Massacre à Las Vegas : "Le profil du tueur diffère radicalement de celui d'autres terroristes islamiques"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Massacre à Las Vegas : "Le profil du tueur diffère radicalement de celui d'autres terroristes islamiques"
©AFP

Las Vegas

Stephen Paddock, citoyen américain de 64 ans, résident du Nevada, aimant le jeu et la musique country (selon le Washington post), serait l'auteur de la plus grande tuerie de masse que les Etats Unis aient connu, dans la nuit du 1er au 2 octobre à Las Vegas.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

Voir la bio »

Atlantico : Comment anticiper la réaction de l'opinion américaine face à un tel profil, que rien ne permet, pour le moment, de rallier à une entreprise terroriste ?

Gérald Olivier : Que Stephen Paddock soit l'auteur de ce massacre fait peu de doutes. Ce qui fait débat ce sont ses motivations. A savoir, s'agit-il d'un geste fou, de quelqu'un ayant soudainement "pété les plombs"? Ou bien s’agit-il du geste conscient, raisonné, prémédité, d'une personne ayant agi pour une cause précise? L'enquête le  déterminera sans doute. Je note que le tueur n'a laissé aucune explication. Daesh a "revendiqué" cet attaque mais le tueur n'a jamais revendiqué agir au nom de Daesh. Au contraire des combattants habituels de Daesh qui crient 'Allah Ouakbar" en commettant leurs crimes. Par ailleurs, comme vous le soulignez, son "profil" diffère radicalement de celui d'autres terroristes islamiques. Trop âgé, trop peu endoctriné, etc

Pour l'opinion publique américaine,  déterminer la motivation d'un crime aussi vaste et horrible sera capital. S'il s'agit du geste isolé d'un homme dérangé, les Américains auront leurs yeux pour pleurer et la question de la circulation de certaines armes sera à nouveau posée. S'il s'agit du geste d'un combattant islamique, alors se posera la question de tous les autres "loups solitaires" potentiels présents sur le territoire américain et comment les neutraliser avant qu'ils n'agissent. 

Dans un cas il s'agit d'un débat interne à la société américaine - son rapport aux armes à feu - dans l 'autre il s'agit de la manière de mener le combat contre le terrorisme islamique.

Virgina Tech, Colombine, Mc Donald de San Diego etc... En quoi la problématique des tueries de masse est elle davantage perçue comme une problématique "interne" aux Etats Unis ? Comment la société américaine perçoit-elle de tels événements ? Quelle sont les causes les plus régulièrement invoquées pour "expliquer ce type" de phénomènes ?

Les tueries de masse sont relativement nouvelles aux Etats-Unis. C'est un phénomène dont on observe la croissance  régulière depuis vingt ans, et qui est malheureusement devenu une sorte de "routine" (le mot avait été employé maladroitement par Barack Obama). Le commerce des armes, la possession d'armes, à son domicile, dans son véhicule, sur soi même, dans certains Etats, cela n'est pas nouveau et le nombre des homicides par balles a toujours été très élevé aux Etats-Unis - entre dix et quinze mille chaque année depuis trente ans - Ce qui est nouveau, c'est de voir une seule personne en tuer des dizaines d'autres sans qu'on ait pu anticiper, empêcher ou prévenir son geste. C'est le cas des tueries que vous évoquez, l'école Sandy Hook, le lycée Columbine, le campus de Virginia Tech, le Mcdo de S.D. etc. Le FBI n'a d'ailleurs pas de statistiques officielles concernant ces incidents. Le concept de "tuerie de masse" n'ayant pas été intégré à sa banque de données statistiques.

Entre 1981 et 1989, sous la présidence de Ronald Reagan, il y avait eu un dizaine d'incidents comparables. Sous la présidence Obama il y en a eu vingt-sept! Presque trois fois plus; Le président Obama a fait seize discours télévisés à la suite de tels attaques. D'où son emploi du mot "routine"... Ce qui est en cause ce n'est pas le droit de port d'arme, c'est le type d'armes qui  circule. Il faut rappeler haut et fort que les armes en possession de Stephen Paddock - des fusils automatiques -ne sont pas en vente légale aux Etats-Unis. Les fusils automatiques sont interdits à la vente depuis 1986. Paddock a soit transformé ses armes de semi-automatiques (les fusils se recharge seul mais il faut presser la gâchette pour qu'une balle soit tirée) en automatique (une seule pression de gâchette peut vider tout le magazine), soit s'est procuré ses fusils sur le marché parallèle...

Comment interpréter le choix délibéré de Donald Trump de ne pas utiliser le mot "terrorisme" dans le cas d'espèce ?

Le président Trump se devait de faire une déclaration rapidement. Cet fusillade est la plus meurtrière jamais conduite par un seul individu sur le sol américain. L'attentat d'Oklahoma City en 1995 avait fait plus de 250 victimes mais il s'agissait de bombes, placées par plusieurs individus organisés en commandos. Ici il s'agit d'une personne seule qui a tué près de soixante personnes en quelques secondes.... Trump a fait cette déclaration dans le temps de l'émotion, de la compassion, de la peine, en se concentrant sur la douleur des victimes et de leurs proches, le réconfort de la foi dans de telles circonstances, et le rappel qu'un nation, aussi déchirée soit-elle, se ressoude dans la douleur. Sa prise de parole était prévisible. Elle a été parfaitement formatée. Le temps de la polémique, s'il s'agit d'un acte isolé, viendra toujours assez tôt. Et s'il s'agit d'un acte de terrorisme confirmé, viendra, alors, le temps de la revanche. Celle ci sera terrible. Daesh a revendiqué cet attentat, personne ne sait vraiment s'il faut prendre cette revendication au sérieux ou pas, mais s'il s'avère que Daesh est responsable, je peux vous garantir que la vengeance de Donald Trump sera dévastatrice. Et je dis bien la  vengeance de "Donald Trump". Celle ci sera menée au nom des Etats-Unis, mais elle portera la signature du président. Pendant la campagne électorale Trump a accusé l'administration Obama de faiblesse vis à vis du terrorisme. Sous une administration Trump, avait-il promis, les actes terroristes de telle nature, ne pourraient pas être perpétrés. Lui serait plus vigilant et moins complaisant. Si l'attaque de Las Végas s'avère être un acte terroriste, alors l'administration Trump aura été mise en échec. Ill devra ordonner des représailles implacables. Le président pourra autoriser ses généraux à lâcher le "feu et la fureur" qu'il a évoqué sur un autre dossier... Et ni lui, ni eux,  ne s'en priveront.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !