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Mission Perseverance sur Mars : à la recherche d’une vie passée
©Nasa/JPL-Caltech

Life on Mars

Les Etats-Unis lanceront le 30 juillet vers Mars leur rover Perseverance, qui tentera, entre autres objectifs, d'y détecter des indices éventuellement fossiles d'une vie passée.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Quels sont les objectifs de la mission Mars 2020 du Rover Perseverance envoyé par la NASA vers Mars cet été ?

Olivier Sanguy : La NASA identifie 4 catégories d’objectifs scientifiques pour la mission de son rover Perseverance qui doit décoller à partir du 30 juillet pour une arrivée en février 2021 : la géologie, l’astrobiologie, la collecte d’échantillons et la préparation des vols habités vers Mars dans le futur. Pour la géologie, il s’agit de la continuation de ce qui a été accompli avec de précédentes missions afin de comprendre l’histoire de cette planète, ce qui permet de mieux comprendre la nôtre. Il est à noter que Perseverance emporte la caméra-laser SuperCam capable d’analyser à distance le sol et les roches. Cet instrument a été fourni par l’agence spatiale française CNES dans le cadre d’une collaboration. Cette caméra-laser a été mise au point par l’IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) de Toulouse. L’astrobiologie concerne la recherche de la vie. Caractériser le vivant s’avère difficile, car si chacun de nous conçoit intuitivement ce qu’est la vie, disposer d’expériences scientifiques capables d’apporter une réponse certaine est une tout autre affaire. Avec Perseverance, la NASA cherche ce qu’elle dénomme des traces de vie passée. Donc des indices, éventuellement fossiles, d’une activité issue du vivant dans le passé lointain de Mars. Ceci, car le rover américain précédent, Curiosity arrivé en 2012, a démontré que la planète rouge avait été habitable il y a plus de 3 à 4 milliards d’années. Comprenez que l’eau liquide pouvait perdurer à sa surface, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui et depuis longtemps. Mais habitable ne veut pas dire habité ! Perseverance devrait apporter une réponse. Attention, on pense ici à un vivant de type microbien, pas à quelque chose de plus évolué. Le chapitre collecte d’échantillons consiste à mettre de côté des prélèvements de sol ou de roches jugés prometteurs après leur analyse par les instruments embarqués. Ces échantillons seront ensuite scellés dans des tubes puis déposés à la surface. Un ensemble de missions qui associent la NASA et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) sera chargé de récupérer ces échantillons et de les ramener sur notre planète de façon automatique d’ici 2030. Car aussi extraordinaires soient les instruments d’analyse embarqués sur Perseverance, ils sont logiquement moins performants que ceux disponibles dans les laboratoires sur Terre. Enfin, Perseverance continue la volonté de préparation des vols habités vers Mars. Cette fois-ci, on passe aux travaux pratiques pour ainsi dire avec l’expérience MOXIE (Mars OXygen Isru Experiment) chargée de tester la fiabilité d’un dispositif capable de générer de l’oxygène à partir de l’atmosphère de Mars composée à 96 % de dioxyde de carbone. Une démarche qui s’inscrit dans la logique de l’ISRU, l’In Situ Resource Utilisation, soit l’utilisation des ressources locales. On s’est en effet rendu compte qu’un vol habité sur Mars aboutissait à une logistique énorme, difficilement réalisable techniquement, si on devait emmener tout ce qui serait nécessaire à la mission. L’idée est donc d’utiliser les ressources locales de Mars pour fabriquer le carburant du retour et une partie de ce qui sera nécessaire aux astronautes. Par exemple, peut-on exploiter l’eau qui se trouverait sous forme de glace dans le sous-sol et ainsi réduire significativement la masse à transporter de ce précieux élément ? Avec MOXIE, la génération d’oxygène vise bien évidemment à faire respirer les femmes et les hommes qui exploreront la planète, mais il s’agit aussi d’un comburant pour les moteurs-fusées. On comprend que si un équipage dépend d’un procédé technique pour pouvoir obtenir l’air dont il a besoin, on va énormément le tester pour s’assurer de sa fiabilité.

Si cette mission est un succès, à quelle échéance pourrions-nous envisager d'envoyer des astronautes sur Mars ?

Soyons clair, la mission Mars 2020 ne va pas signer par un succès la possibilité d’envoyer des astronautes sur la planète rouge. D’ailleurs, le vol habité sur Mars, on l'envisage pour dans 20 ans… depuis les années 1970 ! On constate qu’on a donc pris un peu de retard… Parmi les professionnels du spatial, ingénieurs, astronautes ou planétologues, j’ai entendu des avis qui vont de l’impossibilité de mener une telle mission à l’affirmation que la technologie est quasiment prête et que seule manque la volonté politique. La réalité est sans doute entre les deux. Officiellement, la NASA envisage une mission habitée vers Mars pour la décennie 2030. À noter que ce pourrait être un survol ou une mise sur orbite (afin de téléopérer des rovers de façon plus efficace par exemple) et pas forcément un atterrissage pour commencer. Et même un tel objectif pour la décennie 2030 représente un formidable défi.  Le retour sur la Lune annoncé pour 2024 servira d’étape technologique afin de se préparer à un voyage bien plus difficile que celui qui consiste à aller vers notre satellite naturel (et qui est déjà un exploit en soi). Certes, le patron de SpaceX Elon Musk annonce les premiers humains sur Mars avec un calendrier plus optimiste. Si on met de côté l’aspect clivant du personnage, il faut reconnaître qu’avec les ingénieurs très qualifiés dont il dispose, il a mis au point un lanceur, le Falcon 9, dont le premier étage est réutilisable. Chose dont beaucoup doutaient de la réussite pratique il y a seulement quelques années. Toutefois, l’objectif d’envoyer des astronautes sur Mars reste un défi d’un autre ordre. C’est d’ailleurs peut-être justement cette difficulté hors normes par rapport à ce qu’on a fait jusqu’à maintenant qui nous poussera à l’accomplir. Bien sûr, on oppose souvent le coût d’une telle entreprise, mais en étalant la dépense dans le temps, les budgets spatiaux resteront ce qu’ils sont actuellement, à savoir très inférieurs à ceux des autres priorités des États comme la santé, l’éducation, le social ou la défense. Aux États-Unis, le financement de la NASA représente à peine 1 % du budget fédéral. Et c’est pourtant l’agence spatiale qui a le budget le plus élevé dans le monde. Enfin, les avancées accomplies pour l’objectif martien connaîtront forcément des applications pour la vie de tous les jours comme c’est le cas depuis le début de l’exploration spatiale.

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