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Mars, l'étape d'après ? Des scientifiques américains considèrent que Titan, la lune de Saturne, pourrait accueillir une colonie humaine
©NASA (domaine public en tant qu'oeuvre de l'esprit d'une administration du gouvernement fédéral américain)

Space oddity

Selon une analyse portée par la planétologue Amanda Hendrix et le professeur Yuk Yung du California Institute of Technology, Titan présenterait des ressources suffisamment intéressantes pour envisager d'y établir une colonie auto-suffisante.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Alors que la colonisation de Mars est un sujet de plus en plus populaire auprès du grand public, une analyse publiée dans le Journal of Astrobiology and Outreach mi-juin s'intéresse à un autre corps céleste : Titan. Cette lune de Saturne posséderait des ressources énergétiques suffisamment importantes pour envisager une colonisation humaine. Est-ce pour autant réalisable? Comparée à une colonisation de Mars, laquelle serait la plus viable?

Olivier Sanguy : Ce papier s'intéresse surtout à ce qu'on appelle l'ISRU, c'est-à-dire In Situ Resource Utilization. Il s'agit d'une logique d'exploration spatiale où on utilise les ressources disponibles sur la destination au lieu de se reposer sur ce qu'on amène. Il faut comprendre que pour les missions Apollo sur la Lune, on emmenait absolument tout ce dont on avait besoin : carburant, énergie, eau, nourriture, etc. Avec l'ISRU, l'idée est de ne pas tout emporter, mais d'utiliser ce qu'il y a sur le corps céleste exploré pour en tirer énergie, eau et partiellement nourriture (l'eau permet de cultiver des légumes apportés sous forme de graines). La NASA et d'autres agences spatiales étudient cette logique depuis longtemps car on sait que pour des missions vers Mars, l'ISRU peut permettre de faire des économies de masse. Même pour la Lune, si on installe dans le futur une base, il faudra que l'énergie soit produite sur place, mais aussi extraire l'eau présente sous forme de glace à certains endroits pour disposer d'une autonomie. Cette autonomie évitera de recourir à de coûteux vols cargos entre la Terre et cette base lunaire. Cela augmentera aussi la sécurité des astronautes présents là-bas puisqu'un retard ou une panne d'un cargo ne signifiera pas une éventuelle pénurie dangereuse. On peut aussi extraire de l'oxygène (à partir de l'eau par exemple) et même envisager d'employer le sol lunaire pour fabriquer les briques qui serviront à construire un habitat. Pour ce dernier exemple, il y a eu des concepts qui reposent sur l'impression 3D ! Donc l'auteur de l'analyse avance que Titan, la plus grande lune de Saturne, présente des avantages dans cette logique de l'ISRU. En gros, il y a de quoi surtout générer de l'énergie, le nerf de la guerre. Sans énergie, rien n'est possible. Mais le papier n'examine pas la problématique d'un voyage vers Titan qui serait considérablement plus long et dangereux que vers Mars. Or, Mars, ce n'est déjà pas évident pour une mission habitée...

Pourquoi la question des ressources énergétiques d'une planète est essentielle lorsque l'on parle de colonisation?

Comme dit précédemment, l'ISRU consiste à employer les ressources locales. Autant pour une mission habitée de type Apollo on peut se reposer sur l'ancienne méthode où on emporte tout, autant c'est inenvisageable pour l'établissement d'un habitat sur le long terme. Si une base lunaire ou martienne et encore plus une très hypothétique colonie sur Titan ne doivent leur fonctionnement qu'à des cargos venus de la Terre, on fait reposer la survie des astronautes sur une logique trop dépendante des aléas des voyages spatiaux. D'ailleurs, l'ISRU est même utilisée par certaines sondes robotiques. Le rover Opportunity de la NASA sur Mars fabrique son électricité à partir de panneaux solaires : c'est de l'ISRU ! Pour le plus récent Curiosity, c'est la solution de la pile au plutonium qui a été choisie. Le choix est excellent pour ce type de mission, car on estime que la longévité de la pile sera plus longue que celle du rover. De plus, les panneaux solaires s'encrassent avec la poussière martienne. Mais à très long terme, une base habitée martienne devra générer son électricité avec des panneaux solaires et même être capable d'en fabriquer de nouveaux avec de l'impression 3D qui emploiera les ressources du sol martien. D'ailleurs, même sans une logique de base martienne, les concepts de missions habités sur la planète rouge emploient souvent l'ISRU pour fabriquer à partir de l'atmosphère martienne le carburant du retour. Ce serait un vaisseau envoyé en automatique avant. Une fois sur place, une usine intégrée se mettrait en route et fabriquerait le carburant à partir du CO2. L'avantage est qu'on n'a pas à emporter ce carburant du retour. Le gain de masse est important au point que certains estiment que sans cette logique ISRU, un vol habité vers Mars est irréalisable.

Parmi les planètes et lunes de notre système, quelles seraient les meilleures candidates à une colonisation humaine?

Aucun monde du Système solaire ne peut accueillir des humains sans système de support-vie. Il faut un habitat et des scaphandres. La Lune est considérée comme le banc d'essai de cette logique d'établissement d'habitats humains en dehors de la Terre. Ce serait une excellente école pour apprendre l'autonomie sur un autre monde. En effet, l'éloignement impose une telle autonomie, mais le fait que le trajet Terre-Lune et retour ne demande que quelques jours autorise toujours une évacuation d'urgence ou l'envoi de secours en cas de grave problème. Mars est bien évidemment l'autre choix, mais pas le seul. Le cas de Titan semble intéressant tel qu'il est présenté uniquement sous l'angle de l'ISRU. Mais la distance à franchir reste avec notre technologie actuelle un obstacle définitif. On oublie souvent Vénus. Mais pas à sa surface : avec plus de 400 °C il y fait trop chaud et la pression de 92 bars n'arrange rien ! En revanche, à 50 km au-dessus de la surface de Vénus, température et pression sont comparables à ce qu'on a sur Terre : de 0 à 50 °C et 1 bar. Bien évidemment, cela veut dire une base qui flotte dans les airs accrochée ou intégrée à un ballon de grandes dimensions ! Ce concept qui n'est pas sans évoquer la fameuse cité des nuages Bespin de Star Wars a fait l'objet d'une étude de Geoffrey Landis, un scientifique de la NASA. C'est extrêmement spéculatif bien sûr, mais l'idée fait rêver. Si on est allé sur la Lune et qu'on explore le Système solaire avec des robots, c'est bien aussi parce que des théoriciens ont rêvé d'espace avant.

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