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Eric Zemmour prononce un discours lors du lancement de la promotion de son nouveau livre "La France n'a pas dit son dernier mot", à Nice, le 18 septembre 2021.
Eric Zemmour prononce un discours lors du lancement de la promotion de son nouveau livre "La France n'a pas dit son dernier mot", à Nice, le 18 septembre 2021.
©VALERY HACHE / AFP

Campagne électorale

Tout indique que le duel Macron/Zemmour va polariser la prochaine élection présidentielle. Cette pré-campagne électorale oppose deux philosophies radicalement opposées entre Emmanuel Macron et Eric Zemmour.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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Chaque jour qui passe rend la candidature d’Éric Zemmour de plus en plus certaine. Les journalistes s’escriment à lui extorquer une confirmation. Curieusement, ils ne font pas preuve du même acharnement pour Emmanuel Macron : pourquoi donc ne lui demandent-ils jamais quand celui-ci va se déclarer ? On peut faire la même remarque pour les programmes : alors que les journalistes déplorent régulièrement le manque de propositions d’Éric Zemmour, personne ne semble s’inquiéter de savoir ce que, de son côté, le président sortant va bien pouvoir avancer.

Quoiqu’il en soit, tout indique que le duel Macron/Zemmour va polariser la prochaine élection présidentielle. Tous les débats vont manifestement tourner autour de ces deux personnalités, les autres candidats risquant fort de faire de la simple figuration.

En tout cas, tel est le scénario qu’Emmanuel Macron semble avoir déjà acté, lui qui se positionne désormais très clairement face à Éric Zemmour, et uniquement face à lui. Le clash Zemmour/Macron aura au moins ce mérite : celui de mettre en opposition deux philosophies radicalement opposées. Jamais peut-être le duel qui s’annonce n’aura été aussi clivé que celui-ci.

Il n’est donc pas très étonnant de relever que, coup sur coup, Emmanuel Macron vient de déclencher un véritable tir de barrage contre son rival. Trois boulets ont été tirés. Ont-ils cependant une chance de toucher leur cible ?

Premier boulet : le complotisme

Le premier boulet concerne le complotisme. Ce n’est pas un hasard si la Commission Bronner vient d’être lancée alors que le quinquennat touche à sa fin. Le rapport de ce groupe de travail devrait être rendu en décembre, juste avant la dernière droite de la campagne électorale. L’objectif est trop limpide pour ne pas être deviné : il s’agit naturellement pour Emmanuel Macron de se présenter comme une valeur-refuge, le seul candidat qui est vraiment raisonnable.

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Mais accessoirement, il s’agit aussi de dénigrer, experts à l’appui, le thème du « Grand remplacement » dont Éric Zemmour a fait son principal cheval de bataille. Le problème est que, sur ce sujet très sensible de l’immigration, le président risque de se retrouver en porte-à-faux avec une opinion publique très inquiète. Le rapport de France Stratégie, publié l’an dernier mais redécouvert récemment, a confirmé que des « petits remplacements » se produisent dans un certain nombre de quartiers. De plus, le président a fait adopter cette année une loi contre le séparatisme islamiste qui accrédite l’idée que le problème est bien réel. Emmanuel Macron va donc être confronté à un défi complexe : contester l’analyse dramatisante d’Éric Zemmour sans apparaître comme laxiste sur les questions migratoires. L’activisme actuel de son ministre de l’Intérieur, qui contraste singulièrement avec le plaidoyer présidentiel en faveur du métissage (« l’africanité » de la France) y est sans doute pour quelque chose.

Deuxième boulet : le prénom

La deuxième salve porte sur le prénom, sujet qui est devenu comme on le sait l’un des grands marqueurs d’Éric Zemmour. Le président s’est fait un plaisir de lui envoyer une petite pique lors de son discours à la BNF : « Nous nous posons souvent dans le débat politique la question de notre identité. Mais notre identité ne s’est jamais bâtie ni sur le rétrécissement, ni à des prénoms ni à des formes de crispation ».

Le prénom est donc, pour le président, un enjeu négligeable. Pourtant, là encore, Emmanuel Macron risque de se retrouver face à une contradiction puisque, au même moment où il dit cela, voilà que son ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer publie une circulaire sur l’accueil des élèves trans dans les écoles. Or, que trouve-t-on dans ce texte ? Surprise : la question des prénoms. Désormais, en effet, les enseignants auront l’obligation de tenir compte du prénom d’usage voulu par l’enfant, à condition que les parents soient d’accord. Voilà donc qui laisse entendre que le prénom est tout sauf anodin, qu’il a de très fortes implications sur les identités de chacun. Mais dans ce cas, sera-t-il possible de soutenir simultanément tout et son contraire ?

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Troisième boulet : la peine de mort

Le troisième boulet, le plus récent, est la peine de mort. Le président a profité du quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort (1981) pour se démarquer franchement d’Éric Zemmour. Ce dernier avait en effet indiqué, lors d’une émission récente, qu’il n’était pas « philosophiquement » opposé à la peine capitale, mais qu’il ne comptait pas en faire un enjeu de la présidentielle. Emmanuel Macron a vite compris qu’il disposait là d’un angle de tir pour se démarquer de son rival. Il a donc annoncé en grandes pompes qu’il entendait mener une nouvelle bataille quand la France prendra la présidence de l’Union européenne en janvier : il en appellera à l’ONU pour soutenir l’abolition universelle (ce qui, soit dit en passant, risque d’être difficile dans le cas de certains pays comme la Chine, l’Inde ou le Japon).

En s’opposant à la peine de mort, le président sortant entend évidemment incarner un idéal humaniste qui est en soi parfaitement respectable. Le problème est que l’insécurité taraude la société française, que la justice est accusée de laxisme, que les trafics semblent se développer et que la police semble impuissante. N’est-ce pas le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a parlé l’an dernier d’un ensauvagement, peu de temps avant l’abominable assassinat de Samuel Paty, sans que le président démente une formule aussi explicite ?

Dans ce contexte, la peine de mort ne peut qu’apparaître comme un non-sujet : en quoi concerne-t-elle la France ? Est-ce le moment de se lancer dans un débat de ce type, dont les effets seront forcément nuls ? Ne faudrait-il pas plutôt que le président indique ce qu’il compte mettre à la place de la peine de mort pour lutter efficacement contre l’insécurité ?

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Mais surtout, une contradiction surgit. Il est en effet saisissant de constater que le président Macron se lance dans ce plaidoyer abolitionniste alors que, dans le même temps, il se félicite qu’un chef djihadiste au Mali a été abattu par des militaires français. Personne ne va évidemment regretter ce triste individu, mais une telle exécution n’est-elle pas une forme de condamnation à mort qui ne dit pas son nom, qui plus est avec une base juridique fragile ? Quelle est la cohérence de défendre de grands principes si c’est pour faire exactement le contraire ?

Au total, il n’est donc pas sûr que ces trois boulets fassent de gros dégâts. Ils pourraient même avoir l’effet inverse de renforcer leur cible car Éric Zemmour a du répondant. L’efficacité de ce tir de barrage va aussi dépendre de l’attitude des médias : vont-ils prendre leur distance avec la stratégie présidentielle, ou au contraire vont-ils la relayer sans trop se poser de questions en martelant ces trois accusations contre Éric Zemmour : complotiste sur l’immigration, superficiel sur les prénoms et antihumaniste avec la peine de mort. Si des accusations de ce type reviennent de manière insistante, elles peuvent avoir un effet. Mais le risque est que les journalistes apparaissent alors comme trop proches du pouvoir, ce qui est aussi l’un des arguments d’Éric Zemmour.

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