Un héritage en question ? Mais la réalité a déjà tranché, le thatchérisme a gagné<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Margaret Thatcher est morte lundi à l'âge de 87 ans.
Margaret Thatcher est morte lundi à l'âge de 87 ans.
©Reuters

The Lady is not for turning

Margaret Thatcher, morte lundi à l'âge de 87 ans, a marqué l'économie britannique d'une empreinte indélébile. En 2002, lorsqu'on lui demanda le principal accomplissement de sa carrière politique, la Dame de fer répondit "le New Labour et Tony Blair".

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

Voir la bio »

Les deux camps, celui des thatchérophiles - auquel j’appartiens fièrement - et celui des thatchérophobes, vont se jeter à la figure toutes sortes de chiffres, d’anecdotes et de citations dans les jours et les semaines à venir. La lutte sera sans merci. Les uns sortiront la courbe du chômage, les autres le coefficient de Gini ; les uns s’émerveilleront du renouveau de la place financière de Londres après le "Big Bang" de 86, les autres accuseront la "dérégulation de la finance" de tous les maux ; les uns relèveront l’accès à la propriété pour les locataires de logements sociaux, les autres pointeront du doigt les villes socialement dévastées par la fermeture des mines ; les uns présenteront l’image d’une femme attentionnée faisant la cuisine au personnel de Downing Street, les autres dépeindront une furie sans cœur laissant mourir Bobby Sands de sa grève de la faim.

Tout cela renforcera l’idée de choix politiques violemment antagonistes, de deux modèles, "l’ultralibéralisme" vs "sociale-démocratie", ayant chacun leur système de valeurs et leur légitimité propre. Or, il n’en est rien. C’est Tony Blair qui, interrogé impromptu par la BBC peu après le décès de Margaret Thatcher, l’a candidement avoué. Non, il n’est pas revenu sur les lois encadrant les syndicats. Non, il n’a pas re-nationalisé les entreprises privatisées par Thatcher. Mieux encore : "my job, a-t-il dit dans une phrase qui devrait rester historique, was to build on some of the things she had done rather than reverse them". Mon boulot était de développer certaines choses qu’elle avait faites plutôt que de revenir dessus.

Le Labour n’est en effet devenu New Labour qu’en assumant, paradoxalement, le thatchérisme.Non sans mal : Tony Blair reconnaît dans ce même entretien que les analyses de Thatcher étaient à la fois "crédibles" et "douloureuses pour les gens de gauche"…Il n’empêche que depuis la fin des années 80, aucun politicien anglais n’oserait remettre en cause le rôle primordial du secteur privé et des mécanismes de marché, y compris dans la gestion des politiques publiques.  

On oublie un peu facilement que l’Angleterre des années 70 était un pays encore plus étatiste que la France d’aujourd’hui, avec des syndicats infiniment plus puissants, un secteur public démesuré (les dépenses publiques représentaient 60% du PIB, davantage qu’en France en 2012 !), et une dette hors de contrôle qui avait obligé le pays à se soumettre à un programme FMI - le comble de l’humiliation. Ecœurée par ce déclin rapide, Thatcher avait défini son objectif dès 1974 en créant aux côtés de Keith Joseph le think-tank CPS (Center for Policy Studies), avec pour mot d’ordre : "introduire le libéralisme dans le parti Tory". Ils y réussirent si bien que le libéralisme fut introduit non seulement dans le parti Tory, mais également dans le Labour et dans l’ensemble de la société britannique.C’est désormais un acquis. L’Angleterre n’était pas cette "nation de boutiquiers" que décrivait Napoléon : elle l’est devenue grâce à la fille de l’épicier de Grantham.

A l’inverse, la réaction de François Hollande, qui fut le chef du PS quand Tony Blair était celui du Labour, montre toute l’étendue de l’incompréhension ou de l’hypocrisie française. Le communiqué de condoléances de l’Elysée, après les louanges d’usage, mentionne perfidement les "convictions conservatrices" de Margaret Thatcher. Comment ignorer que le mot conservative a une histoire politique si différente des "conservateurs" français ? Etre conservative au sens de Thatcher, c’est renverser toutes les classes traditionnelles : haute administration, coteries de la City, monopoles économiques, pour laisser leur chance aux nouveaux entrants : femmes, étrangers, entrepreneurs. Le parcours même de Maggie reflète cette lutte permanente contre les corps établis.

Aujourd’hui, ce n’est plus l’Angleterre qui est "l’homme malade de l’Europe", mais la France. Et les conservateurs, ils sont au gouvernement.

Qu’il me soit permis de recommander aux sceptiques le documentaire de la BBC intitulé The Downing Street Years : quatre heures d’interview avec Margaret Thatcher juste après son départ du pouvoir, de nombreuses images d’archive, et les réflexions de ses amis comme de ses ennemis politiques. On y entendra notamment cette phrase combative, typique de Maggie : "Marxists get up early in the morning to further their cause ; we must get up ever earlier". Les marxistes se lèvent tôt pour faire avancer leur cause ; nous devons nous lever encore plus tôt.

Au travail, donc !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !