Merkel plébiscitée à travers la planète : vrai hommage… ou symptôme de la profonde dépression des démocraties occidentales ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La chancelière allemande Angela Merkel s'adresse à la presse alors qu'elle arrive pour une réunion et un dîner de travail avec Emmanuel Macron à l'Elysée, le 16 septembre 2021.
La chancelière allemande Angela Merkel s'adresse à la presse alors qu'elle arrive pour une réunion et un dîner de travail avec Emmanuel Macron à l'Elysée, le 16 septembre 2021.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Influence de l'Allemagne

Alors qu’Angela Merkel va quitter ses fonctions, les hommages se multiplient. Une enquête du Pew Research Center révèle que l’opinion publique de pays des 16 économies majeures en Europe, aux Etats-Unis et en Asie est globalement positive à l’égard d’Angela Merkel. Est-ce le symptôme d’une dépression qui traverse les démocraties occidentales ?

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Alors qu’Angela Merkel quitte définitivement la Chancellerie allemande, les hommages pleuvent célébrant ainsi les 16 ans de règne de celle que l’on appelle « Mutti ». Au-delà de la confiance de la population à l'intérieur de ses frontières, la Chancelière a aussi convaincu les populations d’autres pays. Une enquête du Pew Research Center révèle que l’opinion publique de pays de 16 économies majeures européennes, américaines et asiatiques est globalement positive. La puissance allemande est-elle réellement mise en avant ou est-ce le symptôme d’une dépression qui traverse les démocraties occidentales ?

Christophe Bouillaud : Ces bons résultats dans ce sondage du Pew Research Center en matière de popularité d’Angela Merkel correspondent aussi bien à la bonne image de l’Allemagne comme pays à la réussite économique éclatante que de sa dirigeante depuis 16 ans. Les deux aspects sont fortement liés. La perception d’une bonne gestion par l’Allemagne de la pandémie de Covid-19 a sans doute renforcé cet aspect : un pays qui réagit bien et une dirigeante à la fois rationnelle et compassionnelle face à l’épreuve.

Par ailleurs, à l’échelle mondiale, selon ce même sondage, les opinions publiques n’ont pas une si mauvaise image des dirigeants des grandes démocraties : 77% des sondés ont confiance en  Merkel pour faire les choses justes en matière d’affaires mondiales, mais aussi 74% en Biden et même 61% en Macron. A l’inverse, ils ne sont que 22% à exprimer une telle confiance à Poutine et 20% en Xi. Autrement dit, les habitants de ces 16 économies développées, qui représentent l’Occident au sens que ce terme pouvait avoir pendant la Guerre froide, préfèrent encore de très loin les leaders des démocraties aux autocrates russes et chinois. Cela correspond au fait que, par ailleurs, dans tous ces pays, la démocratie représentative reste tout de même le régime politique préféré – même si on peut se plaindre des dirigeants de l’heure -, et aussi sans doute à la prise de conscience de l’effet perturbateur des actuelles politiques russe et chinoise sur l’ordre international. 

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Parmi les États membres de l’Union européenne interrogés, nombreux sont ceux à penser que l’Allemagne a une influence bénéfique dans l’Union européenne. Les membres de l’Union sont-ils fascinés de la puissance qu’a su influer Mme Merkel à son pays ? Sont-ils nostalgiques de la stabilité qu’a su apporter la Chancelière ?

Il faut distinguer clairement les opinions publiques et les cercles dirigeants. Du point de vue de l’opinion publique, ce très bon sondage pour Merkel dans ces 16 pays correspond à l’image généralement positive de l’Allemagne en raison de sa réussite économique sur la longue durée, et à l’atténuation des effets négatifs pour son image des choix faits par Merkel en 2010-2012 au plus fort de la crise européenne. Ce n’est pas un hasard si tout le monde en Europe a une bonne ou très bonne image de l’Allemagne et de Merkel, sauf les Grecs, traumatisés par l’austérité qui leur a été imposée. Les choix plus récents de Merkel ont été plutôt positifs pour le reste des pays européens, en particulier lors de la gestion économique des conséquences de la pandémie. Merkel n’a pas fait en effet obstacle à une gestion sensée de cette dernière. Le soutien monétaire et budgétaire aux économies européennes à l’arrêt pour cause de pandémie a été grâce à cela perçu comme aussi massif qu’indispensable.

Du point de vue des cercles dirigeants, on peut comprendre qu’il puisse exister une certaine nostalgie par avance du rôle tenu par Merkel. Elle représentait un élément prévisible du jeu qu’ils doivent jouer. Toute personne qui lui succédera ne présente pas a priori la même prévisibilité. Cependant, il serait bien surprenant de voir l’Allemagne changer du tout au tout dans ses grands choix.  Cette nostalgie est donc largement montée en épingle par les médias.

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À terme, cette dépression pourrait-elle évoluer en une transformation politique qui pourrait heurter la démocratie ?

On parle beaucoup de la crise de la démocratie. Le présent sondage donne plutôt l’impression d’une crise de la performance démocratique. Ce que les gens admirent chez Merkel, c’est sa capacité à bien gérer son pays. Cela ne veut pas dire qu’ils sont contre la démocratie en soi. Bien au contraire. Il est par ailleurs plus facile de juger un leader étranger efficace quand on n’en perçoit que partiellement les actions, comme le montre le cas de Macron, très populaire ailleurs et pas en France.

Cette recherche d’efficacité, qu’a symbolisée Merkel, n’est pas inquiétante en elle-même. Elle appelle à une meilleure sélection des dirigeants démocratiques. L’un des secrets d’Angela Merkel est peut-être d’avoir vécu dans le contexte de la RDA finissante. Les démocraties, par leur succès même, manquent de tels dirigeants ayant vécu des choses difficiles dans leur jeunesse.  

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