synodes diocésains depuis longtemps : le vote est consultatif, mais c’est une indication très importante pour le pape, quand il écrit ensuite son exhortation qui clôt le synode. Ce texte final n’arrivera qu’après la session de l’année prochaine.

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