Minéraliser les émissions de carbone : une méthode ancienne qui a peu d'avenir<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Islande émissions CO2 AFP
Islande émissions CO2 AFP
©Jerry Lampen / ANP / AFP

Que faire du CO2 ?

Depuis quelques jours certains experts semblent affirmer disposer de solutions technologiques prometteuses dans le domaine de la Captation et du Stockage du Carbone (CSC). Parmis celles-çi la minéralisation du CO2 via le stockage en couche géologique.

François Gervais

François Gervais

François Gervais est physicien, spécialiste de thermodynamique et professeur émérite à l'Université François-Rablais de Tours. Il est l'auteur de L'innocence du carbone aux éditions Albin Michel (2013).

Voir la bio »

Atlantico.fr : Qu'en est-il réellement de la maturité technique des solutions de Captation et de Stockage du Carbone ?

François Gervais : La minéralisation du CO2 sous forme de carbonate de calcium, principal constituant du calcaire, est connue et pratiquée depuis l’antiquité. La calcination du calcaire produit la chaux vive, l’oxyde de calcium, lui-même assez réactif pour absorber le CO2 atmosphérique en reformant du carbonate de calcium. Les différents projets de séquestration en sont des variantes. 

Le principal problème est une question d’échelle. Bien qu’il ne représente que 0,04 % de sa composition en volume, l’atmosphère contient 3200 milliards de tonnes de CO2. Le GIEC nous dit que doubler cette proportion échaufferait la Terre entre 1°C et 2,5°C, fourchette d’incertitude de la réponse climatique transitoire. 44 % des émissions restent dans l’air. Emettre ou éviter d’émettre une tonne de CO2 aurait donc un impact sur le climat de (1/3200000000000) x 44 % x (1°–2,5°C), soit 0,2 millième de milliardième de degré C, ou 0,2 picodegré C par tonne de CO2. Le seuil de mesurabilité de la température de la Terre étant de 0,06°C, le projet islandais reste excessivement loin du compte. Rappelons que les principaux pays émetteurs sont dans l’ordre décroissant, Chine, États-Unis, Inde, Russie, Japon, la France arrivant très loin derrière avec seulement 0,9 % des émissions mondiales. Globalement, il faudrait minéraliser 300 milliards de tonnes de CO2 atmosphérique pour commencer à avoir un début d’impact mesurable sur le climat. Les deux stations en activité les plus dimensionnées, l’une américaine, l’autre canadienne, ne stockent annuellement que le millionième de cet objectif.

Soulignons une autre illustration de ces ordres de grandeur. Usines désertées, constructions et travaux publics interrompus, mobilité en chute libre, tourisme à l’arrêt, entreprises et compagnies aériennes au bord de la faillite : autant d’émissions de CO2 en moins. Mais quel a été l’impact de la récession économique due au confinement lié au covid-19 sur le taux de CO2 dans l’air ? Surprise : il reste parfaitement invisible dans la tendance mesurée à l’Observatoire de Mauna Loa (www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/mlo.html).

Rappelons que le Français émet en moyenne 5 tonnes de CO2 par an. L’impact des 65 millions de nos concitoyens sur le climat est donc limité à 65000000 x 5 t/an x 0,2 picodegré/t, soit moins de 0,0001°C par an, restant très en-dessous du seuil de mesurabilité. 

Sont-elles, dans l'absolu, réellement porteuses pour l'environnement ?

Serait-il réellement porteur pour l’environnement d’installer des dizaines de milliers voire des centaines de milliers de stations de stockage suffisamment dimensionnées compte-tenu de leurs inévitables nuisances, indépendamment du coût qui serait prohibitif ? 

En revanche, un tiers des émissions de CO2 bénéficient à la croissance de la végétation et aux plantes nutritives. Les satellites observent ainsi un verdissement de la Terre, l’équivalent d’un sixième continent vert de 18 millions de kilomètres carrés (33 fois la superficie de la France métropolitaine) correspondant à une augmentation de biomasse de 20 %. Le bénéfice pour l’Humanité entre 1961 et 2011 a ainsi atteint 520 milliards d’euros pour le riz à lui seul, 245 milliards d’euros pour le blé, 3000 milliards d’euros pour l’ensemble des plantes nutritives. A moins de 0,015 % de CO2 dans l’atmosphère, les plantes meurent. Son augmentation de 0,01 % en un siècle peut être vue comme une marge de sécurité.   

Quelles solutions alternatives pourraient-être envisageables ? 

Plutôt que minéraliser le CO2, une solution pourrait être de l’utiliser en le transformant en algocarburant par un procédé de photosynthèse à base de micro-algues. Pour l’instant, le retour énergétique sur investissement énergétique ne semble pas encore au rendez-vous. Les recherches se poursuivent. Si elles débouchent, il n’est pas exclu qu’à terme le CO2 atmosphérique devienne une richesse énergétique s’ajoutant à son caractère indispensable et irremplaçable pour la croissance de la végétation et des récoltes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !