Michel Aubouin : « En matière de logement social, les HLM ne sont plus la solution mais largement le problème »<!-- --> | Atlantico.fr
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"HLM" dans la ville de banlieue de Thiais, au sud de Paris.
"HLM" dans la ville de banlieue de Thiais, au sud de Paris.
©Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Un modèle défaillant

Michel Aubouin vient de publier une étude intitulée « Les étrangers extra-européens et le logement social en France » pour la Fondapol et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie.

Michel Aubouin

Michel Aubouin

Michel Aubouin est ancien préfet et ancien directeur de l’intégration. Il a notamment publié "Quarante ans dans les cités", aux éditions Presses de la cité. 

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Atlantico : Vous venez de publier une étude intitulée « Les étrangers extra-européens et le logement social en France» pour la Fondapol et lObservatoire de limmigration et de la démographie. La France a développé, dans lespace européen, un modèle de logement social sans équivalent. Ce modèle génère depuis le début des années 1980 une série de désordres dont lampleur ne fait que croître au fil des décennies, sans quil ne soit remis en cause. Pour vous, les solutions pour remédier à cette crise sont simples. Quelles seraient-elles ?

Michel Aubouin : Le modèle français de logement social se traduit par la concentration d’immeubles dit « HLM » dans de mêmes espaces. Pour des raisons de coût du foncier, ces concentrations ont été opérées sur des terrains éloignés des centre-villes, en les isolant du reste du tissu urbain. Les coûteuses opérations de rénovation urbaine n’ont pas réussi à corriger leur isolement, car les reconstructions ont été réalisées sur place. Les pratiques de peuplement ont fait le reste, renforcées au cours des décennies par l’immobilisme des populations accueillies. Ce sont ces mécanismeq, en nourrissant une forte identification au quartier, qui ont fini par générer d’importants désordres. Au sein du logement social se sont ainsi développés les 1 500 quartiers dit « de la politique de la ville », regroupant plus de huit millions d’habitants, qui subissent la loi de groupes criminels violents.

La première priorité, de mon point de vue, serait de stopper le financement de nouveaux immeubles et de se pencher sérieusement sur les difficultés structurelles que génère notre conception du logement social. Si l’on voulait remédier à l’engorgement dans lequel nous nous trouvons, il est impératif d’introduire un bail à durée limité, assorti d’un examen de la situation du locataire dans l’année qui précède l’échéance. Si nous voulons sortir du « toujours plus de HLM », il faut repenser le parcours résidentiel et l’accès à la propriété. La distinction du foncier et de la construction a été esquissée à travers le dispositif BRS (bail réel solidaire). Il faut sans doute creuser cette piste dans une perspective plus favorable pour l’accédant à la propriété. Disons-le clairement, la résidence principale doit primer sur la résidence secondaire, qu’elle soit en France ou à l’étranger !

Au regard des solutions présentées dans le cadre des conclusions de votre étude, pourquoi ne sont-elles pas appliquées ? Est-ce par aveuglement idéologique ? Par déni ? Est-ce une volonté de ne pas remettre en cause l'existant par peur de rompre avec la politique et le système à l’œuvre ? 

Sur le sujet, la myopie est générale. Pourtant, tout cela sautait aux yeux. Le dogme du « logement collectif » croisé avec celui de la « mixité sociale » paralyse les réflexions depuis plus de 40 ans. Au-delà, le logement social, c’est d’abord un gigantesque éco-système, qui fait vivre des bailleurs, des entreprises du bâtiment, des lobbys. Pour les gouvernements, le logement social a toujours été la variable d’ajustement de l’économie de la construction, d’autant plus facile à mettre en oeuvre qu’il pèse d’abord sur l’épargne des familles (via la Caisse des dépôts et consignations) et sur les charges patronales (à travers le 1% logement).

Les solutions à appliquer doivent-elles passer par des sanctions et linstauration dun bail à durée limitée afin de dissuader les comportements nuisibles au cœur des HLM ? 

Personne ne comprend qu’une famille mêlée au trafic de drogue dans son quartier demeure protégée contre tout risque d’expulsion. Ni pourquoi la responsabilité du bailleur n’est jamais engagée sur ce terrain. Ce que les politiques ne saisissent pas, c’est que les premières victimes des désordres sont les habitants des quartiers eux-mêmes, qui risquent tous les jours l’agression physique ou l’incendie de leur véhicule. Ces locataires « ordinaires » ne souhaitent qu’une chose, c’est qu’on les débarrasse des voyous. Evidemment, si les procédures d’expulsion locative confiées à la Justice étaient plus rapides ou plus efficaces, tout le monde se porterait mieux. 

Comment expliquer que la classe politique ne se saisisse pas plus de ces difficultés et ne proposent-elles pas des solutions à la hauteur au regard de lampleur de la crise ?

Le sujet est sans doute trop complexe. La politique se mêlera du sujet lorsque la crise interviendra. Nous en sommes presque là. L’offre déjà ne peut plus répondre à la demande et le modèle s’effondre de lui-même. Au-delà personne ne veut voir qu’il existe un lien direct entre le mode d’habitat, les émeutes urbaines, l’industrie du crime et les difficultés d’intégration de populations rassemblées en communautés. La politique dite « de la ville » écarte ainsi toute référence à l’insécurité, qui échappe elle-même à toute étude sérieuse. L’idéologie qui sous-tend ses orientations est forgée par des décideurs qui, pour la plupart, ont grandi dans des centres-villes bourgeois et n’ont connu que les meilleures écoles. 

Compte tenu des difficultés et de la crise du modèle des HLM en France, faut-il instaurer un moratoire, suspendre temporairement de nouvelles initiatives dans le logement social afin dapporter des solutions et des projets viables avant que la situation ne soit catastrophique, notamment sur le plan financier ?

Oui, un moratoire me semble s’imposer. Un certain nombre de maires le souhaitent sans le dire. Ils se sont vus écartés de la capacité à attribuer les logements, au prétexte du risque de clientélisme, alors qu’on leur demande de prendre en charge la sécurité du quotidien et l’accompagnement social. En supprimant la taxe d’habitation, le gouvernement a fait une erreur. Toute la charge contributive a été reportée sur les seuls propriétaires, qui sont par ailleurs ceux qui utilisent le moins les prestations financées par les communes. Rappelons par ailleurs que le logement social est en partie dispensé de la taxe foncière. Qui sont les privilégiés dans cette affaire ? A qui profite la « relégation » des quartiers d’habitat social ?

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